Titre original :  Glenbow Museum Archives

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COSTANZO, FILUMENA (Florence) (Sanfidele (Lassandro)), complice d’un contrebandier d’alcool et condamnée pour meurtre, née en 1900 à Cosenza, Italie, fille de Vincenzo Costanzo et d’une prénommée Angela ; le 16 octobre 1915, elle épousa à Fernie, Colombie-Britannique, Carlo (Charles) Sanfidele, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédée le 2 mai 1923 à Fort Saskatchewan, Alberta.

Filumena Costanzo immigra au Canada en 1909 avec sa mère, son père, son frère et sa sœur. La famille s’installa à Fernie, où le père trouva un emploi de mineur de charbon, le métier le plus commun dans la passe du Nid-du-Corbeau [V. Frank Henry Sherman*]. En 1915, à 14 ans, Florence (elle avait changé de prénom sur le conseil d’une institutrice) épousa Carlo Sanfidele, âgé de 23 ans. Il s’agissait d’un mariage arrangé par le père de la jeune fille, comme le voulait alors la coutume italienne. Peu après la cérémonie, Florence et son mari allèrent chercher du travail en Pennsylvanie, mais ils rentrèrent au Canada quelques mois plus tard et s’installèrent à Blairmore, en Alberta. On croit que Carlo changea de patronyme (il choisit Lassandro) parce qu’il était entré illégalement aux États-Unis et espérait pouvoir échapper à la justice sous sa nouvelle identité. Dès 1916, il était chauffeur d’un homme d’affaires de Blairmore, Emilio Picariello.

Le 1er juillet 1916, la prohibition entra en vigueur en Alberta. Une contrebande intense ne tarda pas à s’organiser : l’alcool, transporté illégalement à partir des territoires voisins où il n’était pas interdit, notamment la Colombie-Britannique et le Montana, entrait dans le sud de l’Alberta et, vendu clandestinement, venait étancher la soif des mineurs de la région. Carlo Lassandro travaillait toujours pour Picariello, non seulement à titre de chauffeur mais aussi de directeur de l’Alberta Hotel à Blairmore. Passer de l’alcool en contrebande dans l’automobile de son patron, une puissante McLaughlin Six, faisait partie de son travail. Picariello avait une vaste zone d’activité – de Nelson, en Colombie-Britannique, jusqu’à Regina. Son fils Stefano (Steve) était lui aussi chauffeur. Picariello réussit à continuer ses expéditions en Colombie-Britannique même après que cette province eut interdit la vente d’alcool en 1917 et la fabrication d’alcool l’année suivante. Florence Lassandro et Picariello fils avaient à peu près le même âge. Picariello père croyait qu’un jeune couple qui traversait la frontière en faisant semblant d’aller passer l’après-midi à pique-niquer n’éveillerait pas les soupçons. Les deux jeunes gens faisaient donc souvent des expéditions ensemble. À l’occasion, Florence Lassandro prenait le volant et allait en mission sans son compagnon. Seule ou avec Stefano Picariello, elle prit part à cette activité illégale durant de nombreuses années.

Le 21 septembre 1922, des agents locaux de l’Alberta Provincial Police poursuivirent et tentèrent d’intercepter une automobile dans laquelle, soupçonnaient-ils, se trouvait de l’alcool de contrebande. Le conducteur était le fils de Picariello. Au moment où le véhicule s’engagea dans la rue principale de Coleman, les policiers firent signe au conducteur de s’arrêter. Comme il n’obtempérait pas, le constable Stephen Oldacres Lawson tira sur le véhicule et blessa Stefano à la main. Les policiers prirent la voiture en chasse, mais elle fut bientôt hors de portée et ils la laissèrent filer. Emilio Picariello apprit l’incident dans la soirée. Croyant que son fils pouvait avoir été grièvement blessé ou même tué, il s’arma et, avec Florence Lassandro, se rendit en voiture au poste de police de Coleman. Le constable Lawson sortit. Il y eut une altercation. Les adversaires en vinrent aux mains. Deux coups de feu partirent – du véhicule de Picariello, apparemment –, mais aucun n’atteignit Lawson. Le constable se détourna de la voiture, peut-être pour sortir son arme, et un troisième coup de feu, fatal celui-là, l’atteignit dans le dos. Sa femme et l’une de ses filles assistèrent à la scène, à partir de l’encadrement de la porte du poste de police. Picariello et Florence Lassandro prirent la fuite à bord de leur véhicule. Après avoir échappé à la police dans la nuit du 21 au 22 septembre, ils furent appréhendés à Blairmore tard dans la journée du 22.

Picariello et Florence Lassandro furent tous deux inculpés de meurtre. Après une audience préliminaire à Coleman, ils furent renvoyés au tribunal à Calgary devant le juge William Legh Walsh*. Comme il en avait les moyens, Picariello engagea pour lui-même et Florence Lassandro un éminent avocat de la défense, John McKinley Cameron*, de Calgary. Le procès souleva beaucoup d’intérêt sur la scène locale et nationale. En soi, la prohibition était un sujet extrêmement controversé. Il était de notoriété publique que Picariello faisait de la contrebande d’alcool. Tirer sur un policier était considéré comme un acte particulièrement vil, de la même manière que ce l’est aujourd’hui. Par ailleurs, Picariello était un personnage très en vue dans la région de Blairmore : il participait à la politique locale, c’était un philanthrope, et on le surnommait l’« Empereur ».

Cameron croyait que le coup fatal était venu d’un mystérieux spectateur, mais aucune preuve n’étayait cette thèse. Il invoqua donc, pour ses clients, la légitime défense, argument qui s’accordait raisonnablement bien avec les faits. Cependant, le jury ne se laissa pas convaincre et, au terme de six jours de procès, rendit un double verdict de culpabilité. En prononçant la sentence de mort, obligatoire en pareil cas, Walsh reconnut que Florence Lassandro pourrait bénéficier d’une certaine clémence parce qu’elle était une femme mais qu’elle devait néanmoins se préparer à mourir. À la demande de Picariello, Cameron porta la cause en appel devant la Cour suprême de l’Alberta, qui rendit une fin de non-recevoir, puis devant la Cour suprême du Canada, qui maintint les condamnations.

Malgré des démarches ultérieures de son avocat, Florence Lassadro n’obtint ni sursis, ni grâce, ni commutation de peine. Incarcérée au fort Saskatchewan, elle passa sa dernière nuit à prier avec un père franciscain. Puis, à l’aube du 2 mai 1923, peu après l’exécution de Picariello, elle monta au gibet. Elle avait protesté de son innocence jusqu’à la fin et affirmé qu’elle pardonnait à « tout le monde ».

La condamnation et l’exécution de Florence Lassandro et d’Emilio Picariello suscitèrent des réactions diverses. La communauté italienne de la passe du Nid-du-Corbeau fut consternée, mais des indices montrent que, dans l’ensemble, les citoyens de Calgary trouvèrent que le traitement réservé aux accusés était tout à fait approprié. La famille de Florence Lassandro demanda que sa dépouille soit retournée à Blairmore. Le gouvernement provincial refusa, et les deux défunts furent inhumés dans une fosse commune, dans un cimetière du nord d’Edmonton.

Meurtre, drame judiciaire, issue tragique : étant donné ces éléments, la courte vie de Florence Lassandro, née Filumena Costanzo, a inspiré des œuvres littéraires et théâtrales, notamment un grand opéra. Dépeinte quelquefois comme une victime innocente qui avait été prise dans un engrenage ou subjuguée par le maléfique Picariello, la jeune femme demeure une figure assez énigmatique. Ce qui est clair, c’est que sa mort par pendaison au fort Saskatchewan alimenta le débat public sur la prohibition et la peine capitale.

Neil B. Watson

GA, M 4843/30–31 ; M 6242 ; M 6840.— Blairmore Enterprise (Blairmore, Alberta), 1922–1923.— Calgary Herald, 1922–1923.— F. W. Anderson, A dance with death : Canadian women on the gallows, 1754–1954 (Saskatoon et Calgary, 1997).— Brian Brennan, Scoundrels and scallywags : characters from Alberta’s past (Calgary, 2002).— Ann Chandler, « The lady & the bootlegger », Beaver (Winnipeg), 84 (2003–2004), no 3 : 40–44.— Jock Carpenter, Bootlegger’s bride ([Calgary], 1993).— Citymakers : Calgarians after the frontier, Max Foran et S. S. Jameson, édit. (Calgary, 1987).— R. E. Spence, Prohibition in Canada : a memorial to Francis Stephens Spence (Toronto, 1919).

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Neil B. Watson, « COSTANZO, FILUMENA (Florence) (Sanfidele (Lassandro)) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/costanzo_filumena_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    28 novembre 2024