CULL, HENRY, homme d’affaires, seigneur, officier de milice, inventeur et juge de paix, né en 1753 dans le comté de Dorset, Angleterre ; décédé le 8 janvier 1833 à North-Hatley, Bas-Canada.

Henry Cull était le cadet d’une famille de dix enfants, dont plusieurs ont fait carrière dans la marine royale britannique. Il reçoit une formation dans le domaine des affaires et travaille quelques années pour une entreprise commerciale de Londres. Par la suite, il immigre en Amérique du Nord. On ignore la date exacte de son arrivée à Québec mais, en 1784, la Gazette de Québec fait mention d’un arrivage de marchandises diverses (tissus, malles en cuir et autres articles) destiné à Henry Cull, marchand de la rue Saint-Pierre. De plus, les registres de l’église anglicane de Québec révèlent qu’il est le père d’un fils naturel, Louis, baptisé le 17 juin 1787. À partir de 1788, les transactions passées devant notaire et les annonces qu’il fait paraître dans la Gazette de Québec témoignent d’une activité commerciale soutenue. Il est aussi procureur de la Dickinson and Lloyd, firme londonienne composée de financiers et de manufacturiers de coton. Cull semble bien intégré au groupe des marchands de Québec ; avec eux, il signe plusieurs pétitions en faveur des intérêts économiques du groupe ou contre certaines lois qui restreignent leur autonomie, tout en faisant acte de fidélité à la Constitution de 1791. Il participe aussi à la vie sociale de Québec comme membre actif de la Société du feu, comme enseigne puis lieutenant dans le Québec Battalion of British Militia et comme juré, notamment au fameux procès pour haute trahison intenté à David McLane* en 1797. Enfin, il est partisan de l’implantation à Québec d’une université non confessionnelle où seraient enseignées les langues et les sciences. Cull est aussi associé à l’invention d’une machine à monder l’orge qu’il met en service dans ses ateliers du faubourg Saint-Roch en 1796. Cette année-là, les propriétés de Cull sont évaluées à £1 000 ; elles consistent en une manufacture de potasse dotée d’un moulin et de quelques fourneaux, un atelier de fabrication d’huile de lin, une boulangerie, une maison et une étable.

En mai 1798, Cull rédige un testament dans lequel il lègue tous ses biens à l’un de ses fils naturels, George Irwin, « agé d’environ neuf mois et demi ». Par la même occasion, il nomme William Vondenvelden* exécuteur testamentaire, loue ses propriétés du faubourg Saint-Roch à Moses Hart*, marchand de Trois-Rivières, et annonce son départ de la colonie. Le mois suivant, il s’embarque pour l’Angleterre en compagnie du greffier du Conseil exécutif, Herman Witsius Ryland*. Mais durant la traversée, le navire croise le corsaire français Gironde, et Cull est fait prisonnier par le capitaine E. Cazalès. Le 26 août, Ryland, qui s’est rendu en Angleterre, demande aux autorités britanniques que Cull soit échangé contre des officiers subalternes de la Gironde. Libéré, Cull séjourne quelque temps dans la métropole, puis revient au Bas-Canada.

En 1799, après de mauvaises transactions dans la région de la baie des Chaleurs, Cull tente d’établir un commerce triangulaire avec les Antilles et l’Angleterre afin de renflouer ses coffres. À cet effet, il prévoit de vendre du bois et de la farine en échange de rhum et d’esclaves. Il semble toutefois que cette entreprise n’ait pas obtenu le succès escompté, puisqu’en 1801 Cull a besoin de liquidités et doit vendre la seigneurie du Bic dont il est propriétaire depuis 1791. À la suite de ses insuccès, il songe à se lancer dans la spéculation foncière afin de gagner davantage à court terme « qu’en dix ans de travail quotidien dans les affaires avec quatre fois plus d’argent ».

Avec l’ouverture des Cantons-de-l’Est à la colonisation en 1792, Cull entrevoit une occasion de mettre son projet à exécution. En compagnie du capitaine Ebenezer Hovey, il forme une association de 33 membres qui obtient, le 25 mars 1803, une concession de 23 493 acres dans le nouveau canton de Hatley. Par lettres patentes, Cull reçoit 1 200 acres. En 1805, il étend déjà la superficie de ses terres à 4 200 acres. En effet, conformément au système des chefs et associés de canton [V. Samuel Gale], il rachète de certains de ses associés 1 000 des 1 200 acres de terre qui leur avaient été octroyées, pour la somme symbolique de 5s. Cull devient donc propriétaire des belles terres qui bordent la rivière Massawippi à sa source et le lac Tomifobi (lac Massawippi) à ses deux extrémités, là où se trouvent aujourd’hui North-Hatley et Ayer’s-Cliff. Il semble cependant qu’il ait manqué de discernement pour l’emplacement de sa ferme qu’il établit du côté ouest du lac. Selon le chroniqueur Benjamin F. Hubbard, « la plus grande partie de sa propriété s’avérait humide et froide, et reposait sur la terre la moins riche du canton ». De toute évidence, les priorités de Cull ne sont pas dans l’agriculture. C’est en spéculateur foncier que s’est transformé le marchand de Québec. Les nombreuses transactions enregistrées dans le minutier du notaire William Ritchie, de Sherbrooke, et son testament olographe du 13 août 1827 témoignent en ce sens.

Propriétaire de 4 200 acres dans le canton de Hatley, Cull n’en laissera que 1 200 à ses héritiers ; il vend donc les cinq septièmes de sa propriété originale. Par ailleurs, les transactions connues montrent qu’il spécule sur au moins 5 500 acres de terre dans le canton de Hatley. Son activité de spéculateur est importante, d’autant plus qu’elle s’étend au delà du canton. Il léguera d’ailleurs à ses enfants 2 800 acres dans le canton d’Auckland et 1 400 dans le canton de Tring. Ces terres sont toutefois de moindre valeur : les héritiers vendront en 1857, à la British American Land Company, 1 600 acres dans Auckland au bas prix de £40, tandis qu’en 1835 ils avaient obtenu £50 de la compagnie pour 400 acres dans Hatley. Bien que Cull ne soit pas, d’après le fonctionnaire Jean-Chrysostome Langelier, un des plus grands propriétaires de la région, le pionnier de North-Hatley a sûrement profité de l’âge d’or de la spéculation foncière dans les Cantons-de-l’Est.

Cull participe activement à l’organisation sociale du canton de Hatley. Il soutient la mission anglicane de North-Hatley et devient l’un des fondateurs de la paroisse située à Charleston (Hatley) en 1822. Il met à la disposition des colons sa bibliothèque personnelle qui comprend 500 volumes de littérature anglaise et d’histoire ancienne et moderne. Cull exerce aussi les fonctions de juge de paix du district de Montréal, de 1807 à sa mort. Le 2 avril 1808, il est nommé lieutenant-colonel du 3e bataillon de milice des Cantons-de-l’Est qui regroupera sous ses ordres, pendant la guerre de 1812, les 14 compagnies des cantons de Stanstead, de Hatley et de Barnston.

De son mariage avec Elizabeth McMillan, décédée le 1er décembre 1814, Henry Cull a eu six enfants légitimes, nés entre 1803 et 1813. Des quatre qui lui ont survécu, trois iront habiter Fairfax, au Vermont. Seul George, héritier de la ferme paternelle, finira ses jours au Canada, mais ses descendants, à l’exception d’une fille, immigreront aussi aux États-Unis, ce qui laisse voir la mobilité de la population des régions frontalières canadiennes avant même l’ère industrielle.

Andrée Désilets

ANQ-E, T11-501.— ANQ-Q, CN1-256, 5 avril 1788, 5 janv., 9, 11 juill. 1792, 23 mai 1796, CN1-262, 30 mai 1798.— APC, MG 23, GIII, 13.— BE, Stanstead (Stanstead-Plain), Reg. B, 8, nos 2942–2945, 2992, 2995 ; 10, no 47.— EEC-Q, 26–29 ; 30b ; 53.— La Gazette de Québec, 1784–1822.— Sherbrooke Gazette and Eastern Townships Advertiser (Sherbrooke, Québec), 1832–1857.— Illustrated atlas of Eastern Townships. Langelier, Liste des terrains concédés, 15–17, 1013–1014.— Christie, Hist of L.C. (1848–1855), 1 : 183.— Albert Gravel, les Cantons de l’Est ([Sherbrooke], 1938).— B. F. Hubbard, Forests and clearings ; the history of Stanstead County, province of Quebec, with sketches of more than five hundred families, John Lawrence, édit. (Montréal, 1874 ; réimpr., 1963), 77–78, 284–285.

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Andrée Désilets, « CULL, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cull_henry_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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