Avec l’aimable autorisation d'Andrew James Gray.
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CROMIE, ROBERT JAMES, secrétaire et éditeur de journal, né le 4 juillet 1887 à Scotstown, Québec, fils de Henry James Cromie, originaire d’Irlande, et de Sarah Ann Guy, originaire d’Australie ; le 6 septembre 1911, il épousa à Vancouver Bernadette Grace Mcfeely, et ils eurent quatre fils et une fille ; décédé le 11 mai 1936 à Oak Bay, Colombie-Britannique.
Après avoir fréquenté des écoles publiques dans les Cantons-de-l’Est, Robert James Cromie, encore adolescent, se rendit à Winnipeg où il trouva du travail comme garçon de bureau à l’épicerie en gros Foley, Lock, and Larson. En 1906, alors chasseur au Mariaggi Hotel, il fit la connaissance de John William Stewart, entrepreneur de chemins de fer lié au Parti libéral, et lui fit bonne impression. L’année suivante, après avoir occupé plusieurs emplois et suivi des cours du soir en administration, Cromie fut engagé comme secrétaire personnel (assistant) de Stewart chez Foley, Welch, and Stewart, à Vancouver. Le partenariat, réorganisé en 1907, fut l’une des plus grandes entreprises de construction de chemins de fer en Amérique du Nord et participa à de nombreux projets importants en Colombie-Britannique.
En 1917, dans le but d’exercer une influence politique pendant l’élection provinciale, Stewart mit la main sur un journal libéral en faillite, le Vancouver Daily Sun, et en confia la direction à Cromie. Le journal avait été fondé en 1912 grâce au soutien de gens d’affaires associés au Parti libéral, notamment celui de Frederick Coate Wade* ; le 12 février, John Pollock McConnell et Richard Samuel Ford, éditeurs de l’hebdomadaire B.C. Saturday Sunset, avaient lancé le quotidien, surnommé le Sun, pour concurrencer le Vancouver Daily Province [V. Walter Cameron Nichol*], le Vancouver Daily News-Advertiser et le Vancouver World. McConnell et Ford se séparèrent en 1915 et Wade prit la tête d’un autre groupe qui acheta le Sun. Sous sa direction, le journal fut mis sous séquestre. Après que Cromie eut remplacé Wade deux ans plus tard, il se révéla supérieurement doué de nature dans ce domaine et acquit bientôt le journal de Stewart, probablement en août 1917, dans des circonstances imprécises.
Le 1er septembre, grâce à de l’argent prêté par Clarence Brettun Blethen, éditeur du Seattle Daily Times, Cromie acheta le Vancouver Daily News-Advertiser, fondé en 1886. Il absorba son tirage et s’appropria rapidement son histoire, alléguant que la transaction faisait du Vancouver Daily Sun le plus ancien journal de Vancouver. Il abandonna l’édition du soir et commença à publier le matin. Le lectorat du journal passa de 10 000 à 17 000 et, moins d’une année plus tard, son édition du dimanche se vendait à plus de 25 000 exemplaires.
Le 11 mars 1924, pour 475 000 $, Cromie acheta le Vancouver Daily World de Charles Edwin Campbell, entrepreneur qui en était le propriétaire depuis 1921. Cromie transforma ultérieurement le journal et l’intitula le Vancouver Evening Sun, dont le tirage atteignit 47 000 exemplaires et dépassa 50 000 le dimanche en moins d’une décennie. L’augmentation du tirage, qui avait presque quintuplé, fut une réalisation commerciale remarquable, mais ce succès ne fut pas obtenu sans difficulté. Lorsque Cromie eut du mal à rembourser avant la date limite la somme de 135 000 $ qu’il devait encore à Campbell, son créancier menaça de saisir le journal. Selon l’historien spécialisé en journalisme Charles Tory Bruce, l’exubérant Cromie lança « un appel émouvant » à Frederick Neal Southam, vice-président de la Southam Limited [V. William Southam], propriétaire du Vancouver Daily Province, dernier grand concurrent de Cromie sur le marché de Vancouver. Southam fut suffisamment impressionné par l’enthousiasme du jeune éditeur impétueux pour lui prêter l’argent. Bruce indique que le Vancouver Daily Province détint subséquemment des obligations de troisième hypothèque sur le journal pendant plusieurs années. Au début de janvier 1926, Cromie abandonna complètement l’édition du matin.
Cromie s’engagea ensuite dans une campagne en vue de faire de son journal, qui changerait plusieurs fois de titre, une voix importante dans l’ouest du Canada. Curieux et énergique, il n’hésita pas à chercher conseil partout où il le pouvait. Russell R. Walker, journaliste du Vancouver Daily Province, se rappela que peu après avoir acquis le Vancouver Daily Sun, Cromie s’était rendu un soir à la tribune de la presse de l’Assemblée législative de Victoria, s’était assis à côté de lui et lui avait demandé sans ambages ce que lui, son ennemi journalistique, pensait qu’il pouvait faire pour ressusciter son journal en difficulté. Walker avait répondu, plutôt énigmatiquement : « Peace River ». Cromie fut déçu et peu impressionné par l’explication que lui donna Walker plus tard dans la soirée : le journal avait besoin d’une cause. Mais la remarque le fit réfléchir. En 1928, il tenta d’accroître son tirage en amorçant une croisade fructueuse pour promouvoir l’investissement dans les régions isolées du nord de la province où, selon lui, se trouvait « la plus grande ressource inexploitée en Amérique du Nord ». Comme il avait beaucoup voyagé en Europe et en Extrême-Orient, il avait prévu l’essor économique des États-Unis et l’importance croissante des marchés asiatiques. Son journal défendit des causes telles que des réductions des tarifs de communication par câble avec l’Orient, la mise sur pied, dans l’Ouest, d’une voie pour le transport du grain qui relierait les producteurs des Prairies aux marchés du Pacifique, l’uniformisation des tarifs de transport du grain, l’établissement de Vancouver comme centre de distribution pour l’Ouest canadien, des liaisons ferroviaires entre le district de Peace River et la côte, et un investissement accru dans l’industrie minière de la province.
Partisan de la technocratie, mouvement apparu aux États-Unis en 1918–1919, qui préconisait le remplacement des hommes politiques par des scientifiques et des ingénieurs qualifiés possédant les compétences techniques nécessaires pour amener une stabilité économique, Cromie correspondait fréquemment avec l’un de ses chefs de file, Howard Scott. Flamboyant, excentrique et visionnaire, Cromie produisait une vive impression sur les gens qu’il rencontrait. Le futur premier ministre, William Lyon Mackenzie King*, écrivit toutefois dans son journal, en 1920, qu’il considérait Cromie comme un homme ambitieux, « peu consciencieux et peu scrupuleux, égoïste et irresponsable. Un ennemi dangereux, un bon ami, mais [qui] serait probablement un ami par pur intérêt personnel. » L’opinion de l’homme politique ne changea guère au fil des ans. En 1934, il qualifia le propriétaire du Vancouver Sun de « canaille traître et ignoble égoïste tout à la fois ». Ce point de vue peut avoir été teinté par les activités de Cromie au sein du Parti libéral, car King nota en 1936 que Cromie était l’un « des trois hommes qui firent tout leur possible pour [l]’évincer du parti ». Pourtant, Cromie était aussi reconnu pour sa générosité et sa magnanimité, en particulier envers ses employés.
Cromie était un mordu de tous les sports, un passionné de la santé et il fut l’un des premiers joggeurs de Vancouver. Il avait visité le Japon, la Chine et l’Inde en 1929. Il assista à la Conférence monétaire et économique internationale de Londres en 1933, fit du tourisme en Russie en avion plus tard la même année, et voyagea dans l’Arctique canadien par bateau et avion de brousse en 1934. Fin observateur, il publiait des articles et donnait des conférences sur ses découvertes. Promoteur inlassable de Vancouver et du Canada, il discutait aisément avec le philosophe populaire William James Durant aussi bien qu’avec le président américain Franklin Delano Roosevelt ou le journaliste à potins Lincoln Steffens. En 1980, au cours d’une entrevue pour les Provincial Archives of British Columbia, son fils Donald Cameron Cromie confia au journaliste chevronné Peter Stursberg pourquoi, en 1934, le Vancouver Sun avait donné une grande couverture à ce qu’on avait appelé le second New Deal de Roosevelt. Lors d’une conférence de presse, Cromie avait demandé au président, dont il avait fait la connaissance quand ce dernier était gouverneur de l’État de New York, d’énumérer ses objectifs sociaux. Selon Donald Cameron Cromie, Roosevelt aurait répondu : « Eh bien, monsieur Cromie, je suis ravi de vous voir revenir des étendues sauvages de la Colombie-Britannique. » Puis, le président exposa les buts du programme, « tous écrits par mon père et lui la veille en prenant le thé. Personne n’a jamais su cela. » Cette histoire repose sur une part de vérité. La conférence de presse eut lieu en réalité le 7 juin 1935 et, selon la transcription, Roosevelt accueillit Cromie en lui disant : « Je suis ravi de vous voir de retour ici. » En réponse aux questions de Cromie, le président décrivit ensuite les plans de son administration. Il n’a pas été possible de déterminer si Cromie et lui s’étaient rencontrés la veille.
À la suite d’un voyage en Extrême-Orient et en Australie en 1936, Robert James Cromie se rendit sur l’île de Vancouver pour prononcer une allocution à un déjeuner de la Chamber of Commerce de Victoria sur la modernisation de l’Asie et ses répercussions possibles sur l’avenir de la province. Il mourut subitement sur l’île d’une affection cardiovasculaire. Il avait 48 ans. Sa veuve lui succéda pendant une courte période à titre de présidente et d’éditrice du Vancouver Sun, mais ce fut sous la direction de son fils Donald Cameron que le journal finirait par supplanter le Vancouver Daily Province comme premier quotidien de la Colombie-Britannique et deviendrait le plus grand quotidien métropolitain publié à l’ouest de Toronto.
Robert James Cromie est l’auteur de A word picture of Asia, the world’s new market : with observations on world economic and social conditions as they affect Pacific northwest opportunities (Vancouver, 1930), The world in perspective : with observations on world economic and social conditions as they affect Pacific northwest opportunities (Vancouver, 1930), A world perspective ([Vancouver, 1930]), A liberal opinion of Mr. Mackenzie King (Ottawa, [1932 ?]), Technocracy from the viewpoint of an editor (Girard, Kans., 1933) et The modernization of Asia ([Vancouver, 1936]).
BAC, « Journal personnel de William Lyon Mackenzie King », 30 avril 1920, 20 avril 1934, 12 mai 1936 : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/politique-gouvernement/premier-ministres/william-lyon-mackenzie-king/Pages/journal-mackenzie-king.aspx (consulté le 12 mars 2014).— BCA, GR-2951, no 1936-09-513415 ; GR-2962, no 1911-09-063007.— Vancouver Daily Province, 12, 15 mai 1936.— Vancouver Sun, 12 mai 1936.— Charles Bruce, News and the Southams (Toronto, 1968).— Electoral history of British Columbia, 1871–1986 ([Victoria, 1988]).— The encyclopedia of British Columbia, Daniel Francis, édit. (Madeira Park, C.-B., 2000).— The greater Vancouver book : an urban encyclopaedia, sous la dir. de Chuck Davis (Surrey, C.-B., 1997).— S. W. Jackman, Portraits of the premiers : an informal history of British Columbia (Sydney, C.-B., 1969).— H. T. Mitchell, « Cromie of the Sun : from bell-hop to newspaper publisher and crusader extraordinary for the Canadian west », Maclean’s (Toronto), 1er nov. 1928 : 19, 32, 34.— Paul Rutherford, The making of the Canadian media (Toronto, 1978).— John Woolley et Gerhard Peters, « The American presidency project » : www.presidency.ucsb.edu (consulté le 21 févr. 2011).
Stephen Hume, « CROMIE, ROBERT JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cromie_robert_james_16F.html.
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Auteur de l'article: | Stephen Hume |
Titre de l'article: | CROMIE, ROBERT JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |