CLARKE (Clark), RICHARD, de Weymouth, dans le Dorsetshire, navigateur et corsaire anglais qui fit des voyages à Terre-Neuve, né à Buckhurst, comté d’Essex ; circa 1541–1596.

Clarke se fit marin et devint éventuellement capitaine de la Mary Fortune, vaisseau qui faisait le commerce entre l’Angleterre et Bordeaux, en 1572. Lorsqu’il apparut dans les eaux américaines en 1582, il était déjà un vétéran de la mer et un navigateur habile. Il avait déjà probablement fait des voyages de pêche à Terre-Neuve. En juillet 1582, il traversa l’Atlantique jusqu’à Terre-Neuve comme capitaine de la Susan Fortune, navire de 200 tonnes voyageant de conserve avec le Popinjay, vaisseau de 60 tonnes, propriété de Sir John Perrot, que commandait Henry Tayler. La Susan Fortune appartenait à Henry Oughtred, marchand et armateur de Southampton, qui en voulait aux Espagnols des pertes qu’il avait subies en Espagne et pour lesquelles il ne pouvait obtenir réparation. Il avait chargé Richard Clarke, comme capitaine, d’armer son navire en course et d’aller à Terre-Neuve s’emparer de vaisseaux de pêche espagnols et portugais en dédommagement de ses pertes. Sir John Perrot, qui occupait alors un haut poste dans l’administration du pays de Galles, était apparemment son associé et peut-être obtint-il quelque encouragement officieux de la part de hauts fonctionnaires hispanophobes de la cour. William Hawkins avait tenté un tel raid en 1571, tandis que Sir Humphrey Gilbert avait, pour sa part, préconisé en 1577 de débarrasser Terre-Neuve de la flotte de pêche espagnole qui s’y trouvait.

À la fin de juillet, Clarke était à Fermeuse avec ses deux navires, mais la flotte de pêche se trouvait à Renewse, dont le havre était inaccessible à la Susan Fortune. Clarke entra dans le havre à la tête d’un groupe d’abordage à bord du Popinjay et se disposa à s’emparer des trois navires portugais qui s’y trouvaient, déclarant à l’amiral du port, un Français, et aux capitaines des navires anglais – dont un des vaisseaux de John Hawkins, alors ancré dans ce havre – qu’il était porteur d’une commission royale l’autorisant à prendre en charge les navires espagnols, quoiqu’il avouât par la suite aux pêcheurs anglais qu’il tenait sa commission de don Antonio, qui n’était que le prétendant au trône du Portugal (et même cela était faux). On amena les navires sans résistance jusqu’à Fermeuse, où deux de ceux-ci furent pillés, tandis que le troisième, le Sao João, vaisseau de 100 tonnes chargé à craquer de tout le poisson et de tous les gréments qu’on put y loger, fut emmené comme prise par un équipage mis à bord spécialement à cette fin.

Le capitaine et copropriétaire Francisco Fernandes retourna au Portugal avec les deux autres navires, emportant un témoignage signé par les capitaines marchands anglais comme preuve de ce qui s’était passé. Clarke et Tayler emmenèrent leur prise en Angleterre après avoir pillé d’autres navires portugais à Terre-Neuve ; on vendit au bénéfice d’Oughtred quelque 200 000 poissons, une petite quantité d’huile et le navire. Fernandes intenta un procès à Clarke devant la cour supérieure de l’Amirauté, mais on ne sache pas qu’il ait obtenu satisfaction, encore que la commission qu’Oughtred présenta au tribunal fût du duc d’Alençon et portât une date postérieure à celle du départ des navires. Le raid inquiéta les pêcheurs, mais permit à Oughtred de se venger. Il ne s’ensuivit pas, cependant, d’attaque générale contre les navires ibériens dans les eaux de l’Amérique du Nord.

C’est probablement quelque vague mention du voyage de Clarke, joint à une certaine confusion au sujet du voyage de Sir Humphrey Gilbert l’année suivante, qui amena Anspach, dans son History of the island of Newfoundland (1819), à inventer un voyage de Sir Thomas Hampshire, qui serait allé à Terre-Neuve en 1582 avec cinq navires et, en vertu d’une commission de la reine Élisabeth, aurait réglementé l’utilisation des chafauds de séchage par les pêcheurs. Cet homme n’a pas existé et cette expédition n’a pas eu lieu, quoiqu’on en trouve le récit dans bien des histoires de Terre-Neuve.

Lorsque Sir Humphrey Gilbert partit pour le continent nord-américain en passant par Terre-Neuve en juin 1583, il emmena Richard Clarke comme premier navigateur. En tant que maître à bord du navire amiral, le Delight, Clarke était secondé par William Winter comme capitaine à l’aller, mais il lui substitua Maurice Browne à Terre-Neuve. Clarke arriva dans le havre de Saint-Jean le 3 août, y fit construire une chaloupe solide, qui lui sauva plus tard la vie, puis repartit à bord du Delight le 20 août, mettant le cap sur l’île de Sable. Le 29, le vaisseau fit naufrage dans une tempête. On accusa par la suite Clarke d’avoir mal navigué mais il se défendit énergiquement, prétendant que, le 28, Gilbert, à bord du Squirrel, lui avait donné l’ordre, contrairement à ce qu’il voulait faire, de changer de direction. Clarke crut que cette nouvelle route le mènerait à l’île de Sable et c’est peut-être là qu’il s’échoua, bien que certains commentateurs modernes prétendent qu’il avait atteint l’île du Cap-Breton et que le Delight fit naufrage à l’entrée de la baie de Gabarus.

Clarke s’évada de façon dramatique. Le navire remorquait une chaloupe dans laquelle Clarke et 15 autres réussirent à prendre place. Clarke prit la direction de l’embarcation et, au moyen d’une seule rame, il mena cette chaloupe surchargée à bon port arrivant dans la partie sud de Terre-Neuve une semaine plus tard, malgré la fatigue et les privations. Ayant trouvé assez de vivres pour ne pas mourir de faim, il conduisit ses hommes vers l’Ouest jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé un Basque français qui était venu chasser la baleine et qui les ramena outre-Atlantique. À Pasaje, ils risquaient d’être pris par des fonctionnaires espagnols, mais le Français les cacha et ils purent franchir la frontière pour atteindre la France, puis passer en Angleterre plus tard cette année-là. La perte du Delight porta un coup fatal aux projets de Gilbert ; il rebroussa chemin et disparut lui-même au cours de ce voyage. Quelle fut sa part de responsabilité ou celle de Clarke dans ce naufrage ? Cela reste incertain, mais Clarke a démontré par sa conduite subséquente combien il était habile et ingénieux.

Pendant quelques années, Clarke ne fit plus parler de lui, encore qu’il ait bien pu retourner plus d’une fois faire la pêche à Terre-Neuve. Nous le retrouvons, en 1596, capitaine du Pilgrim, navire de 100 tonnes appartenant à Richard James, de Newport dans l’île de Wight. Vers la fin de septembre, il fait la pêche sur les Bancs, mais il n’a pas encore toute sa charge et il manque de sel, quoiqu’il espère en obtenir à Saint-Jean. Trois vaisseaux basques-français se trouvent dans le havre le 24 septembre. Le lendemain il déjeune avec l’amiral, Michel de Sancé, de Saint-Jean-de-Luz, qui offre de l’aider à prendre assez de poisson pour remplir sa cale. Le 26, prétextant une indisposition, Sancé invite Clarke à son bord et y attire également quelques-uns de ses hommes. Soudain les Français bondissent sur eux en criant : « Rendez-vous, rendez-vous ! » Clarke et ses hommes se rendent et sont emprisonnés dans la cale, après quoi les Français réduisent l’équipage du Pilgrim à l’impuissance et pillent le navire. Neuf jours plus tard, on libère l’équipage et on lui remet son navire, sur lequel il ne reste plus que quelques voiles et très peu de vivres. On rendait donc à Clarke la pareille, après ses actes de 1582. Rentrés en Angleterre, Clarke et Richard James portèrent des accusations de piraterie contre Sancé et les autres, mais sans succès. À compter de ce moment, il n’est plus question de Clarke.

Richard Clarke était, sans aucun doute, un navigateur habile, pour qui la navigation transatlantique n’avait plus de secrets et qui, n’eussent été ses déboires de 1583, aurait peut-être joué un rôle important dans les entreprises anglaises sur le continent américain. Il compte, avec Richard Whitbourne, parmi les rares marins anglais qui aient fait de fréquents voyages à Terre-Neuve pendant une assez longue période. Ses aventures de 1582 et de 1596 démontrent combien l’industrie de la pêche était alors instable.

David B. Quinn

Hakluyt, Principal navigations (1903–05), VIII,— Voyages of Gilbert (Quinn),— Au sujet de l’épisode de 1582, ajouter aux autorités mentionnées dans Voyages of Gilbert (Quinn), I : 55s. ; PRO, CSP, For., May-Dec1582, Jan.-June 1583 ;— CSP, Spain, 1580–86 ; au sujet de celui de 1596, PRO, CSP, Col., 1574–1660, et H.C.A. 24/66, no 51,— L. A. Anspach, A history of the island of Newfoundland (London, 1819),— W. G. Gosling, The life of Sir Humphrey Gilbert (London, 1911),— G. Patterson, Termination of Sir Humphrey Gilbert’s expedition, MSRC, III (1897), sect. ii : 113–127.

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David B. Quinn, « CLARKE (Clark), RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/clarke_richard_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
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