COROLÈRE, JEAN, tambour dans la compagnie des Bombardiers et Canonniers des troupes de la Marine, « maître » des hautes œuvres au Canada, né vers 1731 dans le village de Kerquisinoir (?), diocèse de Quimper (dép. du Finistère, France), fils de Christophe Corolère et de Marie Dorollaire (?), décédé à une date et dans des circonstances inconnues.

Jean Corolère vint probablement en Nouvelle-France à titre de « recrue » des troupes de la Marine. Il fut parmi les premiers tambours de la compagnie des Bombardiers et Canonniers, formée au Canada à l’automne de 1750.

Le 26 janvier 1751, Corolère, qui logeait à la caserne de la porte Saint-Jean, se rendit « boire un coup » chez le cabaretier Laforme. Il y fut insulté par quelques soldats de sa compagnie, dont un certain Coffre qu’il défia en duel. Le combat eut lieu le même soir dans le faubourg Saint-Jean. Les adversaires ne ferraillèrent que quelques minutes car, dès le deuxième « coup », Corolère blessa Coffre à un doigt de la main droite. Le sang ayant été versé, l’honneur du tambour était sauf ; les duellistes rengainèrent alors leur épée et se rendirent prendre un verre ensemble chez Laforme. La nouvelle du duel parvint aux oreilles des autorités judiciaires qui s’empressèrent d’émettre des décrets « de prise de corps » contre les coupables. Mais on ne put mettre la main que sur le tambour Corolère, le soldat Coffre s’étant enfui. Le 30 janvier 1751, le lieutenant général de la Prévôté de Québec, François Daine, commençait l’information de la cause pour duel contre Jean Corolère et le fugitif Coffre. Le 6 mars 1751 le lieutenant général déclarait la contumace contre Coffre bien instruite et ordonnait qu’il fût « plus amplement informé » contre lui et Corolère pendant un mois, durant lequel Corolère « gardera[it] prison ». Mais le 6 avril, le procureur général du roi au Conseil supérieur, Joseph Perthuis*, en appelait a minima de cette sentence comme contraire à l’article VI de l’édit de Louis XV contre les duels, lequel édit obligeait à ne prononcer contre le duelliste « que par un plus amplement informé » qui ne pouvait « être moindre que d’une année ». Finalement, le 2 juin 1751, le Conseil supérieur corrigeait la sentence de la Prévôté de Québec et condamna Coffre ainsi que Corolère à un an de prison « pendant lequel temps il sera plus amplement informé contre eux ».

Pendant sa détention dans les « prisons royaux » de Québec, Corolère avait une voisine de cellule, Françoise Laurent, fille du tambour-major de Montréal, Guillaume-Antoine Laurent. Le 26 octobre 1750, la jeune servante de 20 ans avait été reconnue coupable par le lieutenant général de la juridiction royale de Montréal, Jacques-Joseph Guiton de Monrepos, d’avoir volé des vêtements à ses maîtres, les Pommereau, et elle avait été condamnée à la pendaison. Le 12 mars 1751, cette sentence avait été corroborée par le Conseil supérieur, lequel, cependant, avait « sursis à l’exécution attendu le défaut d’exécuteur ». En effet, le bourreau de la colonie, Jean-Baptiste Duclos, dit Saint-Front, était décédé le 28 décembre 1750 et les autorités ne lui avaient pas encore trouvé de successeur. C’est ainsi que Françoise Laurent fit la connaissance de Corolère, qui devait la sauver de la potence. L’unique moyen, à l’époque – à part les lettres d’abolition, de rémission et de pardon pour un condamné à mort d’éviter la pendaison était, s’il s’agissait d’un homme, de devenir bourreau ou, s’il s’agissait d’une femme, d’épouser un exécuteur de la haute justice. La jeune criminelle décida donc de si bien séduire Corolère qu’il fût prêt à tout pour l’épouser, même à exercer la fonction de bourreau, considérée infamante à l’époque. Après quelques mois de voisinage, elle avait atteint ses fins. Le 17 août 1751, Jean Corolère présentait donc au Conseil supérieur « un écrit » dans lequel il suppliait « la Cour de vouloir l’accepter pour exécuteur des hautes œuvres ». Les conseillers accédèrent à sa demande et le libérèrent de l’obligation de « tenir prison » pendant les quelque dix mois qui lui restaient. Dès le lendemain, le nouveau maître des hautes œuvres présenta une deuxième requête. Il suppliait les conseillers « de vouloir lui accorder en mariage la nommée Françoise Laurent » afin de lui permettre de « former un établissement solide » dans la colonie. Le mariage de Jean Corolère et de Françoise Laurent fut célébré dans la chapelle du palais de l’intendant le 19 août 1751.

Par la suite, l’exécuteur Corolère exerça ses fonctions pour une durée inconnue ; après le 29 avril 1752, on perd toute trace de lui et de sa femme.

André Lachance

AJQ, Registre d’état civil, Notre-Dame de Québec, 19 août 1751.  AN, Col., C11A, 95, ff.66–67. – ANQ, NF, Coll. de pièces jud. et not., 1 646 ; NF, Registres de la Prévôté de Québec, LXXXVI : 46v.s ; NF, Registres du Cons. sup., registre criminel, 1730–1759, ff.107v., 120s., 122, 126v. — Bornier, Conférences des ord. de Louis XIV, II : 416.— Lachance, Le bourreau au Canada.

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André Lachance, « COROLÈRE, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/corolere_jean_3F.html.

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Auteur de l'article:    André Lachance
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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