CHAUVREULX (Chauvieux, Chevenaux, Chauvreuil, Le Chauvreulx), CLAUDE-JEAN-BAPTISTE, prêtre, sulpicien, missionnaire, né à Orléans, en France, vers 1706, décédé dans la même ville vers 1760.
Claude Chauvreulx arrive au Canada en 1728, simple sous-diacre, après six années d’études au séminaire Saint-Sulpice à Paris. L’évêque de Québec, Mgr Dosquet*, lui confère la dignité sacerdotale le 23 septembre 1730 et l’attache à la paroisse Notre-Dame de Montréal. Le jeune prêtre retourne en France après deux ans. À la demande de monsieur Jean Couturier, supérieur de Saint-Sulpice, il accepte cependant de revenir en Amérique afin de secourir les missions acadiennes. Chauvreulx passe en Acadie à l’automne de 1735 pour desservir la paroisse de Pisiquid (Windsor, N.É.), dont les deux églises sœurs sont dédiées l’une à l’Assomption et l’autre à la Sainte-Famille. Il devient ainsi le premier curé résident de cette populeuse région du bassin des Mines.
On connaît mal la carrière de ce missionnaire car les seuls documents qui nous sont parvenus à son sujet concernent des épisodes plutôt brefs de sa mission en Acadie. Le caractère dramatique de ces épisodes pourrait laisser croire à un ministère mouvementé. En mai 1736, un premier conflit oppose Chauvreulx, ainsi que son confrère Claude de La Vernède de Saint-Poncy, curé d’Annapolis Royal (N.-É.), au gouverneur Lawrence Armstrong*. Ce dernier voulait obliger les deux prêtres à se rendre au sud de la péninsule pour persuader un groupe de Micmacs de réparer les dommages causés au Baltimore, un brigantin naufragé qu’ils avaient pillé près du cap Sable. Les deux missionnaires s’y refusèrent. Il est difficile de savoir réellement ce qui se passa au conseil d’Annapolis le 18 mai 1736 entre les protagonistes ; des paroles trop vives ont dû être prononcées de part et d’autre. Chauvreulx aurait même prétendu ne pas être soumis à la juridiction du gouverneur. En juin suivant, Chauvreulx et Saint-Poncy sont renvoyés par Armstrong à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), mais le premier réussit à se réfugier à Pobomcoup (dans la région de Pubnico, N.-É), chez un groupe d’Indiens et de Français habitant la seigneurie d’Entremont. Informé par le gouverneur de l’île Royale, Saint-Ovide [Monbeton], le ministre français de la Marine convient l’année suivante que « ces messieurs ont manqué de politesse à l’égard d’Armstrong et se sont exposés à sa vengeance ». Après le suicide du gouverneur Armstrong, le 6 décembre 1739, Chauvreulx peut regagner sa paroisse de Pisiquid.
En 1744, lors de la guerre de la Succession d’Autriche, Chauvreulx est mêlé au conflit qui oppose les missionnaires de l’Acadie aux autorités françaises. Collectivement, les missionnaires sont blâmés d’avoir manifesté peu d’enthousiasme à l’arrivée des troupes françaises venues faire le siège d’Annapolis Royal pendant l’été de 1744 [V. François Du Pont* Duvivier]. Quant à Chauvreulx, Maurepas [Phélypeaux] lui reproche d’avoir prononcé « des excommunications contre ceux de ses paroissiens qui prendraient les armes en faveur des français » ; par contre, l’évêque de Québec, Mgr de Pontbriand [Dubreil], lui rend ce témoignage : « Je n’avais rien contre Monsieur Chauvreulx ; au contraire, je le pensais un peu trop vif contre les Anglais. » En somme, Chauvreulx est victime de la situation ambiguë où se trouvent les missionnaires de l’Acadie au xviiie siècle. Sujets français, ils doivent diriger des sujets de Sa Majesté britannique. Si irréprochable qu’elle soit, leur conduite est infailliblement sujette à la critique de l’une ou l’autre partie. Citons à ce propos, le témoignage de Paul Mascarene, l’administrateur d’Annapolis, qui écrit à Londres en décembre 1744 « Les missionnaires m’ont écrit aussi, et il appert qu’ils se sont conduits beaucoup mieux qu’on aurait pu prévoir. » On est donc en droit de penser que Chauvreulx a tout simplement recommandé la neutralité à ses ouailles tout au long de la guerre.
Les dernières années vécues par Chauvreulx en Acadie se ressentent profondément de la lutte franco-anglaise qui s’y livre. À partir de 1749, après le départ de Charles de La Goudalie et de Jean-Pierre de Miniac*, il est le seul missionnaire du bassin des Mines. Il s’installe dans la paroisse Saint-Charles de Grand-Pré qui est plus centrale, où il a la charge de plus de 3 000 communiants. Sa situation devient plus embarrassante après la fondation de Halifax car le gouverneur, Edward Cornwallis*, sollicite un nouveau serment d’allégeance de la population acadienne et entreprend de contrôler plus étroitement les missionnaires. Chauvreulx est mandé à Halifax le 1er août 1749 pour faire régulariser ses pouvoirs. Toutefois, ses relations sont bonnes avec les autorités britanniques. De concert avec son confrère Jean-Baptiste de Gay Desenclaves, il conseille à ses paroissiens de prêter serment au roi d’Angleterre. De plus, Chauvreulx accepte de prêter lui-même le serment exigé. Ce geste n’a pas l’heur de plaire à l’abbé de l’Isle-Dieu, vicaire général de l’évêque de Québec à Paris. Celui-ci, tout en témoignant des excellentes qualités de ces deux prêtres, laisse entendre qu’ils ne sont « pas assez éclairés ». L’abbé de l’Isle-Dieu, de concert avec le ministre et Jean-Louis Le Loutre*, vicaire général de l’évêque de Québec en Acadie, pense même qu’il serait sage de priver de renforts religieux les deux missionnaires de l’Acadie anglaise, afin d’inciter la population acadienne à émigrer massivement dans l’isthme de Chignectou et dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard). Il est remarquable de constater que c’est dans les paroisses de ces deux curés que l’émigration a été la moins importante. Cependant, en 1753, sur une plainte de Pontbriand, on enverra l’abbé Henri Daudin secourir les deux sulpiciens. À l’automne de la même année, Chauvreulx doit héberger chez lui l’abbé Lemaire, missionnaire de l’île Saint-Jean, dont l’esprit s’est dérangé et dont la conduite embarrasse ses confrères.
Le 4 août 1755, un mois avant que ne débute la déportation des Acadiens du bassin des Mines, Chauvreulx est arrêté par les troupes de Charles Lawrence, emprisonné au fort Edward (Windsor, N.-É.) durant quelques jours et conduit à Halifax en compagnie des abbés Lemaire et Daudin au milieu du mois. À leur arrivée, les missionnaires sont exposés sur la place publique puis détenus séparément sur des navires de la flotte de l’amiral Edward Boscawen. Au début de décembre 1755, ils arrivent à Portsmouth en Angleterre où on leur permet de noliser un navire qui les conduira en France. Ils arrivent à Saint-Malo le 8 décembre 1755. De là, Chauvreulx se rend à Orléans où il est hébergé dans sa famille. C’est là que, malade, infirme et incapable de reprendre ses travaux apostoliques, il termine ses jours. Un mémoire de l’abbé de l’Isle-Dieu, écrit peu après la capitulation de Montréal, nous apprend qu’il est mort quelque temps auparavant. En dépit du tragique des événements connus sur le séjour de Chauvreulx en Acadie, on peut penser que sa longue mission s’est déroulée en grande partie dans le calme. À l’instar des Acadiens, ce missionnaire fut une victime de la conjoncture politique plutôt qu’un personnage engagé ouvertement dans le conflit anglo-français en Acadie.
AAQ, 12 A, Registres d’insinuations, C, 216 ; 22 A, Copie de lettres expédiées, II : 519. —AN, Col., B, 57, f.744 ; 58, ff.435, 616 ; 62, ff.16v., 38v.8 ; 65, ff.449, 452, 487 ; 72, f.16 ; 78, f.6 ; 81, f.64 ; 91, f.62 ; 104, f.44v. ; Col., C11A, 78, f.407 ; 82, f.326 ; 86, f.140 ; Col., C1B, 12, f.254 ; 13, f.103 ; 18, ff.20, 38, 73–78 ; 20, ff.35, 85 ; 21, f.21 ; 22, ff.116, 117 ; 33, ff.341, 343.— ASQ, Fonds Casgrain, Acadie ; Lettres, M, 113 ; S, 7i, 103 ; T, 59 ; Missions, I : 6 ; Polygraphie, VII : 114, 122 ; IX 29.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, I : 12–16, 416 ; II : 10–75 ; III : 60–80, 181–191.— Lettres et mémoires de l’abbé de l’Isle-Dieu, RAPQ, 1935–1936, 301, 317, 321, 332, 383, 390 ; 1936–1937, 404, 416, 421, 422, 424 : 1937–1938, 168, 169.— N.S. Archives, I, 103–105, 146–150, 170, 188–192. 229s., 282s. ; II, 99–111.— RAC, 1894, 96, 97, 101, 103, 117s., 134, 148 ; 1905, II, iiie partie, 409–420.— Casgrain, Un pèlerinage au pays d’Évanégline, 53–144.— Murdoch, History of Nova-Scotia, I, chap.lvii.— Parkman, Half-century of conflict, II, chap. ix.— Richard, Acadie (D’Arles) I : 274–296, 313, 342 ; II : 348–375.
Micheline D. Johnson, « CHAUVREULX (Chauvieux, Chevenaux, Chauvreuil, Le Chauvreulx), CLAUDE-JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chauvreulx_claude_jean_baptiste_3F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |