CHAUSSEGROS DE LÉRY, LOUIS-RENÉ, seigneur, officier dans l’armée et dans la milice, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 13 octobre 1762 à Paris, fils de Gaspard-Joseph Chaussegros* de Léry et de Louise Martel de Brouague ; le 20 mai 1799, il épousa à Boucherville, Bas-Canada, Madeleine-Charlotte Boucher de Boucherville, fille du seigneur René-Amable Boucher* de Boucherville ; décédé le 28 novembre 1832 à Boucherville.

Devant l’impossibilité de se tailler une place en France après la Conquête, Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry y laisse en nourrice deux de ses fils, dont Louis-René, et revient au Canada en 1764. À la suggestion du gouverneur Guy Carleton*, il tente de faire venir ses enfants. Ce n’est qu’en juin 1770 que Louis-René retrouve ses parents à Québec. Ces derniers le destinent à la carrière des armes, et sa mère s’adresse, en décembre 1774, sur les conseils de Carleton, au vicomte George Townshend*, le maître général du Board of Ordnance, dans le but d’obtenir une lieutenance dans l’artillerie pour son fils. Malheureusement, Louis-René ne peut devenir officier parce qu’il ne possède pas les connaissances pratiques nécessaires ; en outre, selon Townshend, le fait de ne pas professer la religion protestante constitue un obstacle infranchissable. Mis au courant par Mme Chaussegros de Léry, Carleton s’en montre fort contrarié puisqu’il estimait « dune dangereuse consequence dans les sirs constance [l’agitation révolutionnaire des colonies américaines] que la noblesse canadienne sut que [leurs] religions enpeschait quils eussent des emplois dans le millitaire ». Le jeune homme fréquente donc le séminaire de Québec où il termine ses études en août 1782 ; en octobre, son père sollicite le nouveau gouverneur Frederick Haldimand* dans l’espoir de lui procurer une place au sein de l’administration gouvernementale. Mais en vain. En août de l’année suivante, n’espérant plus rien du Canada, Louis-René, muni d’un sauf-conduit, en profite pour aller tenter sa chance en France.

Grâce à des arrangements préalables faits avec des parents, Chaussegros de Léry entreprend une carrière militaire en entrant dans les gardes du corps du roi le 8 janvier 1784. Selon son frère François-Joseph, « c’est un garçon qui promet beaucoup et qui tournera à bien par sa docilité, la douceur de son esprit et les agréments extérieurs de sa personne ». À 26 ans, il porte les galons de capitaine. Cependant, la Révolution compromet son avenir. Il émigre en Allemagne en 1791 avec une bonne partie de la noblesse et combat le mouvement révolutionnaire avec les troupes du roi de Prusse. Après l’échec de Valmy, en France, le 20 septembre 1792, il est licencié. En novembre, il se réfugie en Grande-Bretagne, chez une tante. Pendant deux ans, il revit les difficultés de chercher un protecteur et un régiment qui pourrait l’accueillir. Il échange de longues lettres avec son frère Gaspard-Roch-George également en exil et en quête d’une place. Pour eux, point question d’attendre de protection de leur frère François-Joseph, qui a réussi à monter en grade dans la France révolutionnaire, puisqu’il se trouve dans le camp ennemi. Devant les insuccès de ses entreprises en Europe, Louis-René se résout à revenir au Canada où il a bon espoir d’être nommé officier du Royal Canadian Volunteer Regiment, que le gouverneur Carleton, devenu lord Dorchester, a reçu ordre, en février 1794, de mettre sur pied.

À son retour en juin 1794, Chaussegros de Léry, afin de mériter les bonnes grâces du gouvernement, s’empresse de se joindre aux 130 citoyens de la ville de Québec qui se sont regroupés dans l’Association, créée pour soutenir « les Loix, la Constitution et le Gouvernement de la Province du Bas-Canada ». Le groupe reprend une initiative prise en Grande-Bretagne en décembre 1792 en réaction aux troubles révolutionnaires en France. Mais Louis-René n’obtient pas le poste qu’il convoitait. Ce n’est qu’après la mort de son père, survenue en 1797, que, se retrouvant à la tête de la famille, il obtient le grade de capitaine dans le 2 e bataillon du Royal Canadian Volunteer Regiment, le 25 octobre 1798. L’obtention de ce poste ne va pas sans provoquer des oppositions de la part des Britanniques de la colonie, notamment du juge en chef William Osgoode, qui considère toujours Chaussegros de Léry comme un militaire français. Le régiment est toutefois dissous en 1802.

De 1802 à 1812, les autorités britanniques relèguent dans l’ombre une fois de plus, sur le plan militaire, la petite noblesse seigneuriale canadienne. Chaussegros de Léry n’a d’autre choix que de s’adapter à la vie civile puisque, comme il l’avouait déjà en 1796, il est un peu tard et il en coûterait cher pour « se mettre à la queue » d’un régiment régulier de l’armée britannique. Cette fois, sa situation est meilleure et la transition plus facile. La mort de son père et ses liens maritaux avec le clan des Boucherville lui donnent un plus grand accès à la propriété seigneuriale. De plus, son beau-père met tout en œuvre pour lui laisser sa place de grand voyer dans le district de Montréal ; Chaussegros de Léry lui succède le 7 avril 1806 et occupera ce poste jusqu’à sa mort. Il est également nommé juge de paix au même endroit un an plus tard. Pendant la guerre de 1812, Chaussegros de Léry, à qui la vie militaire ne sourit plus, se contente de demeurer au sein de la milice sédentaire de Boucherville, obtenant le grade de major en septembre 1812 et celui de lieutenant-colonel en juin 1813. Il accède au Conseil législatif le 9 février 1818, privilège qu’il avait réclamé sans succès au gouverneur Robert Prescott* à la mort de son père. Pendant le reste de sa vie, il obtient plusieurs commissions, particulièrement à titre de juge de paix dans différents districts.

Les Chaussegros de Léry du Canada, à l’exception de Charles-Étienne*, frère de Louis-René, sont avant tout des militaires. Ils se montrent si déterminés à satisfaire leurs ambitions dans ce domaine qu’ils tentent de faire carrière à l’étranger pour contourner la politique britannique qui, après 1760, leur interdit une véritable carrière militaire au pays. Louis-René Chaussegros de Léry ne regagne le Canada qu’après avoir été chassé de France. C’est finalement dans le rôle de propriétaire foncier qu’il trouvera la stabilité, la reconnaissance des autorités britanniques et une certaine emprise sur son destin.

Roch Legault

ANQ-Q, CN1-230 ; P-40.— APC, RG 68, General index, 1651–1841.— F.-J. Chaussegros de Léry, « Lettres du vicomte François-Joseph Chaussegros de Léry à sa famille », ANQ Rapport, 1933–1934 : 34–35, 39, 60.— La Gazette de Québec, 24 mai 1792, 10 juill. 1794, 23 avril 1807, 19 nov. 1812, 10 juin 1813.— Almanach de Québec, 1799 : 98 ; 1801 : 100 ; 1805 : 53 ; 1810 : 65 ; 1815 : 102.— F.-J. Audet, « les Législateurs du B.-C. ».— Officers of British forces in Canada (Irving), 100–101, 189.— P.-G. Roy, Inventaire des papiers de Léry conservés aux Archives de la province de Québec (3 vol., Québec, 1939–1940), 2 : 262 ; 3 : 51, 57–59, 67–68, 165–166, 178–179, 187–190, 196–197, 208–209, 212, 227.— Turcotte, le Conseil législatif. Galarneau, la France devant l’opinion canadienne (1760–1815), 173, 242–243, 287.— Paquet et Wallot, Patronage et Pouvoir dans le B.-C., 40.— P.-G. Roy, la Famille Chaussegros de Léry (Lévis, Québec, 1934).— L.-P. Desrosiers, « Montréal soulève la province », Cahiers des Dix, 8 (1943) : 77–78, 80, 90.— J.-J. Lefebvre, « Michel-Eustache-Gaspard-Alain Chartier de Lotbinière (1748–1822) », ANQ Rapport, 1951–1953 : 378, 382, 404–405.— P.-G. Roy, « la Famille Chaussegros de Léry », BRH, 40 (1934) : 599–601 ; « les Grands Voyers de la Nouvelle-France et leurs successeurs », Cahiers des Dix, 8 : 228–229.— « Les Seigneuries de la famille de Léry », BRH, 40 : 684–692.

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Roch Legault, « CHAUSSEGROS DE LÉRY, LOUIS-RENÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chaussegros_de_lery_louis_rene_6F.html.

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Auteur de l'article:    Roch Legault
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    1 décembre 2024