CULL, WILLIAM, pêcheur, trappeur et bûcheron de Terre-Neuve ; circa 1792–1823.

William Cull appartient à un groupe de pionniers anglais qui, vers la fin du xviiie siècle, entreprirent d’exploiter les ressources des anses situées au fond de la baie Notre Dame et celles des estuaires des rivières qui s’y jettent. Bien que peu nombreux si on les compare aux travailleurs saisonniers et aux colons qui pêchaient la morue et le phoque dans les anses situées à l’entrée de la baie, ces frontaliers, trappeurs, pêcheurs de saumon et hommes des bois, s’enfoncèrent dans le territoire des Béothuks, lequel se trouvait dans les bassins de la rivière des Exploits, de la rivière Gander et du ruisseau Indian. Ces incursions leur valurent une réputation peu enviable dans l’histoire de Terre-Neuve. Au cours de leurs activités, ils entrèrent en contact, puis en concurrence et en conflit avec les survivants de ces infortunés autochtones qui se faisaient de plus en plus rares. Ils en vinrent à considérer ces Indiens comme des voleurs d’équipement et de provisions, et, par voie de conséquence, comme une menace à leur survie. Certains observateurs et écrivains ont jugé que ces pêcheurs-trappeurs avaient mené une campagne délibérée et systématique visant à exterminer les Béothuks. Selon d’autres, la disparition de ces Indiens est due avant tout à certains facteurs comme les maladies venues d’Europe. Tous les spécialistes du sujet et les écrivains sérieux s’accordent pour reconnaître que les colons ont commis de nombreuses atrocités envers les Béothuks et qu’ils furent, directement ou indirectement, responsables de leur déclin et, finalement, de leur extinction.

Comme bon nombre de ses contemporains de la baie Notre Dame, Cull venait probablement des environs de Poole, dans le Dorset, en Angleterre, mais il est aussi possible qu’il ait vu le jour à Terre-Neuve. En 1792, il travaillait pour Harry Miller, piégeant le castor et le renard au ruisseau Northern Arm et à la rivière Peters, qui se jettent tous deux dans l’estuaire de la rivière des Exploits. En 1796, John Peyton l’employa comme trappeur et lui paya son passage quand il fit un voyage en Angleterre. Ainsi qu’en font foi les comptes de la John Slade and Company, société de Poole qui avait des établissements à Fogo et à Twillingate, Cull travailla pour son propre compte à partir de 1797. Il fournissait à cette compagnie des peaux de phoque et de la morue, mais surtout du saumon et des fourrures. Il lui arrivait aussi de couper et de vendre du bois ; en 1823, par exemple, il vendit à la John Slade and Company pour £140 de produits forestiers.

Bien qu’il ait gagné sa vie en travaillant surtout à Terre-Neuve même, Cull avait sa résidence principale à Barr’d Islands, localité située dans la partie nord de l’île Fogo. Lorsque le révérend John Leigh, un des premiers missionnaires anglicans de la région, passa à Barr’d Islands en août 1821, William Cull et sa femme Mary lui amenèrent sept enfants pour les faire baptiser. Les registres attestent en outre que cinq adultes nommés Cull et habitant tous Barr’d Islands reçurent aussi le baptême, et que deux autres familles nucléaires portant le même nom demeuraient à cet endroit.

C’est dans le cadre des contacts entre Anglais et Béothuks qui eurent lieu de 1791 à 1823, et que relatent certains documents, que William Cull attire plus particulièrement l’attention. De fait, ses activités jointes à celles de Peyton et à d’autres ont été associées très étroitement aux légendes, aux mythes et aux controverses relatives aux Béothuks, ainsi qu’aux études savantes dont ces derniers ont été l’objet. La notoriété de Cull vient du fait qu’il captura quatre des huit membres de la tribu qui tombèrent aux mains des Blancs entre 1758 et 1829, et du rôle qu’il joua en tant qu’émissaire et guide chargé par les gouverneurs de Terre-Neuve d’établir des relations amicales avec les Béothuks au début des années 1800. En 1792, l’officier de marine George Christopher Pulling enquêta sur les rapports qui existaient entre les Béothuks et les pêcheurs-trappeurs de la côte nord-est. Une de ses sources de renseignements était William Cull ; celui-ci affirma avoir été ennuyé par les Indiens le printemps précédent pendant qu’il trappait. Cull n’admit pas ouvertement s’en être pris aux aborigènes, mais il reconnut qu’un jour, après s’être aperçu que deux Indiens rôdaient aux alentours, il aurait tiré sur eux s’il en avait eu la chance. Pulling était d’avis que Cull, comme beaucoup d’autres trappeurs, faisait bon marché de la vie des Indiens.

Les circonstances entourant la capture d’une Indienne par Cull en 1803 sont racontées dans divers écrits qui diffèrent tant par le contenu que par les opinions exprimées. Selon un témoignage, Cull s’était saisi de la femme « pendant qu’elle pagayait dans son canot, à une faible distance de la terre ferme, en direction d’une île où elle allait ramasser des neufs d’oiseaux ». Certains l’ont décrite comme une « jeune femme », et d’autres comme une femme « d’une cinquantaine d’années », alors que Cull lui-même la qualifia de « vieille Indienne ». Quoi qu’il en soit, Cull amena sa captive à St John’s afin de toucher la prime offerte depuis quelques années « pour la capture d’Indiens et l’établissement de relations amicales » avec eux. Elle passa quelque temps à St John’s, où on lui remit des présents, puis Cull reçut l’ordre de la ramener parmi les siens. On espérait ainsi qu’elle pourrait convaincre son peuple des intentions pacifiques des Blancs. Cull garda la femme chez lui à l’île Fogo pendant près d’un an et, en août 1804, il la conduisit en amont de la rivière des Exploits, « aussi loin que [leurs] forces le permettaient, et la laiss[a] là dix jours ». « Quand je revins sur place raconta-t-il, le reste des Indiens l’avaient amenée dans [leur] pays. » Cull parla aussi de son désir d’avoir très peu affaire aux Indiens, à moins que le gouvernement ne garantisse le paiement des hommes qu’il faudrait embaucher pour mettre sur pied les expéditions nécessaires, et il exprima ce que pensaient les colons de la région, qui « n’étaient pas d’accord pour qu’on civilise les Indiens ».

À l’automne de 1809, le gouverneur John Holloway chargea Cull de diriger une expédition qui se rendrait pendant l’hiver au pays des « Indiens rouges » (les Béothuks). Cull se mit en route le le, janvier 1810, accompagné de six colons de la baie Notre Dame et de deux Micmacs. Ils traversèrent la rivière des Exploits, qui était alors gelée, et pénétrèrent ensuite à l’intérieur des terres. Après avoir parcouru une soixantaine de milles en quatre jours, ils arrivèrent près du lac Red Indian. L’expédition trouva alors de nombreuses manifestations de la présence des Béothuks : habitations, longues palissades pour la chasse au chevreuil, provisions et peaux apprêtées. Ils entrevirent deux Indiens, mais ceux-ci s’esquivèrent et, de toute évidence, donnèrent l’alarme à leurs compagnons qui se trouvaient dans les environs. Cull décida alors de rebrousser chemin, prétextant le « manque de pain et des divergences d’opinions parmi le groupe », lesquelles venaient probablement de la crainte d’une embuscade.

L’année suivante, Cull fut nommé guide principal d’une expédition mise sur pied par le gouverneur sir John Thomas Duckworth* et conduite par le lieutenant David Buchan*. L’expédition de Buchan était le projet le plus ambitieux jamais conçu pour entrer en contact avec les Béothuks. Cull guida un groupe de 28 hommes, des marins armés pour la plupart. Partis de la baie des Exploits, ils remontèrent la rivière du même nom en suivant la route empruntée l’année précédente mais en se rendant une dizaine de milles plus loin. Près du lac Red Indian, quelques membres de l’expédition surprirent un groupe de Béothuks ; au cours des événements qui suivirent, deux compagnons de Buchan furent tués par les Indiens. Un spécialiste a laissé entendre que Buchan s’était fourvoyé en emmenant avec lui des trappeurs de la trempe de Cull, « ces ennemis implacables des pauvres Peaux-Rouges ».

La capture de trois Indiennes par Cull au printemps de 1823, tout comme sa capture d’une Béothuk 20 ans plus tôt, fut le résultat du hasard. Alors qu’il était avec quelques-uns de ses hommes, il rencontra un Indien et une vieille Indienne. La femme se rendit et, après plusieurs jours, elle conduisit Cull à l’endroit où se trouvaient ses deux filles, qui souffraient de la faim.

L’une était âgée de 20 ans et l’autre d’environ 16 ans. Cull confia les trois Indiennes à la garde d’un magistrat, John Peyton fils. Toutes furent finalement emportées par la tuberculose ; la troisième, Shawnadithit, mourut à St John’s en 1829. Elle était la dernière survivante de son peuple dont les documents fassent mention.

Les dernières années de William Cull, tout comme son enfance, restent obscures. Il mourut apparemment à Terre-Neuve, soit en 1831 ou après, et laissa de nombreux descendants.

W. Gordon Handcock

BL, Add. ms 38352.— PANL, P7/A/6, 1796–1831.— USPG, C/CAN/Nfl., 3, reg. of baptisms for the parish of Twillingate, Nfld., 1816–1823 (copie aux PANL).— Public Ledger, juin 1831.— Howley, Beothucks or Red Indians. F. W. Rowe, Extinction : the Beothùks of Newfoundland (Toronto, 1977).

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W. Gordon Handcock, « CULL, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cull_william_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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