CRANE, SAMUEL, homme d’affaires et homme politique, né en 1794 au Massachusetts ; avant 1827, il épousa une prénommée Eunice, et ils eurent deux fils et huit filles ; décédé le 13 novembre 1858 à Prescott, Haut-Canada.

On ignore tout des premières années de Samuel Crane, mais on sait qu’en mai 1820 il était installé dans le Bas-Canada et qu’il était l’associé de Levi Sexton, de Cornelius A. Van Slyck et d’Alpheus Jones, propriétaires d’une maison transitaire établie à Lachine, port de partance de Montréal vers l’ouest. Cette société assurait une liaison commerciale entre Montréal et les ports du haut Saint-Laurent et du lac Ontario. Elle avait des bureaux dans le Haut-Canada, à Prescott, et dans l’état de New York, à la rivière Genesee et à Ogdensburg. Jusqu’en 1824, à cause d’un monopole accordé par l’état de New York, seuls les bateaux à vapeur américains pouvaient s’arrêter dans les ports de cet État. Mais comme les associés étaient propriétaires d’une partie de l’Ontario, premier bateau à vapeur américain à naviguer sur les Grands Lacs, ils eurent beaucoup de facilité à desservir les deux côtés de la frontière. Leur société était donc bien équipée pour profiter de l’augmentation du volume du trafic sur le Saint-Laurent. Depuis la guerre de 1812, le Haut-Canada accroissait constamment ses importations de marchandises et ses exportations de produits agricoles.

Au cours des années suivantes, Crane fit partie de plusieurs autres sociétés, la plus importante étant celle qu’il fonda en 1822 avec W. L. Whiting, de Prescott. Située juste en haut des rapides Galops, cette ville était devenue, depuis la guerre, un important port de transbordement où les marchandises passaient des bateaux du fleuve aux bateaux des Grands Lacs. Pendant les premières années de ce commerce transitaire, les sociétés et les associations commerciales se modifiaient fréquemment. En même temps, toutefois, on cherchait à se regrouper afin de faire face à la concurrence et à l’augmentation rapide des frais généraux, deux conséquences de la multiplication des bateaux à vapeur dans le secteur. Au début de 1828, Crane était installé à Prescott, peut-être pour devenir associé résidant de la John Macpherson and Company, société dont l’actionnaire principal était John Macpherson de Kingston et qui avait des établissements à Prescott et à Montréal. Il est certain en tout cas que Crane s’associa à cette compagnie avant sa dissolution, en janvier 1831. Toutefois, lui et Macpherson ne tardèrent pas à fonder une nouvelle société. Après avoir connu pendant plusieurs années des relations d’affaires sans lendemain, Crane se trouvait enfin dans une société stable qui porterait successivement les noms de Macpherson and Crane, de Macpherson, Crane and Company et de S. Crane and Company. Elle prospéra au point de dominer le commerce transitaire pendant les 22 années qui suivirent, et les associés gagnèrent une réputation d’hommes d’affaires entreprenants et fiables. Crane se fit connaître comme un travailleur infatigable qui, selon un représentant de la R. G. Dun and Company (firme déterminant la cote de crédit des compagnies), était « un véritable esclave » de son travail. En fait, il s’y consacrait si exclusivement qu’on finit par lui prêter « une froideur presque repoussante », d’après le Journal of Education for Upper Canada.

On ne sait pas exactement pourquoi les deux associés réussirent si bien, mais ils avaient fait dans les débuts une importante manœuvre. Le 15 décembre 1836, ils s’étaient associés à l’Ottawa and Rideau Forwarding Company, qui réglementait l’accès du canal Rideau, terminé depuis peu, du fait qu’elle était propriétaire de l’écluse de Sainte-Anne-de-Bellevue, située près du confluent de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent. S’étant ainsi assuré un accès facile au canal Rideau, Macpherson et Crane détenaient désormais un précieux avantage sur leurs rivaux, qui devaient continuer de passer par les eaux dangereuses du Saint-Laurent ou remorquer leurs bateaux dans les rapides de Sainte-Anne. En 1837, Crane et son associé veillèrent à conserver cet atout quand ils convinrent avec toutes les autres maisons transitaires importantes de fixer des frais de transport communs. L’aménagement d’une écluse publique à Sainte-Anne-de-Bellevue fut terminé en 1842, mais le monopole que détenaient la Macpherson and Crane et l’Ottawa and Rideau Forwarding Company avait pris fin l’année précédente, celle-ci ayant accepté que les barges des compagnies rivales soient halées le long de son écluse.

La suprématie de Macpherson et de Crane sur le commerce transitaire était bien établie en 1841 : ils disposaient de 12 des 20 bateaux à vapeur qui faisaient du commerce entre Montréal et Kingston, et étaient propriétaires de 40 barges et de 5 schooners destinés au transport sur les Grands Lacs. Ils avaient de vastes entrepôts à Montréal, Bytown (Ottawa), Kingston et Prescott, et possédaient de grands chantiers navals à Montréal, Prescott et Kingston. Le nombre d’ouvriers à leur service dépassait 650. Macpherson et Crane se maintinrent en première position tout au long des années 1840 et purent aussi ouvrir des établissements dans les ports de Hamilton, de Port Stanley et d’Amherstburg, dans l’ouest du Haut-Canada. De plus, en 1850, ils étendirent leurs opérations jusqu’au lac Champlain afin d’avoir un lien avec Boston et New York. Pendant son ascension comme transitaire, Crane avait consacré pas mal de son temps à d’autres entreprises. En 1833, il fut élu au conseil d’administration de la Saint Lawrence Inland Marine Assurance Company. Trois ans plus tard, il tenta sans succès avec d’autres d’obtenir une charte pour l’établissement d’une banque à Prescott ; en 1837, il devint membre du conseil d’administration de la Commercial Bank of the Midland District. Enfin, en 1852, il avait acquis ou construit à Prescott une distillerie et un moulin à farine qui fonctionnait à la vapeur.

Au printemps de 1853, malgré ses progrès, la compagnie de Crane vendit plusieurs de ses navires et abandonna complètement le transport des passagers. Le 21 décembre de la même année, Macpherson et Crane cédèrent la plupart de leurs autres navires et mirent fin à leur longue carrière dans le commerce transitaire. Cette volte-face peut être expliquée de diverses manières. L’année précédente, David Lewis Macpherson*, associé de la compagnie depuis 1842, s’était engagé à fond dans la construction ferroviaire et avait apparemment quitté la compagnie. En retirant ses capitaux, il força peut-être celle-ci à vendre ses bateaux de passagers. De plus, le chemin de fer du Grand Tronc, qui menaçait de concurrencer à longueur d’année le commerce maritime, était sur le point d’être achevé, ce qui dut assombrir les perspectives d’avenir. Cette menace était d’autant plus grave que Macpherson et Crane venaient de traverser deux mauvaises années. L’incendie qui détruisit leurs entrepôts et leur quai de Kingston le 12 novembre 1853 influa peut-être aussi sur leur décision ; leur avis de vente parut peu après.

Crane demeura l’associé de Macpherson, car ils possédaient encore en commun divers intérêts commerciaux. Ils avaient toujours quelques biens à vendre, dont plusieurs navires et barges, et de nombreux comptes à payer et à réclamer. La Henderson and Holcomb, qui avait acheté la plus grande partie de leur entreprise, était leur principal débiteur. Au moment de sa faillite, en 1857, elle leur devait encore £20 000 environ. Cette énorme perte provoqua à son tour la faillite de Macpherson et de Crane et, le 10 novembre 1857, la dissolution de l’association des deux hommes. L’échec frappa si durement Crane que, croit-on, il contribua à la détérioration de sa santé et à sa mort, l’année suivante.

Bien que presque exclusivement intéressé au commerce transitaire et à d’autres affaires commerciales, Samuel Crane avait fait une brève incursion sur la scène politique. Il se présenta comme réformiste à une élection partielle dans Grenville en 1838, mais se retira à cause de la controverse soulevée par l’éloignement du bureau de scrutin, situé à Merrickville. Élu député de Grenville aux élections générales de 1841, il le demeura jusqu’en 1844, mais ne joua pas de toute évidence un rôle actif au Parlement. Le 16 janvier 1849, il fut nommé au Conseil législatif où, apparemment, il ne fut pas non plus une figure de premier plan. Le 17 mars 1858, son siège fut déclaré vacant pour cause d’absence.

Harry Pietersma

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Harry Pietersma, « CRANE, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/crane_samuel_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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