CHARTRAND, VINCENT (parfois appelé Vincennes), maître sculpteur et peintre, né le 18 juillet 1795 à Saint-Vincent-de-Paul (Laval, Québec), fils de Vincent Chartrand et de Marie-Charlotte Labelle, décédé célibataire le 26 mars 1863 dans sa paroisse natale.

Dès 1810, Vincent Chartrand fréquente l’école de sculpture de Louis-Amable Quévillon* à Saint-Vincent-de-Paul, endroit communément appelé Les Écorres. Cité en 1822 comme compagnon sculpteur de René Saint-James*, dit Beauvais, Chartrand acquiert son statut de maître sculpteur en 1824, alors qu’il s’associe à Pierre-Salomon Benoît, dit Marquet, sculpteur de Belœil. Suspendu deux ans plus tard, le 8 mai 1826, ce contrat est remis en vigueur en 1828 et se terminera en 1834. Durant cette période, le nom de Chartrand se confond continuellement avec celui de Benoît dans les travaux d’importance. En janvier 1826, les associés s’engagent à faire une voûte neuve et des bas-reliefs sculptés dans l’église de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. La même année, ils travaillent à la construction d’un nouveau jubé dans l’ancienne église de Saint-Ours. Le dernier chantier entrepris sous le régime de la société semble avoir été celui de l’île Dupas, où d’importants paiements (£3 624) sont faits, en 1831, aux deux sculpteurs pour des travaux de décoration dans l’église.

Gravement malade, Vincent Chartrand dicte, le 8 avril 1833, ses dernières volontés au notaire Jean-Baptiste Constantin de Saint-Vincent-de-Paul. Ce testament est important puisqu’il contient une série de noms de paroisses auxquelles Chartrand lègue des sommes d’argent par l’entremise de son associé. Ce sont probablement là d’autres lieux où le sculpteur exerça ses talents.

Vincent Chartrand se remet toutefois rapidement de sa maladie et, après l’expiration du contrat d’association en 1834, il travaille exclusivement comme sculpteur, délaissant tout le domaine de l’architecture intérieure. Il semble donc que Benoît avait pris avantage de l’habileté de Chartrand pour l’exécution du détail de la sculpture, se réservant le gros œuvre. C’est d’ailleurs là une des caractéristiques de l’école de Quévillon, plus axée sur l’habileté artisanale que sur la conception d’ensemble. En effet, les sculpteurs s’adonnent à leur travail en boutique durant les mois d’hiver et se rendent sur le chantier l’été pour mettre en place les éléments, sans que l’ensemble (retable, voûte, chaire et banc d’œuvre) ait nécessairement été conçu d’un seul jet, comme c’est le cas dans la région de Québec avec les Baillairgé.

La seconde partie de la carrière de Chartrand est caractérisée seulement par quelques œuvres isolées de sculpture. Au Sault-au-Récollet, en 1836, l’artiste laisse une chaire « dont la forme élégante et les détails de fine sculpture attirent l’admiration de tous les connaisseurs ». La chaire de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, ornée de reliefs représentant, sur la cuve, les quatre évangélistes et, sur la rampe d’escalier, les apôtres, est aussi son œuvre. Remarquables aussi sont ses figures sculptées comme en témoignent quelques reliefs et statues, dont un saint Charles Borromée pour l’église de Lachenaie, réalisé en 1843. De 1845 à 1853, Chartrand exécute le mobilier de l’église de Caughnawaga, notamment trois retables, un maître-autel et la chaire. La pièce majeure qui rachète en quelque sorte l’ensemble est sans aucun doute le maître-autel, d’une facture légère et soignée, dans la plus pure tradition des œuvres de Quévillon.

Si les œuvres de sculpture de Vincent Chartrand se dégagent peu à peu de l’ensemble des productions de l’école de Quévillon, il n’en va pas de même pour les œuvres peintes sur lesquelles nos connaissances restent limitées. D’après la tradition orale, l’artiste aurait eu des talents de peintre : ainsi, ayant remarqué le décolleté osé d’un portrait peint de Mme Charlotte Pépin, il l’aurait retouché fort habilement. D’autre part, dans son second testament, dicté en 1838, l’artiste lègue aux Sœurs de la Providence et à l’hospice Saint-Pierre de Saint-Vincent-de-Paul une série imposante de tableaux et une collection d’estampes, cette dernière constituant un matériel fort précieux pour un peintre de thèmes religieux au xixe siècle. On peut supposer que Chartrand est l’auteur de ces peintures car peu d’artistes, à l’époque, possédaient des collections de tableaux religieux autres que les leurs. Enfin, lors de son décès en mars 1863, Vincent Chartrand lègue à son frère Toussaint, médecin à Saint-Janvier, deux tableaux de sa main, l’un représentant son père, l’autre l’archange saint Gabriel.

Peu connue, l’œuvre de Vincent Chartrand occupera de plus en plus une place importante dans l’art ancien du Québec, au fur et à mesure que progressera l’étude systématique de l’art religieux du xixe siècle dans la région de Montréal.

Luc Noppen

ANQ-M, État civil, Catholiques, Saint-Vincent-de-Paul (Laval), 18 juill. 1795, 26 mars 1863 ; Greffe de J.-B. Constantin, 14 sept. 1822, 23 févr. 1824, 2 juin 1828, 8 avril 1833, 21 nov. 1838, 17 mars 1863.— IBC, Centre de documentation, Fonds Morisset, Dossier Vincent Chartrand ; Dossiers Caughnawaga ; Île Dupas ; Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville ; Saint-Ours ; Saint-Vincent-de-Paul ; Sault-au-Récollet.— Gérard Morisset, Coup d’œil sur les arts en Nouvelle-France (Québec, 1941).— Émile Vaillancourt, Une maîtrise d’art en Canada (1800–1823) (Montréal, 1920), 75s.

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Luc Noppen, « CHARTRAND, VINCENT (Vincennes) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chartrand_vincent_9F.html.

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Auteur de l'article:    Luc Noppen
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    1 décembre 2024