CHICOYNE (Chicoine), JÉRÔME-ADOLPHE, avocat, fonctionnaire, homme d’affaires, journaliste, éditeur et homme politique, né le 22 août 1844 à Saint-Pie, Bas-Canada, fils de Jérôme Chicoine, cultivateur et forgeron, et de Dorothée Deslandes, dit Champigny ; le 7 janvier 1868, il épousa à Saint-Hyacinthe, Québec, Marie-Rose-Caroline Perrault ; décédé le 30 septembre 1910 à La Providence (Saint-Hyacinthe).
Adopté par son parrain, Joseph Charbonneau, à trois ans, Jérôme-Adolphe Chicoyne fait ses études primaires à Saint-Damase, puis entre au séminaire de Saint-Hyacinthe en 1855. Il lui faudra 11 ans pour terminer ses études classiques interrompues par un séjour dans les manufactures de la Nouvelle-Angleterre et un bref passage au noviciat des oblats de Marie-Immaculée, à Montréal.
Dès la fin de sa rhétorique, Chicoyne étudie le droit à temps partiel. Admis au barreau en 1868, il s’installe à Saint-Hyacinthe, mais la pratique du droit ne le satisfait pas totalement. Il accepte la charge de secrétaire-trésorier de la Société de colonisation de Saint-Hyacinthe, puis, en 1872, celle d’agent d’immigration provincial. À ce titre, il donne des conférences, repère les meilleures terres à coloniser et enquête sur les sociétés de colonisation.
En 1873, Chicoyne est nommé par le gouvernement provincial agent d’immigration à Montréal en vue de « travailler au rapatriement des Canadiens immigrés ». Le gouvernement prépare d’ailleurs un programme pour favoriser le rapatriement. En vertu d’une loi adoptée en février 1875, on offre des lots partiellement défrichés de 100 acres et une maison aux Canadiens français expatriés aux États-Unis [V. Ferdinand Gagnon*]. La tâche de Chicoyne consiste désormais à superviser l’application de cette loi. Il achète lui-même un terrain dans la « colonie de rapatriement » (La Patrie) et s’installe avec sa famille, en décembre 1875. Il caresse alors l’ambitieux projet de doter La Patrie d’un certain nombre d’industries, mais ne réussit pas à attirer d’investisseurs. Après deux ans, compte tenu du coût et du succès mitigé de la politique de rapatriement, le gouvernement décide d’y mettre fin et de ne pas renouveler le mandat de Chicoyne. Celui-ci retourne alors à Sherbrooke.
Encore une fois, la pratique du droit ne semble pas satisfaire cet homme infatigable. Au cours d’un voyage en Europe, en 1880, Chicoyne prend contact avec un groupe de notables de Nantes, en France, qui acceptent de collaborer à la mise sur pied de la Compagnie de colonisation et de crédit des Cantons de l’Est. Nommé directeur général provisoire de la compagnie, il revient à Sherbrooke avec le mandat de fonder la colonie de Channay (Woburn) au sud du lac Mégantic. Les quatre années suivantes seront très éprouvantes pour lui. Débordant d’énergie, il se lance dans la construction d’une scierie d’envergure et dans le commerce du bois. Il doit s’occuper aussi du développement agricole, du recrutement des colons, sans compter qu’il a accepté le poste de rédacteur en chef du Pionnier de Sherbrooke. Il lui faudrait des appuis solides : or, les deux jeunes Nantais qui l’accompagnent, Eugène et Louis Bécigneul, lui causent surtout des soucis et leur oncle, le père oblat Eugène-Marie Peigné, s’inquiète constamment. Chicoyne doit se rendre en Europe pour mettre les choses au point en 1881, en 1883 et en 1885. Peu avant son dernier voyage, il avoue une fatigue extrême. À Nantes, il doit faire face à des accusations de fraude qui viennent vraisemblablement des Bécigneul ; au retour, il constate que le père Peigné a délégué un troisième neveu, Adolphe, pour prendre la compagnie en mains. En juillet 1885, Chicoyne démissionne et se retire dans sa villa de Mégantic (Lac-Mégantic), « dans un état de prostration » qui dure un mois.
Décidé à tourner la page, Chicoyne prend le contrôle et la direction du Pionnier, auquel il sera associé pendant 16 ans. De 1886 à 1896, il dirige aussi la Colonisation, de Sherbrooke, revue subventionnée par Ottawa et destinée à faire connaître le Canada dans les pays européens de langue française, et il exécute diverses missions confiées par le gouvernement fédéral.
Les opinions politiques de Chicoyne ne sont pas étrangères aux liens qu’il entretient avec Ottawa. Depuis 1863, il est d’allégeance conservatrice et il a participé activement aux campagnes électorales à compter de 1867. Il a été maire de La Patrie, puis conseiller municipal et maire de Mégantic, et il devient maire de Sherbrooke en 1890. Il est de toutes les activités du parti conservateur et, de 1879 à 1891, il préside le Club Cartier de Sherbrooke. En 1890, il rate l’investiture du parti dans Compton mais, deux ans plus tard, une délégation dirigée par le député sortant lui demande de se présenter dans Wolfe aux élections provinciales.
Élu le 8 mars 1892, Chicoyne s’avère un député actif au sein de l’Assemblée législative de la province de Québec. Il s’intéresse à la colonisation, mais aussi à la réforme des institutions politiques, aux affaires municipales, à la fiscalité et au droit civil ; en juin 1892, il propose la création d’un comité spécial sur l’émigration des ruraux vers la ville, comité qu’il préside et dont il rédige le rapport. Au printemps de 1895, il songe à laisser son siège, mais Louis-Olivier Taillon*, Louis Beaubien* et Louis-Philippe Pelletier* le convainquent de demeurer en fonction, et il connaît deux mandats encore plus productifs, comme si le rôle de député d’opposition et une discipline de parti moins forte lui convenaient davantage.
Chicoyne est alors l’un des membres les plus respectés de l’Assemblée législative. Au cours de son deuxième mandat, il s’intéresse particulièrement à la mutualité. Il s’inquiète de l’influence grandissante des sociétés de secours mutuels américaines et soutient l’idée d’une fédération des sociétés québécoises. De la mutualité, il passe au coopératisme. En 1900, son projet de loi concernant les caisses rurales « meurt au Feuilleton ». En 1901, il présente un nouveau projet de plus large portée qui aurait permis de former tout genre de coopératives mais il ne peut le faire adopter avant la fin de la session. En 1902, il revient à la charge avec une solution de compromis. Son nouveau projet de loi permettra aux agriculteurs de fonder des coopératives de toutes sortes : c’est la Loi concernant les syndicats agricoles qui ouvre la voie à la Loi concernant les syndicats coopératifs d’Alphonse Desjardins* en 1906.
Pendant que Chicoyne rédige, remanie et défend ses projets à Québec, le Pionnier connaît de sérieuses difficultés. Chicoyne essaie de le réorienter, de le donner à bail, de créer une nouvelle société éditrice avec Henri Bourassa*. En vain. C’est le Nationaliste, de Montréal, qui, en 1904, bénéficiera des listes du Pionnier et de la collaboration de Chicoyne. Ce dernier, qui habite maintenant Saint-Hyacinthe, quitte la vie politique au terme de son troisième mandat, mais il ne pourra pas jouir de sa retraite. En février 1905, une crise d’apoplexie le laisse partiellement paralysé, sourd et muet. Avec l’aide de sa femme et de sa fille unique, il continue de publier des articles de journaux. Son dernier texte paraît dans la Patrie, de Montréal, du 17 septembre 1910.
À l’époque où Jérôme-Adolphe Chicoyne siégeait à Québec, on le surnommait « le Sage de la Législature ». C’était un homme cultivé, respecté pour ses opinions, « l’un des cerveaux les plus solidement organisés qu’ait produits [la] province » selon Omer Héroux*. Homme de principes, conservateur d’esprit, allié à des royalistes français « de la vieille école », il a néanmoins consacré sa vie à l’étude et à la recherche de solutions aux problèmes socio-économiques de ses compatriotes. Le rôle qu’il a joué dans la promotion de la mutualité et du coopératisme au tournant du siècle devrait lui mériter de figurer parmi les pionniers du mouvement coopératif québécois.
Jérôme-Adolphe Chicoyne est l’auteur de Causeries agricoles : une visite chez le capitaine B***** (Montréal, 1874), ouvrage publié sous le pseudonyme de Jean Bellevue ; de plus, les « Mémoires de Jérôme-Adolphe Chicoyne » ont paru dans le Courrier de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Québec), 7 avril–9 juin 1982.
Arch. du séminaire de Saint-Hyacinthe, Fg-7 (fonds J.-A. Chicoyne) ; Fg–41 (fonds P.-A. Saint-Pierre).— AUL, P217.— Le Pionnier de Sherbrooke (Sherbrooke, Québec), 1875–1902.— É.-J.[-A.] Auclair, Figures canadiennes ; deuxième série ; quelques figures marquantes de nos hommes de la politique, de l’éloquence et des lettres (Montréal, 1933).— C.-E. Chartier, « la Colonie du rapatriement », Rev. canadienne, 59 (janv.–juin 1914) : 410–412.— Amédée Denault, « l’Élite catholique ; quelques modèles : ix – Jérôme-Adolphe Chicoyne (1844–1910) », la Vie nouvelle (Québec), 10 (1927) : 227–232.— Gaston Deschênes, « Associations coopératives et Institutions similaires au
Gaston Deschênes, « CHICOYNE (Chicoine), JÉRÔME-ADOLPHE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chicoyne_jerome_adolphe_13F.html.
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