COULON DE VILLIERS, LOUIS, officier dans les troupes de la Marine, né à Verchères (Québec) le 10 août 1710, fils de Nicolas-Antoine Coulon* de Villiers et d’Angélique Jarret de Verchères ; il épousa, à Montréal le 29 décembre 1753, Marie-Amable Prud’homme, décédé à Québec le 2 novembre 1757.
Louis Coulon de Villiers commença sa carrière comme cadet dans les troupes de la Marine sous les ordres de son père, au fort Saint-Joseph (probablement à Niles, Mich.). Lors d’une attaque contre la tribu des Renards à la baie des Puants (Green Bay, lac Michigan) en 1733, son père et un de ses frères furent tués, tandis qu’il fut lui-même grièvement blessé. Pour compenser cette perte, il fut nommé enseigne en second l’année suivante. Il continua son service dans l’Ouest où il mérita le respect des tribus indiennes ainsi que celui de ses supérieurs. Il servit en Louisiane lors de la campagne menée par Bienville [Le Moyne] contre les Chicachas en 1739 ; à son retour, il fut nommé au fort Saint-Frédéric (Crown Point) sur le lac Champlain. En 1748, il fut promu lieutenant et, deux ans plus tard, grâce à sa bonne réputation auprès des tribus de la région, on lui confia le commandement du fort des Miamis (probablement situé au fort Wayne, Ind., ou tout près). Entre temps, des trafiquants de fourrures anglo-américains avaient envahi le pays et noué des liens étroits avec les Miamis. Les ordres du gouverneur La Jonquière [Taffanel] lui enjoignirent de libérer cette tribu de l’influence des Anglais et de restaurer l’autorité française. Malgré son peu de succès, il fut promu capitaine lors de son retour à Montréal en 1753.
En 1754, au moment où la tension montait dans la vallée de l’Ohio, la France étant décidée à contester les réclamations territoriales de la Virginie, le gouverneur Duquesne* dépêcha des troupes supplémentaires aux forts récemment construits entre le lac Érié et l’embranchement de la rivière Ohio. Louis Coulon prit le commandement d’une troupe constituée de 600 Canadiens et de plus de 100 Indiens de la mission. À son arrivée au fort Duquesne (Pittsburgh, Penn.) le 26 juin, il apprit que même si l’Angleterre et la France n’étaient pas en guerre, un détachement de près de 30 Canadiens, conduit par son frère, Joseph Coulon de Villiers de Jumonville, avait été attiré dans une embuscade par un détachement de la milice de Virginie dirigé par George Washington accompagné de quelques Indiens sous la conduite de Tanaghrisson. Jumonville et neuf autres Canadiens avaient été tués ; les autres, à l’exception d’un seul, avaient été capturés. Le commandant du fort, Claude-Pierre Pécaudy* de Contrecœur, avait rassemblé 500 membres de sa garnison afin de venger cette attaque et de chasser les Américains du territoire réclamé par la France. Louis Coulon reçut le commandement de ce détachement, tel qu’il l’avait demandé.
Deux jours plus tard, la troupe, accompagnée d’un certain nombre d’alliés indiens, dont plusieurs allaient par la suite déserter, quitta le fort Duquesne. En route, ils passèrent à l’endroit où le petit détachement de Jumonville était tombé dans l’embuscade. Washington y avait abandonné, sans sépulture, les cadavres scalpés qui servaient de proie aux loups et aux corneilles. Le 3 juillet, les Canadiens entrèrent en contact avec l’ennemi qui s’était réfugié dans une grossière redoute en rondins, baptisée à juste titre fort Necessity (près de Farmington, Penn.). Le moral et la discipline des miliciens américains étaient bas et ils craignaient les Canadiens. Pendant neuf heures, entre les bourrasques intermittentes de pluie, les forces canadiennes accablèrent l’ennemi d’un feu nourri, leur infligeant une centaine de pertes, soit environ le quart de leurs effectifs. À la tombée de la nuit, les pertes de Coulon ne s’élevaient qu’à trois morts et 17 blessés, mais ses hommes étaient épuisés, la poudre et les projectiles commençaient à manquer, et il y avait des raisons de craindre l’arrivée prochaine de renforts américains. Il décida alors de parlementer. Washington accéda rapidement à sa demande. Coulon rédigea les articles de la capitulation, déclarant que les Français n’avaient aucunement l’intention de perturber la paix entre les deux royaumes ; ils voulaient seulement « venger l’assassin qui a été fait sur un de [leurs] officiers porteur d’une sommation, Et sur son escorte comme aussy d’Empecher aucun Etablissement sur Les terres du Roy mon Maitres ». Les Américains reçurent la permission de retourner en sécurité dans leur pays avec les honneurs de la guerre, à la condition qu’ils promettent de quitter leurs établissements situés à l’ouest des Alleghanys pendant les douze mois qui suivraient. Ils acceptaient de renvoyer au fort Duquesne, dans un délai de deux mois et demi, les prisonniers capturés lors de leur attaque contre la troupe de Jumonville. Pour montrer leur volonté de respecter les clauses de la capitulation, ils présentèrent deux otages, Robert Stobo et leur interprète, Jacob Van Braam.
Le jour suivant, les Américains s’enfuirent si rapidement à leurs établissements que Washington laissa son journal parmi les bagages abandonnés. Le gouvernement français utilisa abondamment son contenu, ainsi que celui des articles de la capitulation, pour taxer les Anglais d’assassins et d’agresseurs avoués. Washington nia s’être sciemment avoué coupable de meurtre. De concert avec ses collègues officiers, il soutint que leur interprète, en traduisant l’acte, avait substitué les mots « mort » ou « perte de » au terme incriminant d’« assassin ». Les Américains, toutefois, déclarèrent ouvertement par la suite qu’ils n’avaient aucune intention de respecter le document auquel Washington avait apposé sa signature. Les prisonniers français ne furent pas relâchés, Stobo viola sa parole et servit d’espion, et, avant la fin de l’année stipulée dans l’acte, Washington accompagna l’armée du major général Edward Braddock dans un assaut majeur contre le fort Duquesne.
Quoique le gouverneur Duquesne entretenait de sérieuses réserves concernant la clause de l’acte de capitulation qui interdisait la vallée de l’Ohio aux Américains pour une seule année, il était quand même heureux de la tournure des événements. On avait vengé l’honneur de la France et supprimé la menace des Américains contre la position française dans l’Ouest. Dans son rapport au ministre de la Marine, il louangea non seulement la valeur de Coulon de Villiers, mais aussi la retenue dont il avait fait preuve en épargnant la vie des Américains, malgré l’amer ressentiment qu’il avait dû éprouver à la suite de l’assassinat de son frère.
L’année suivante, en 1755, lorsque les hostilités reprirent de façon intensive, Louis Coulon s’illustra dans la petite guerre à la frontière de la Pennsylvanie, puis à la prise des forts Oswego et William Henry (aussi appelé fort George ; aujourd’hui Lake George, N.Y.). En 1755, le gouverneur général, Pierre de Rigaud* de Vaudreuil avait réitéré la demande de ses prédécesseurs à l’effet que Louis Coulon de Villiers reçoive la croix de Saint-Louis, mentionnant qu’il l’avait méritée depuis longtemps par ses vaillants états de service et ajoutant : « La famille dud Sr de Villiers s’est de tout temps distingué dans le service, et aucun deux n’a pery qu’en combattant l’Ennemy. » Ironiquement, Coulon de Villiers reçut cette récompense tant convoitée quelques jours seulement avant d’être frappé par la petite vérole. Le 2 novembre 1757, Vaudreuil informa le ministre de la mort de Louis Coulon. « Il est dommage, Monseigneur, écrivit-il, qu’un si excellent officier soit mort de cette maladie après s’être exposé aux plus grands dangers. »
Les éminents historiens américains Francis Parkman et L. H. Gipson s’efforcent de justifier la conduite de Washington, de l’exonérer de l’accusation d’avoir assassiné Jumonville et de s’en être reconnu coupable. Dans la discussion des suites de cette affaire, les deux historiens interprètent mal certains faits évidents et négligent d’autres faits pertinents. Ils affirment tous deux qu’en apprenant la mort de Jumonville, le gouverneur général Duquesne envoya de Montréal des renforts dirigés par Louis Coulon. Or, Duquesne ne fut informé de l’événement qu’entre le 20 et le 24 juin, alors que Coulon de Villiers arriva au fort Duquesne le 26 juin. Rapportant la citation qu’il avait traduite (en indiquant la mauvaise source), Parkman écrit que les officiers supérieurs du fort Duquesne étaient d’accord que « si les Anglais s’étaient retirés sur leur côté des montagnes, on devrait les repousser jusqu’à leurs établissements pour les détruire et les traiter comme des ennemis, jusqu’à ce que cette nation donne ample satisfaction et change complètement de conduite ». Cette traduction pourrait être prise comme signifiant que Coulon de Villiers avait reçu l’ordre de détruire les établissements anglais, mais la citation française originale « Si les Anglois s’étoient retirés de dessus nos terres qu’on iroit jusques dans leurs habitations pour les detruire et les traiter comme Ennemis jusqu’a ample satisfaction et changement de conduite de cette Nation » ne permet pas cette interprétation. C’était la troupe de Washington et non les établissements anglais qui devaient être attaqués. Utilisant les mêmes sources, Gipson soutient que Villiers reçut l’ordre, s’il découvrait que l’ennemi s’était retiré au-delà des montagnes, « de poursuivre néanmoins sa marche vers la région où étaient situés leurs établissements et de détruire leurs habitations [...]. En d’autres mots, les représailles pouvaient aller jusqu’à la destruction des établissements frontaliers des Anglais ». En fait la guerre n’avait pas été déclarée et les Français étaient attentifs à ce que les Anglais ne trouvent pas de raison de la déclarer. « Malgré leur action inouie Recommandons au Sr de Villiers d’éviter toute cruauté autant qu’il sera en son pouvoir », tel était précisément l’ordre que Contrecœur fit parvenir à Coulon le 28 Juin 1754. [w. j. e.]
AE, Mém. et doc., Amérique, 10/1, ff.133–134.— AN, Col., D2C, 47, ff.8, 689 ; 48, ff.41, 61, 216 ; 49, f.351 ; 57, ff.154, 164 ; 61, ff.8, 26, 47, 89, 116 ; Col., E, 95 ; Marine, C7, 75.— Illinois on eve of Seven Years’ War (Pease et Jenison), xxxii-xxxiii.— Papiers Contrecœur (Grenier).— Procès de Robert Stobo et de Jacob Wambram pour crime de haute trahison, RAPQ, 1922–1923, 299–347.— Eccles, Canadian frontier.— Gipson, British empire before the American revolution, VI.— Lanctot, History of Canada, III.— Parkman, Montcalm and Wolfe.— Stanley, New France.
W. J. Eccles, « COULON DE VILLIERS, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/coulon_de_villiers_louis_3F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/coulon_de_villiers_louis_3F.html |
Auteur de l'article: | W. J. Eccles |
Titre de l'article: | COULON DE VILLIERS, LOUIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |