COMPAIN, PIERRE-JOSEPH, prêtre catholique et médecin, né le 11 avril 1740 à Montréal, fils de Pierre Compain, dit L’Espérance, barbier et perruquier, et de Françoise Vacher, et frère de Marie-Louise COMPAIN, dite Saint-Augustin ; décédé le 21 avril 1806 à Saint-Antoine-sur-Richelieu, Bas-Canada.
Pierre-Joseph Compain, sans doute grâce à l’influence des prêtres du séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, où son père était barbier, peut quitter Montréal et commencer ses études au séminaire de Québec à l’automne de 1754. Le siège de la ville par les troupes britanniques, en 1759, l’oblige à mettre fin prématurément à des études de rhétorique et à revenir dans sa ville natale. Là, il s’initie pendant quelques années à la chirurgie sous la direction de Charles-Elemy-Joseph-Alexandre-Ferdinand Feltz*, mais il ne semble pas encore fixé sur son avenir. Le 27 juillet 1766, il épouse à Rivière-du-Loup (Louiseville) Geneviève Arseneau qui meurt quelques mois plus tard. Pendant cette courte période, Compain s’adonne au commerce. En octobre 1768, après deux ans de veuvage, il reprend ses études au séminaire de Québec. Le 3 juillet 1774, à l’âge de 34 ans, il est ordonné prêtre par Mgr Briand*.
À cette époque où l’Église canadienne fait face à une pénurie de prêtres, Compain se voit souvent dans l’obligation de desservir plusieurs paroisses. Il débute comme vicaire à Saint-Pierre, dans l’île d’Orléans, avec desserte à Saint-Laurent. Un an à peine après son ordination, il devient curé de l’île aux Coudres. De 1775 à 1788, il exerce son ministère dans cette île et sur un vaste territoire qui s’étend des Éboulements jusqu’à Tadoussac en passant par La Malbaie. À cette époque naît une légende racontée par les Amérindiens de la région plus d’un siècle après la mort de Compain. Dans la nuit du 11 avril 1782, le jésuite Jean-Baptiste de La Brosse* meurt à Tadoussac. À ce moment, selon la tradition, les cloches de toutes les églises de la côte nord, dont celles de l’île aux Coudres, sonnent d’elles-mêmes le glas. Convaincu de la mort de son confrère, Compain monte dans un canot et, malgré les glaces qui flottent encore sur le Saint-Laurent, parcourt près de 50 milles pour présider aux funérailles du missionnaire.
Compain, désireux de voir régner la paix parmi ses ouailles, agit souvent comme conseiller ou médiateur auprès des habitants. Entre autres, il attaque violemment le capitaine de milice de l’île aux Coudres, Zacharie Hervé, qui refuse ses conseils, le traitant de pourceau, d’ivrogne « qui ne juge ses Causes qu’à La Cantine, et que Lorsque Les Parties le font Boire Comme il faut ». En septembre 1788, il doit, sur les ordres de son évêque et à son corps défendant, quitter ses paroissiens. Il devient titulaire de la cure de Saint-Étienne à Beaumont, qu’il conserve jusqu’en novembre 1798. À cette date, une autre nomination l’amène à Saint-Antoine-sur-Richelieu.
L’état ecclésiastique n’empêche pas Compain de pratiquer la médecine. À l’exemple de Louis-Nicolas Landriaux*, Compain apprend du chirurgien-major Feltz un moyen de guérir le chancre, maladie très courante à l’époque, dont le secret devait faire sa renommée. En février 1794, il publie dans la Gazette de Québec une annonce invitant les gens affligés de chancre à « s’adresser à lui avec confiance [...] il les traitera avec toute la charité et la douceur que demande cette maladie ». La thérapie de Compain consiste à saigner et à purger le malade, puis à appliquer sur le chancre un emplâtre constitué d’avoine pulvérisée, passée au tamis et détrempée avec quelques gouttes d’eau, ainsi qu’à recouvrir la plaie d’un fil d’araignée. Il est possible que ce traitement n’ait pas possédé l’efficacité qu’on lui attribuait, mais certains médecins croyaient en ses vertus. Ainsi George Longmore, chirurgien de Québec, accepte, en 1796, de partager le secret de Compain et de lui verser £529 pour pouvoir en user. Les parties conviennent qu’advenant le décès de Longmore, le secret serait transmis au docteur John Mervin Nooth* qui accepte cet arrangement. Toutefois, le 29 août 1798, Compain et Longmore modifient leur contrat [V. George Longmore]. En février de l’année suivante, Compain, « voulant se débarasser du soin de guérir les Chancres », transmet son secret aux religieuses des Hôtel-Dieu de Québec et de Montréal de même qu’aux ursulines de Trois-Rivières. Il leur demande en retour de faire chaque mois une communion pour sa santé et de ne pas divulguer avant sa mort la recette de ce fameux remède. Ce dernier avait si grande réputation que le docteur Joseph Painchaud* admet, en 1855, s’en être servi avec succès contre des cancers à la figure.
Pierre-Joseph Compain possédait une certaine culture, car il disposait d’une bibliothèque personnelle assez considérable. Après sa mort, 189 volumes furent légués au séminaire de Nicolet nouvellement fondé.
AAQ, 12 A, C : f.127 ; 20 A, II : 95 ; 210A, IV : f.214 ; V : f.169 ; 22 A, V : f.431.— ANQ-M, CE1-13, 22 avril 1806 ; CE1-51, 11 avril 1740 ; CN1-255, 21 août 1795 ; CN2-11, 10, 21 avril, 16, 20 mai, 2 sept. 1806.— ANQ-MBF, CN1-80, 26 juill. 1766.— ANQ-Q, CN1-92, 27 juin 1796.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 84 : 160–167.— Arch. de la chancellerie de l’évêché de La Pocatière (La Pocatière, Québec), Île aux Coudres, I, 3 : 10 sept. 1788.— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal), Vie religieuse de la communauté, Délibérations capitulaires, 25 févr. 1799.— ASQ, mss, 431 : 274.— AUM, P 58, U, Compain à Baby, 23 mars 1777, 20 sept. 1787.— BL, Add. mss 21724 : 31 (mfm aux APC).— Le Canadien, 15 janv. 1855.— La Gazette de Québec, 20 mai 1790, 6 févr. 1794, 28 févr. 1799.— Alexis Mailloux, Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’ à nos jours, avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes (Montréal, 1879).— P.-G. Roy, À travers l’histoire de Beaumont (Lévis, Québec, 1943), 161s.— « Le remède de M. Compain pour le cancer », BRH, 12 (1906) : 23s.— René Bélanger, « L’abbé Pierre-Joseph Compain, prêtre et médecin, 1740–1806 », Saguenayensia (Chicoutimi, Québec), 13 (1971) : 106s. ; « Les prêtres séculiers du diocèse de Québec, missionnaires au Domaine du roi et dans la seigneurie de Mingan, de 1769 à 1845 », SCHÉC Rapport, 23 (1955–1956) : 15.— Gabriel Nadeau, « La bufothérapie sous le Régime français ; Mme d’Youville et ses crapauds », L’Union médicale du Canada (Montréal), 73 (1944) : 917–928 ; « Un savant anglais à Québec à la fin du xviiie siècle : le docteur John-Mervin Nooth », L’Union médicale du Canada, 74 (1945) : 49–74.
Gilles Janson, « COMPAIN, PIERRE-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/compain_pierre_joseph_5F.html.
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Auteur de l'article: | Gilles Janson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |