COCHRANE, HENRY, instituteur, ministre de l’Église d’Angleterre, traducteur et interprète cri, né vers 1834 à l’Indian Settlement (Dynevor, Manitoba) ; le 13 octobre 1859, il épousa Mary Gowler, et ils eurent deux enfants, puis le 23 juin 1863 Elizabeth Jane Budd ; décédé le 22 mai 1898 à Jackhead, Manitoba.
Fils d’Indiens cris, Henry Cochrane fit ses études en vue de devenir instituteur et interprète, probablement auprès du catéchiste Joseph Cook, à l’Indian Settlement, endroit aussi appelé paroisse St Peter. En juillet 1854, il était le maître d’école de la Church Missionary Society au lac de l’Orignal (lac Moose, Manitoba) et, de 1855 à 1859, il enseigna au fort Alexander. On suppose toutefois qu’il avait fait d’autres études, car le 26 mai 1858 il subit un examen comme candidat à l’ordination. On l’ordonna diacre le 1er août de la même année et prêtre le 27 décembre de l’année suivante. Associé à la Church Missionary Society durant la plus grande partie de sa carrière, il commença son ministère en 1859 à titre de vicaire du révérend Abraham Cowley*, à l’Indian Settlement. Cinq ans plus tard, on le chargea de la paroisse Holy Trinity à Headingley, après les désordres qui opposèrent les sang-mêlé anglophones aux Métis. Devenu pasteur autochtone de l’Indian Settlement en septembre 1866, il prononça souvent des sermons dans les paroisses de colons blancs des environs. Durant le soulèvement de la colonie de la Rivière-Rouge en 1869–1870, il fit beaucoup pour empêcher les Indiens d’appuyer Louis Riel*. En 1875, il assura la direction de la mission Devon (The Pas), en remplacement de son beau-père, le révérend Henry Budd*, qui avait été le premier Indien ordonné ministre de l’Église d’Angleterre.
Accusé d’immoralité et d’ivrognerie, Cochrane démissionna de son poste et quitta la Church Missionary Society en août 1879 pour devenir instituteur pour le département des Affaires indiennes. Il enseigna à la mission Devon jusqu’en 1880, puis retourna à St Peter comme instituteur. En 1892, il s’occupa d’une petite école de dix élèves dans la réserve indienne Ebb and Flow, puis en 1894 de la Hungry Hall School, de l’agence de Couchiching (réserve indienne de Couchiching Island, Ontario), près du lac à la Pluie (lac Rainy). En 1895 ou 1896, il alla s’établir à Fairford, au Manitoba, où jusqu’à sa mort, en 1898, il travailla avec le révérend George Bruce. On transféra ses restes au cimetière St Peter le 20 février 1899.
La vie de Cochrane fut marquée par la tragédie et la douleur. Sa première épouse, qui était blanche, mourut deux ans seulement après leur mariage. En 1867, la fièvre emporta son fils et sa fille, de même que le frère de sa seconde épouse. Celle-ci devait par ailleurs arriver à la mission Devon en 1875, avec Cochrane, juste à temps pour assister aux derniers jours de son père. De santé fragile, elle était sujette à de fréquents accès de faiblesse et à des évanouissements. Les commérages sur l’infidélité de son mari furent pour elle particulièrement difficiles à supporter.
Cochrane, tout comme Budd et James Settee*, était l’un des pasteurs indiens de la terre de Rupert. Tous trois étaient très liés, conscients de l’infériorité de leur statut en tant que membres du clergé autochtone et de l’indigence qui en découlait. Ils réclamèrent au moins une fois l’égalité avec leurs homologues européens, mieux payés qu’eux. Néanmoins une profonde amitié existait entre Cochrane et Cowley, doyen des missionnaires blancs, amitié que les accès d’ivrognerie de Cochrane mirent d’ailleurs plus d’une fois à rude épreuve. C’est ce problème d’alcool, surtout, qui l’obligea à changer tant de fois de place et le fit exclure de l’Église d’Angleterre.
Cochrane et sa seconde épouse traduisirent en cri la Bible, le Book of Common Prayer et beaucoup de cantiques. Ils le firent en écriture syllabique, mais ils étaient également convaincus de l’efficacité de la translittération. On envoya en Angleterre leurs traductions pour les faire imprimer, mais rien n’indique qu’on les ait publiées. Cochrane avait entrepris un travail d’éducation qui, d’après lui, était essentiel à la survie des Indiens de l’Ouest, mais la pénurie de livres et de papier et les migrations saisonnières des Cris des Bois ne lui permirent pas d’obtenir les résultats voulus. Excellent professeur, il gagna des sommes assez considérables au département des Affaires indiennes de 1886 à 1890 et, au dire de tous, il était tenu en très haute estime, bien que dans un différend sur un arriéré de salaire, en 1880, le commissaire aux Affaires indiennes Edgar Dewdney* eût pressé Ottawa de lui verser les 330 $ qu’on lui devait, parce qu’il était « un homme si vindicatif ». Témoin de la signature des traités no 1 et no 5, Cochrane servit d’interprète aux établissements indiens de la pointe East Doghead, de la rivière Berens, des rapides Grand et de The Pas au moment de la négociation du traité no 5, et il toucha 30 $ pour ses services. Comme il avait la considération des Indiens, ses propos eurent beaucoup d’influence sur leur acceptation des traités.
Figure tragique en marge de l’Église, jamais tout à fait accepté, Henry Cochrane nourrit en silence son amertume. Pourtant, il était animé d’un christianisme sincère, trouvait sa consolation en Dieu et peut-être trop souvent dans la bouteille.
AN, RG 10, B3, sér. noire.— PAM, MG 2, C14 ; MG 7, B5, reg. of burials, no 456a ; B7, reg. of marriages, 1854–1882, no 46 ; B17, reg. of marriages, 1858–1882 ; MG 12, A ; B.— Univ. of Birmingham Library, Special Coll. (Birmingham, Angl.), Church Missionary Soc. Arch., C, C.1/L.3, 1872 ; C.1/M.8, 1870–1872 ; C.1/M.9, 1873 ; C.1/M.10, 1875 ; C.1/O ; G, C.1/P.1, 1884.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1880–1900 (rapports annuels du dép. des Affaires indiennes).— Henry Budd, The diary of the Reverend Henry Budd, 1870–1875, Katherine Pettipas, édit. (Winnipeg, 1974).— J. J. Hargrave, Red River (Montréal, 1871 ; réimpr., Altona, Manitoba, 1977).— Canadian Churchman, 1898–1899.— Manitoba Morning Free Press, 4 juin 1898.— Saskatchewan Herald, 10 juin 1898.— T. C. B. Boon, The Anglican Church from the Bay to the Rockies : a history of the ecclesiastical province of Rupert’s Land and its dioceses from 1820 to 1950 (Toronto, 1962) ; « Henry Cochrane was honoured in his time », Winnipeg Free Press, 7 oct. 1967, Leisure Magazine : 17.
Frits Pannekoek, « COCHRANE, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cochrane_henry_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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