CORDASCO, ANTONIO, manœuvre, agent de placement, banquier et propriétaire d’un journal, né le 5 juin 1863 en Italie, fils de Carlo Cordasco et de Tomassina (Tommasina) Gagliardi (Galiardi) ; le 16 avril 1891, il épousa à Montréal Maria Concetta La Pietra, et ils eurent quatre fils et deux filles ; décédé le 19 avril 1921 dans cette ville.
Né très probablement en Calabre, Antonio Cordasco arriva au Canada en 1886, au moment où les premiers contigents de travailleurs saisonniers venus d’Italie faisaient leur apparition dans le paysage industriel. Le fait qu’il travailla de bonne heure dans la construction ferroviaire, et son ambition aussi, sans aucun doute, expliquent pourquoi, de simple manœuvre à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, il se hissa au rang de contremaître. Ce fut probablement à ce titre qu’il se mit à recruter des ouvriers. En 1901, pour se tirer d’affaire malgré un grave conflit de travail, la compagnie lui offrit un dollar pour chaque briseur de grève qu’il trouverait. Grâce à ses relations dans des agences de placement des plusieurs villes du nord-est des États-Unis, Cordasco en fournit environ 2 000. Toujours en 1901, la compagnie lui confia donc en exclusivité le recrutement de travailleurs italiens.
Lorsque, au début des années 1900, la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique entreprit une vaste expansion de son réseau et se mit à établir, le long de ses lignes, des industries vouées à l’exploitation des richesses naturelles, elle était au Canada le plus gros employeur de migrants. Dans la plupart des cas, il s’agissait de travailleurs saisonniers non qualifiés, embauchés pour construire et entretenir les voies ferrées. En une année, la compagnie pouvait avoir à son service plusieurs milliers d’Italiens et plusieurs milliers d’ouvriers d’autres nationalités. Partout en Amérique du Nord, on donnait le nom de système des padroni au régime de recrutement des migrants. Aux États-Unis, des lois fédérales lui imposaient de dures restrictions depuis 1885, mais au Canada, il persistait, et le gouvernement réglementerait sévèrement le recrutement de main-d’œuvre seulement à compter de 1905. Pendant la courte période où le système fut le plus en vogue au Canada – soit à la fin du xixe siècle et au début du xxe –, Cordasco fut le principal padrone, en grande partie à cause de ses relations privilégiées avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique.
Cordasco dirigeait tout un réseau à partir du bureau qu’il ouvrit vers 1901 rue Saint-Jacques à Montréal. Il avait des recruteurs dans des villages d’Italie et, grâce à des arrangements avec des compagnies de transport maritime, la traversée des ouvriers était payée. Une fois que ceux-ci étaient arrivés au Canada et avaient versé la commission de un dollar exigée par Cordasco, on les regroupait dans des équipes de travail dont les chefs, des associés de Cordasco, occupaient souvent des postes de contremaître à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Même dans les camps éloignés – il y en avait du nord de l’Ontario à la Colombie-Britannique –, les ouvriers constituaient une source de revenu pour Cordasco puisqu’il réalisait un bénéfice de 60 à 120 % sur les vivres, dont il était le fournisseur exclusif.
Non seulement Cordasco plaçait-il les ouvriers, mais il leur offrait divers services – bancaires, entre autres – dès 1903. En tant que banchista (terme employé à l’époque pour désigner un banquier à titre privé), il transférait les gages des ouvriers à leur famille en Italie. Le Corriere del Canada, périodique montréalais appartenant à Cordasco au début de la décennie, était plus un outil de recrutement qu’un authentique journal communautaire. Cordasco n’hésitait d’ailleurs pas à organiser des campagnes de publicité particulièrement vigoureuses pour damer le pion aux autres padroni et agences de placement de Montréal. Ainsi, le 27 janvier 1904, une soixantaine de contremaîtres et environ 2 000 travailleurs défilèrent dans les rues de la ville. Les fidèles assistants de Cordasco posèrent solennellement sur sa tête une couronne – réplique de celle du roi d’Italie – en le proclamant « Roi des travailleurs italiens ». Ce fut le clou de la cérémonie.
Au printemps de 1904, attirés par des annonces d’Antonio Cordasco et d’autres padroni, les ouvriers italiens affluèrent par milliers à Montréal. Cependant, le dégel mit du temps à survenir, ce qui retarda le début de la saison de travail. Les chômeurs durent recourir à la charité publique. À la demande des autorités municipales, le gouvernement fédéral confia à une commission le mandat d’enquêter sur l’immigration des ouvriers italiens à Montréal et sur les allégations de pratiques frauduleuses d’agences de placement. Plusieurs agents montréalais comparurent, mais Cordasco fut l’une des principales cibles. Les comptes rendus des travaux de cette commission présidée par le juge John Winchester constituent probablement la documentation la plus riche sur le système des padroni. L’enquête nuisit beaucoup à la réputation de Cordasco. On lui intenta plusieurs procès pour des frais qu’il avait imposés et des salaires impayés, et la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique mit fin à ses relations avec lui. Malgré la chute de son empire, Cordasco réussit à continuer ses activités de banchista et travailla comme agent maritime. Il était sujet britannique depuis 1902. À sa mort en 1921, sa banque privée était encore en exploitation ; son fils Thomas Antonio (Anthony) prit la relève. Un autre de ses fils, Charles M., lieutenant dans le Royal Flying Corps pendant la Première Guerre mondiale, était un cambiste réputé à Montréal.
Une des sources les plus importantes sur les activités d’Antonio Cordasco est Canada, Commission royale nommée pour s’enquérir de l’immigration des journaliers italiens et des procédés frauduleux des bureaux de placements, Rapport du commissaire et preuve (Ottawa, 1905). En plus de faire l’objet d’un tiré à part, ce rapport est paru dans Canada, Parl., Doc. de la session, 1905, no 36b. Il a été republié dans « Document : Rapport de la Commission royale sur l’immigration des journaliers italiens et des procédés frauduleux des bureaux de placement », introd. par Bernard Dansereau, RCHTQ [Regroupement des chercheurs-chercheuses en hist. des travailleurs et travailleuses du Québec], Bull. (Montréal), 22 (1996), no 1 : 3–39.
BAC, RG 31, C1, 1901, Montréal, quartier Saint-Antoine, sub-dist. A-3 : 11.— BCM-G, RBMS, Notre-Dame de Montréal, 16 avril 1891 ; Saint-Jacques-le-Majeur (Montréal), 21 avril 1921 (mfm).— Annuaire, Montréal, 1906–1921.— R. F. Harney, « Montreal’s king of Italian labour : a case of padronism », le Travailleur (Halifax), 4 (1979) : 57–84.— Gunther Peck, « Reinventing free labor : immigrant padrones and contract laborers in North America, 1885–1925 », Journal of American Hist. (Bloomington, Ind.), 83 (1996–1997) : 848–871.— Bruno Ramirez, les Premiers Italiens de Montréal : l’origine de la Petite Italie du Québec (Montréal, 1984).— Paul Tana, Caffè Italia (enregistrement vidéo en français et en italien avec sous-titres français, Montréal, 1985).
Bruno Ramirez, « CORDASCO, ANTONIO », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cordasco_antonio_15F.html.
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Auteur de l'article: | Bruno Ramirez |
Titre de l'article: | CORDASCO, ANTONIO |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |