COUTLÉE, LOUIS WILLIAM (on donne parfois les prénoms Louis William P.), avocat, fonctionnaire et officier de milice, né le 17 décembre 1851 à Oakland Lodge près d’Aylmer, Bas-Canada, fils de Louis Maurille Coutlée et de Jane Maria Clegg ; le 7 avril 1880, il épousa à Kingston, Ontario, Charlotte Margaret Wilson, de Belleville, et ils eurent un fils et trois filles ; décédé le 2 mai 1917 à Ottawa.

Bien que la famille de Louis William Coutlée ait prétendu descendre de Français anoblis sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIV, il semble que, au milieu du xixe siècle, elle ait été tout à fait assimilée au Québec anglophone. Le père de Coutlée fut meunier, officier de milice et shérif du district d’Ottawa. Comme lui, Louis William et son jeune frère feraient du service militaire et appartiendraient à l’administration publique. Coutlée grandit à Aylmer, où il fit ses études secondaires, puis passa un temps indéterminé au collège Masson de Terrebonne, après quoi il fit ses études de droit au McGill College. Il révéla précocement ses talents en publiant en 1870 An alphabetical index of the code of civil procedure of Lower Canada. En 1873, McGill lui décerna une licence en droit civil. Admis au Barreau de la province de Québec la même année, Coutlée, âgé de 21 ans, entreprit en Ontario un stage d’une durée probable de deux ans, le minimum imposé aux détenteurs d’une licence. En 1875, il fut reçu au Barreau de l’Ontario. Comme sa famille, semble-t-il, dépendait à un certain degré des faveurs du Parti conservateur, il dut, sous le règne libéral du milieu des années 1870, trouver un emploi ailleurs que dans la fonction publique. Au moins à compter de 1880 et jusqu’en 1882, il exerça à Ottawa.

À l’instar de bien d’autres avocats du centre du pays, Coutlée se laissa attirer par le Manitoba, où l’économie était florissante, mais il y arriva en 1882, au moment de l’effondrement du boom immobilier. Par bonheur, il gagna une certaine sécurité financière en devenant en 1883 procureur général adjoint et greffier de l’Assemblée législative du Manitoba. L’année suivante, sa rémunération de greffier s’élevait, dit-on, à 800 $ par an ; en plus, il touchait 2 000 $ à titre de procureur général adjoint. Il ne put pratiquer le droit avant son admission au barreau de la province en 1885.

Coutlée entra au service du gouvernement manitobain à un moment délicat. Pour contester les prétentions de l’Ontario au territoire frontalier du district de Keewatin [V. sir Oliver Mowat*], la province devait assurer une présence judiciaire et administrative. Coutlée organisa l’appareil judiciaire du district tout en administrant l’ensemble du bureau du procureur général de la province. En plus, en tant que commissaire municipal, il participa probablement à la conception et à la rédaction de la l’Acte municipal de Manitoba en 1886 et, par la suite, supervisa l’organisation du système municipal de la province.

Coutlée était un fervent milicien depuis l’âge de 15 ans. Des périodes de service brèves et sans histoire pendant les raids féniens de 1866 et la peur fénienne de 1870 [V. John O’Neill*] lui valurent une médaille. Il participa à la répression du soulèvement déclenché au printemps de 1885 dans le Nord-Ouest [V. Louis Riel*]. Alors à la tête de la Winnipeg Field Battery en qualité de capitaine, il servit plus de trois mois dans une colonne sous le commandement du major-général Frederick Dobson Middleton* et assista aux batailles de Fish Creek et de Batoche (Saskatchewan). Il reçut d’ailleurs une médaille militaire. Promu major l’année suivante, il commanda la Winnipeg Field Battery jusqu’en 1895. On dit qu’il fut vice-président de la Canadian Artillery Association, mais la durée de son mandat est inconnue.

Pendant qu’il était procureur général adjoint, Coutlée représentait parfois la couronne dans des poursuites criminelles, mais l’une de ses principales attributions était l’administration de l’enregistrement des terres. L’augmentation croissante des transactions dans la province mettait en évidence l’imprécision et l’inefficacité du système d’enregistrement et de validation des transferts fonciers. Très inspiré de celui de l’Ontario, ce système avait été mis en place en 1870 et inscrit dans l’Acte touchant l’enregistrement des titres. On ne saurait préciser quelle part Coutlée prit à la rédaction de l’Acte concernant la propriété réelle de 1885, mais elle dut être importante. Cette loi eut de grandes répercussions. En vertu du système Torrens d’enregistrement des terres, adopté dans tout l’Ouest canadien après consultation avec des fonctionnaires du pays d’origine de ce système, l’Australie, le gouvernement provincial pouvait garantir les certificats de propriété par l’intermédiaire d’un bureau d’enregistrement des terres. Ce changement éliminait les problèmes de translation découlant de titres de propriété souvent imprécis ainsi que de coûteuses recherches juridiques sur la dévolution des terres. En 1887, Coutlée obtint le poste de registrateur général ; à ce titre, il devenait le grand responsable de l’application du nouveau système d’enregistrement. En 1890, il rédigerait un ouvrage intitulé A manual of the law of registration of titles to real estate in Manitoba and the North-West Territories. Bien accueilli par les avocats, ce manuel le fit reconnaître internationalement comme l’autorité en matière d’enregistrement des terres.

Coutlée fut congédié abruptement en 1889, après que Joseph Martin*, homme irascible et vindicatif, eut été nommé procureur général dans le gouvernement libéral de Thomas Greenway*. À l’époque où Martin, avocat, faisait de la pratique privée, Coutlée l’avait offensé, semble-t-il, en refusant d’approuver un enregistrement, en lui tenant des propos durs et en lui ordonnant de sortir de son bureau. Décidé à se venger, Martin obtint du Conseil exécutif l’abolition du poste de registrateur général, puis, dit-on, se précipita au bureau de Coutlée pour lui remettre l’arrêté en conseil. Le poste fut restauré un an plus tard sur la recommandation de Martin. L’incident rappelait de manière cruelle aux hauts fonctionnaires tel Coutlée que, malgré leurs compétences inestimables, ils risquaient de perdre leur place à cause de rivalités partisanes ou de la volonté d’un individu.

Louis William Coutlée fit probablement de la pratique privée à Winnipeg jusqu’au 2 décembre 1895. Ce jour-là, bien que la province de Québec s’y soit d’abord opposée fermement, il fut nommé greffier adjoint de la Cour suprême du Canada. Il démontra son utilité au tribunal en compilant plusieurs recueils d’affaires judiciaires qui parurent en 1899, en 1904, en 1907 et en 1909. Au cours de ses années à Ottawa, Coutlée se joignit à l’élite en adhérant au Rideau Club. Il mourut dans cette ville en laissant une modeste succession.

Richard A. Willie

Louis William Coutlée est l’auteur d’ouvrages intitulés An alphabetical index of the code of civil procedure of Gower Canada (Montréal, 1870) et A manual of the law of registration of titles to real estate in Manitoba and the North-West Territories (Toronto, 1890). À titre de greffier de la Cour suprême du Canada, il a participé à la compilation des Canada Supreme Court Reports (Ottawa), 25–54. Il a aussi compilé Coutlée’s collection of notes of unreported cases in the Supreme Court of Canada, 1875–1907 (Toronto, 1907) et Digest of cases determined by the Supreme Court of Canada [...] 1893–1898 [...] (Toronto, 1899), 1875 to 20 October 1903 (1904), [1904–1908] (1909).

AN, RG 9, II, A5, 2 : 36 ; 6 : 99 ; F7, Winnipeg Field Battery, mars–juin 1885.— AO, RG 22-354, no 8313 ; RG 80-5-0-89, no 2948.— Manitoba Free Press, 31 oct., 1er nov. 1895, 8 mai 1917.— Canadian biog. dict.Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Dale et Lee Gibson, Substantial justice ; law and lawyers in Manitoba, 1670–1970 (Winnipeg, 1972).— Manitoba, Assemblée législative, Journaux, 1884 ; « Doc. de la session », 1886, no 1.— Manitoba Reports (Winnipeg), 18871895.— Pioneers of Manitoba (Morley et al.).— E. A. Pridham, « The title to land in Manitoba », Manitoba, Hist. and Scientific Soc., Papers (Winnipeg), 3e sér., no 13 (1957–1958) : 7–26.— J. P. Robertson, A political manual of the province of Manitoba and the North-West Territories (Winnipeg, 1887).— L.-H. Taché, A legal hand-book and law list for the Dominion of Canada and a book of parliamentary and general information (Toronto, 1888).— R. A. Willie, « These legal gentlemen » : becoming prominent in Manitoba, 18701900 » (thèse de ph.d., Univ, of Alberta, Edmonton, 1989).

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Richard A. Willie, « COUTLÉE, LOUIS WILLIAM (Louis William P.) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/coutlee_louis_william_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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