CHAREST, ÉTIENNE, seigneur, marchand et capitaine de milice, né à Pointe-Lévy (Lauzon) le 4 février 1718, fils d’Étienne Charest et d’Anne-Thérèse Duroy, décédé à Loches, France, le 6 août 1783.

Le père d’Étienne Charest, ayant établi sa fortune sur des maisons de commerce, des industries et des biens-fonds très lucratifs, était un des plus riches propriétaires de la colonie. Lors de son décès, en 1735, Étienne et son frère cadet Joseph Dufy Charest étaient trop jeunes pour prendre la succession et l’administration de la seigneurie de Lauson ; Jacques Charly Saint-Ange, leur beau-frère, s’en empara. Craignant un abus de pouvoir de la part de ce dernier, Pierre Trottier* Desauniers, tuteur et curateur des héritiers, leur fit émettre des lettres d’émancipation en 1737.

Les jeunes seigneurs nommèrent dès 1738 un juge bailli, Jean de Latour, notaire royal à Québec, pour la seigneurie demeurée sans justice seigneuriale depuis 1712. La même année, Étienne fit émettre une ordonnance commettant l’arpenteur Ignace Lafleur, dit Plamondon, pour fixer des bornes entre les seigneuries de Beaurivage, de Lauson et de Tilly. Un recensement de 1739 dénombrait 1237 âmes dans la seigneurie, soit une augmentation de 806 personnes en 33 ans.

Depuis la mort de leur père, les deux frères avaient continué en société l’exploitation de son commerce et de ses industries, s’occupant notamment, au Labrador, de la pêche de la morue et de la chasse aux loups-marins. Joseph, qui avait embrassé la carrière de marin., et Étienne, qui demeurait rue Sault-au-Matelot, dans la basse ville de Québec, au magasin de son père, un des plus florissants et des plus achalandés, ne négligeaient rien cependant pour favoriser les nouveaux établissements dans la seigneurie. Au printemps de 1745, ils obligèrent leurs censitaires à fournir un nouveau titre de leurs biens dans la seigneurie. En 1746, Étienne fit bâtir un moulin à farine sur la rivière Etchemin pour la commodité des habitants, ce qui entraîna la fondation de la paroisse Saint-Henri à laquelle il donna une terre pour bâtir l’église et le presbytère. De 1750 à 1754, il octroya 20 concessions sur le territoire occupé aujourd’hui par les paroisses Saint-Joseph-de-la-Pointe-de-Lévy, Saint-Romuald-d’Etchemin et Saint-Nicolas.

En 1759, Monckton débarqua à Pointe-Lévy et y établit un camp d’où il pouvait bombarder la ville de Québec. Charest, en qualité de capitaine de milice, prit la tête d’une quarantaine de ses censitaires et d’environ 300 Indiens et offrit une dure résistance aux envahisseurs, retardant leur avance de quelques heures. Dix-sept ans plus tard, en 1776, il fut créé chevalier de Saint-Louis en récompense des services qu’il avait rendus au Canada – ce fut le seul milicien à recevoir cette décoration.

Après la signature du traité de Paris en 1763, Étienne Charest signa l’adresse des citoyens de Québec au gouverneur Murray dans laquelle ils proclamaient leur loyauté à leur nouveau souverain. En octobre de la même année, il passait en Angleterre chargé par ses compatriotes de demander le maintien de l’organisation religieuse au Canada, le rétablissement des lois françaises, une réforme de la justice et un règlement plus avantageux des finances. Peu de temps après son retour, désappointé du peu de succès de sa mission – Londres ne permettra la nomination de Mgr Briand comme évêque catholique pour le Canada qu’en 1766 – et désespérant de ne pouvoir jamais vivre en paix, Charest quitte le Canada avec toute sa famille en août 1765 et s’établit à Loches, en Touraine. Avant son départ, il avait procédé à la vente de ses maisons à Québec et de sa seigneurie ; le gouverneur Murray fit l’acquisition de cette dernière, qui comptait alors 1 540 censitaires possédant 33 706 arpents, pour la somme de 80 000#.

Dernier seigneur de Lauson sous le Régime français, Étienne Charest avait épousé à Saint-Joseph-de-la-Pointe-de-Lévy, le 22 octobre 1742, Marie-Catherine, fille de Pierre Trottier Desauniers ; le même jour, son frère Joseph s’unissait à Marguerite, sœur de Marie-Catherine. Étienne et sa femme eurent 13 enfants ; leurs fils s’établirent à Saint-Domingue (île d’Haïti).

Roland-J. Auger

ANQ-Q, NF 25, 38, no 1 381 ; 39, no 1 397 ; 41, no 1 496.— Archives paroissiales, Notre-Dame de Québec, Registres des délibérations du conseil de la fabrique, IV : 164. Æ. Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis, 204s.— P.-G. Roy, Inv. ord. int., II : 242 ; III : 3, 193. Georges Bellerive, Délégués canadiens-français en Angleterre, de 1763 à 1867 [...] (Québec, [1913]), 8–22. Burt, Old prov. of Que. (1968), I : 86, 100. J.-E. Roy, Histoire de la seigneurie de Lauzon (5 vol., Lévis, Québec, 1897–1904), II : 138–143, 157–159, 175–177, 186, 211–213, 282–286, 360–364, 370–379, 385, 416. Comment fut reçut le traité de Paris, BRH, LI (1945) : 310s.— O.-M.-H. Lapalice, Étienne Charest, BRH, XXXIV (1928) : 500s.

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Roland-J. Auger, « CHAREST, ÉTIENNE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/charest_etienne_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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