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CODERRE, LOUIS (baptisé François-Louis-Alfred), avocat, homme politique et juge, né le 31 octobre 1865 à Saint-Ours, Bas-Canada, fils d’Alfred Coderre et d’Emma Fontaine ; le 9 juillet 1895, il épousa à Saint-Henri (Montréal) Marie-Anne Sainte-Marie, et ils eurent deux filles et deux fils ; décédé le 29 janvier 1935 à Montréal et inhumé le 27 avril suivant dans son village natal.
Louis Coderre entame ses études classiques au séminaire de Saint-Hyacinthe en 1879 et les termine au petit séminaire de Montréal en 1885. En 1888, il entre à l’université Laval à Montréal pour y suivre une formation en droit. Il devient bachelier en 1892 et est admis au Barreau de la province de Québec la même année. D’abord associé d’Eugène Primeau (un ancien condisciple à l’université), puis de son frère Oscar, Coderre se spécialise en droit municipal, ce qui l’amène à occuper les postes de chef du contentieux de Saint-Henri de 1896 à 1905 et d’avocat-conseil de ville Emard (Montréal) de 1908 à 1910. Il est en outre syndic du barreau de Montréal de 1904 à 1910.
Coderre s’intéresse à la politique et est tenté par l’aventure électorale. Ses débuts sont difficiles. En juin 1908, il est candidat du Parti conservateur dans la circonscription d’Hochelaga aux élections provinciales. Il est défait, comme l’est son parti. En octobre de la même année, il est candidat du Parti conservateur, mais cette fois aux élections générales fédérales. Il mord encore la poussière au terme d’une lutte très serrée. Il se tourne vers la politique municipale en tentant de se faire élire au nouveau Bureau des commissaires de la ville de Montréal [V. Lawrence John Cannon*] en février 1910. Il échoue une fois de plus. Il lui faut attendre les élections fédérales du 21 septembre 1911 pour obtenir sa première victoire électorale, comme député conservateur-nationaliste [V. Frederick Debartzch Monk*] de la circonscription d’Hochelaga. Ces élections marquent la fin du long règne de sir Wilfrid Laurier* et l’arrivée au pouvoir des conservateurs de Robert Laird Borden.
L’épineuse question de la marine militaire [V. sir Robert Laird Borden ; sir Wilfrid Laurier] resurgissant pour de bon à l’automne de 1912, les conservateurs-nationalistes sont forcés de prendre parti. Coderre décide alors d’appuyer la politique de Borden. C’est ainsi qu’il fait son entrée au cabinet le 29 octobre 1912 en tant que secrétaire d’État, suite à la démission de Frederick Debartzch Monk, ministre des Travaux publics et lieutenant canadien-français du chef conservateur. Comme c’est l’usage à l’époque, Coderre doit, pour confirmer sa nomination, se faire réélire dans sa circonscription. Il le fait facilement à l’élection partielle du 19 novembre 1912, bien que cette élection ait donné lieu à de chaudes disputes sur les tribunes. Le 10 février 1913, le ministère des Mines s’ajoute à ses responsabilités. Politicien effacé et peu expérimenté, que le besoin d’un représentant canadien-français de la région de Montréal au cabinet a propulsé à la tête d’un ministère, il n’a cependant pas ce qu’il faut pour occuper un poste de premier plan au sein du gouvernement Borden. Il laisse la politique le 5 octobre 1915. Le lendemain, il est nommé juge puîné à la Cour supérieure de la province de Québec pour le district de Montréal.
Créée en 1849 afin de décharger la Cour du banc de la reine, la Cour supérieure constitue le centre du système judiciaire québécois et son tribunal de droit commun. L’expérience que le juge Coderre acquiert au fil des années motive le recours à ses services lorsqu’une crise éclate au sein de l’administration de la ville de Montréal et de son corps policier. Nombreux étaient ceux qui s’indignaient déjà de l’apparente tolérance des policiers de Montréal à l’égard de la criminalité de mœurs (principalement la prostitution et le jeu) qui, disait-on, transformait la métropole en véritable ville ouverte. En avril 1924, des voleurs s’emparent d’une importante somme d’argent transportée par une voiture pour le compte de la Banque d’Hochelaga. Ils sont arrêtés quelques jours plus tard. L’enquête et les procès qui s’ensuivent révèlent que certains policiers étaient complices du crime et même qu’un ancien policier était le cerveau de l’affaire. Ces révélations convainquent l’opinion publique, ainsi que certains hommes politiques, de la nécessité d’une enquête sur l’administration de la police et sur la conduite de ses membres. Le 17 septembre 1924, 82 personnes, menées par Ovila Casavant, signent une requête en ce sens et la soumettent à la Cour supérieure. C’est ainsi que l’enquête judiciaire sur l’administration de la police de Montréal est ouverte le 6 octobre 1924, sous la présidence de Coderre. Le témoignage des policiers met notamment en lumière une dynamique généralisée de corruption selon laquelle les policiers, en échange de pots-de-vin, couvrent les maisons de jeu et de prostitution.
Rendu public le 13 mars 1925, le rapport du juge Coderre est accablant pour le département de police, qu’il estime inefficace, sans direction compétente et mal encadré, ainsi que pour le comité exécutif de la ville de Montréal, dont il déplore l’immixtion dans l’administration de la police. Il dénonce d’ailleurs sévèrement l’« échange de bons offices » entre les policiers et les membres du comité exécutif, ces derniers remerciant par des promotions et des privilèges ceux qui, parmi les premiers, les ont aidés à se faire réélire. Coderre recommande notamment de choisir un chef de police dûment qualifié, soustrait aux pressions et aux ingérences du comité exécutif, d’augmenter l’effectif policier, de sensibiliser la population afin qu’elle collabore davantage avec la police, de surveiller plus étroitement les immigrants (car « les forçats qui remplissent nos pénitenciers et nos prisons sont dans une proportion considérable des étrangers », écrit-il) et d’appliquer rigoureusement la loi dans les cas de crimes de mœurs. À ce sujet, il lance un appel aux dirigeants municipaux afin qu’ils « s’attellent pour une fois résolument à la tâche et ne négligent aucun effort pour faire observer la loi dans toute sa rigueur, pour faire disparaître de notre ville la plaie sans cesse purulente de la prostitution commercialisée ».
À la fin de 1925, le chef du département de police dresse un bilan positif des changements qui ont découlé de l’enquête en affirmant, dans le Rapport annuel du département de police pour l’année 1925, qu’il a « obtenu diverses améliorations qui n’ont pas peu contribué à augmenter l’efficacité du service », notamment l’embauche de quatre inspecteurs. Toutefois, Jean-Paul Brodeur, analysant cette enquête, en vient à des conclusions différentes. Selon lui, les membres du comité exécutif de la ville de Montréal, clé de toute réforme de l’administration municipale à l’époque, ont perçu ce rapport comme une attaque politique dirigée contre eux. Ils ont donc fait la sourde oreille, si bien que rien n’aurait changé dans l’administration de la police de Montréal jusqu’à la fin des années 1920. « Il est […] peu de rapports qui eurent moins d’effets », conclut le criminologue.
De 1925 à sa mort en 1935, Louis Coderre préside la division de chambre de pratique de la Cour supérieure, institution à laquelle il a consacré les 20 dernières années de sa vie. Selon de nombreux témoignages recueillis à la suite de son décès, il laisse le souvenir d’un homme érudit et d’une grande générosité. Il savait se montrer patient envers les justiciables et donner confiance aux jeunes avocats qui entamaient leur carrière.
Le fonds de l’enquête judiciaire sur l’administration de la police de Montréal, conservé à la VM-SA, P045, comprend, outre le rapport du juge Louis Coderre, les dépositions des témoins, ainsi que des coupures de presse. Le rapport a par ailleurs été publié intégralement dans l’édition du 14 mars 1925 de nombreux quotidiens, dont le Devoir, la Patrie et le Canada (Montréal).
BAnQ-CAM, CE601-S29, 9 juill. 1895 ; CE603-S6, 1er nov. 1865. — FD, Saint-Ours, comté de Richelieu, Québec, 27 avril 1935.— Le Devoir, 30 janv., 1er févr. 1935.— BCF, 1925 : 29.— François Bélanger, les Cours de justice et la magistrature du Québec : Cour suprême, Cour d’appel, Cour supérieure, Cour fédérale, Cour canadienne de l’impôt (nouv. éd., [Québec], 1999).— Réal Bélanger, l’Impossible Défi : Albert Sévigny et les conservateurs fédéraux (1902–1918) (Québec, 1983).— J.-P. Brodeur, la Délinquance de l’ordre : recherches sur les commissions d’enquête (1 vol. paru, LaSalle [Montréal], 1984– ).— Canadian directory of parl. (Johnson).— CPG, 1912–1935.— « Feu le juge Louis Coderre », la Rev. du droit (Québec), 13 (1934–1935) : 376–377.— C.-V. Marsolais et al., Histoire des maires de Montréal (Montréal, 1993), 225–229.— Prominent people of the province of Quebec, 1923–24 (Montréal, s.d.).— P.-G. Roy, les Juges de la prov. de Québec.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, vol. 16–17, 28 ; Hist. de Montréal, vol. 3–4.
Gilles Lafontaine, « CODERRE, LOUIS (baptisé François-Louis-Alfred) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/coderre_louis_16F.html.
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Auteur de l'article: | Gilles Lafontaine |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
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