CHAMBERLAIN, THEODORE F., médecin, homme politique, homme d’affaires et fonctionnaire, né le 6 juillet 1838 à Smith’s Mills (Harlem, Ontario), fils du docteur Asher (Ashern) Augustus (Augustine) Chamberlain et d’Eliza Ann Toffy ; le 3 juillet 1862, il épousa à Farmersville (Athens, Ontario) Annetta Jane Parish, et ils eurent cinq enfants, dont un garçon et une fille vécurent au delà de la petite enfance ; décédé le 5 mars 1927 à Chaffey’s Lock, Ontario.
Né de parents américains qui étaient arrivés enfants dans le comté haut-canadien de Leeds, Theodore F. Chamberlain fréquenta l’école du canton de Bastard tout en allant à l’école du dimanche et en recevant des leçons de latin à la maison. En 1853, après avoir été deux ans commis chez un marchand dans une localité voisine, Elgin, il fit des études d’art dentaire à Ottawa. Il exerça ensuite dans la région de Leeds, à Pawling, dans l’État de New York (lieu de naissance de sa mère), et dans la ville de New York. À la demande de son père, il rentra au Canada en 1858 afin d’aller étudier en médecine au Queen’s College de Kingston. Il obtint son diplôme en 1862 et ouvrit un cabinet à Morrisburg, sur le Saint-Laurent. Bien qu’il se soit défini comme « médecin, chirurgien et accoucheur », il avait, à l’instar de beaucoup de médecins du xixe siècle, une foule d’activités liées à sa profession. Ainsi, il tint une pharmacie de 1866 à 1873, enseigna à des étudiants de médecine et fut médecin hygiéniste de Morrisburg, coroner des comtés unis de Stormont, Dundas et Glengarry de 1868 à 1879 et médecin consultant auprès de compagnies d’assurance-vie.
Tandis que sa pratique prospérait, Chamberlain fit de la politique municipale : conseiller de village de 1873 à 1877 et de 1884 à 1886, il fut également président du conseil municipal du canton de 1877 à 1881 et préfet des comtés unis en 1879–1880. De plus, il fut surintendant du conseil scolaire local, eut une commission dans la milice de Leeds et fut membre du conseil d’administration de la Dundas Agricultural Association. Ce méthodiste appartenait à des loges maçonniques et à des organisations de tempérance. En matière de politique provinciale, il suivait les traces de son père, réformiste baldwiniste « de la vieille école ». En 1879, il accepta l’investiture du congrès réformiste de Dundas en prévision des élections provinciales. Battu par 81 voix, il se porta candidat aux élections fédérales en 1882, mais perdit encore une fois de justesse. Aussi décevants qu’ils aient été, ces revers permirent à Chamberlain de se consacrer à ses affaires, en pleine expansion, dans lesquelles les liens familiaux se révélèrent importants. En 1873, il vendit sa pharmacie et fonda une première fromagerie avec son beau-frère W. G. Parish (ils en ouvriraient deux autres). Dans les années 1870 et 1880, il voyagea beaucoup : il alla souvent aux États-Unis, mais ce fut le nord de l’Ontario qui retint son attention. Il passa bien des étés à chasser, à prospecter et à faire des travaux d’arpentage autour du lac Supérieur, de la baie Géorgienne et du lac Nipissing. Dans les districts de Parry Sound et de Muskoka – où, en quête de sublime et de nature sauvage, il se rendait en touriste –, il trouva aussi des occasions d’affaires. La vente de concessions forestières en 1872 lui rapporta « une jolie somme ». En 1877, il entra au conseil d’administration de la Parry Sound Lumber Company, propriété d’un autre de ses beaux-frères, le député libéral provincial John Classon Miller*. En 1888, un canton du district de Témiscamingue, au nord de la province, serait baptisé Chamberlain en son honneur.
Les élections provinciales de décembre 1886 marquèrent un tournant dans la carrière politique de Chamberlain. Élu dans la circonscription de Dundas, il joua discrètement son rôle de nouvelle recrue du gouvernement d’Oliver Mowat*. Il votait avec la majorité, œuvrait aux comités permanents des chemins de fer et des municipalités et proposa une modification mineure au Municipal Act. Il dut quitter l’Assemblée au bout d’une session : son élection ayant été contestée, un scrutin partiel eut lieu en janvier 1888, et James Pliny Whitney* lui ravit son siège. Cependant, les libéraux ne l’oublièrent pas et lui confièrent en 1890 un poste devenu vacant au décès du docteur William T. O’Reilly, celui d’inspecteur provincial des asiles, prisons et établissements publics de charité (hôpitaux, refuges et orphelinats). Chamberlain, qui confia sa clientèle de médecin à Morrisburg à son fils, Watson Parish, et assuma l’inspectorat en octobre, héritait d’un système dont le principal créateur avait été John Woodburn Langmuir*. L’expansion de ce système, plus que l’innovation, marqua ses 14 années de mandat. Par exemple, le nombre d’hôpitaux subventionnés pour soigner les indigents en vertu du Charity Aid Act passa de 16 à 61. Les rapports de Chamberlain, positifs à l’extrême et d’un style souvent terne, plaisaient à ses patrons politiques et confortaient la province dans sa prétention d’avoir le meilleur système. Toutefois, sa correspondance révèle un inspecteur qui, gagné à la cause de la centralisation, s’occupait du cas de tel et tel patient, scrutait à la loupe les dépenses de chaque établissement et s’astreignait à un épuisant calendrier de tournées. L’opuscule qu’il écrivit en 1893 en vue de dissiper les malentendus entre catholiques et protestants au sujet du financement de leurs établissements de charité montre qu’il connaissait très bien la question.
Que les autorités aient été satisfaites des hôpitaux était bien normal : la plupart d’entre eux étaient neufs, et Chamberlain entretenait des relations cordiales avec leurs administrateurs. Pour ce qui était des prisons subventionnées par la province, on exprimait parfois des préoccupations à propos du classement des détenus, de la récidive et de la réadaptation, mais on ne creusait guère davantage tant que ces établissements rapportaient des bénéfices grâce à leurs programmes de travail. Il en allait tout autrement des 51 prisons de comté et postes de police. La plupart dataient de la période haut-canadienne et, de l’avis de Chamberlain, ils étaient dans un état lamentable. Invariablement, à la suite des inspections semestrielles – faites en général par Chamberlain, souvent sans préavis –, les conseils de comté recevaient l’ordre de rénover des cellules décrépites, de remplacer l’éclairage au kérosène par de l’électricité et de raccorder les canalisations aux égouts municipaux. En 1892, Chamberlain ordonna même au gardien de la prison de Mattawa de tondre le gazon. Les changements étaient lents mais, dans l’ensemble, sous l’œil de Chamberlain, les conditions matérielles dans les prisons s’améliorèrent sensiblement. L’usage que l’on faisait des prisons de comté et postes de police était plus alarmant. Durant les années 1890, plus du quart de toutes les personnes gardées en ces lieux étaient incarcérées en vertu de l’Acte relatif aux vagabonds : aliénés, indigents et autres. Consterné, Chamberlain signala en 1891 l’impossibilité de classer les prisonniers de manière satisfaisante dans ce milieu « indigne de l’humanité, du christianisme et du pays ». Même si elles pouvaient obtenir des crédits afin de construire des asiles pour les pauvres, les autorités locales préféraient placer les indigents en prison, par pingrerie ou par souci de commodité. Les économies qu’elles réalisaient de cette façon, Chamberlain les rogna en exigeant, pour les pauvres, des vêtements civils et une meilleure alimentation. Bientôt, il menaça de recourir aux tribunaux pour forcer les conseils de comté à bâtir des habitations convenables. Sa plus grande victoire survint en 1903 : une loi exigea alors de chaque comté qu’il ait bâti un asile pour les pauvres au plus tard en 1906. Chamberlain ne resta pas assez longtemps en place pour voir tous les résultats de ses efforts. Il quitta ses fonctions en 1904, se porta candidat aux élections fédérales dans la circonscription de Dundas et fut défait à l’issue d’une « chaude lutte ». Cependant, en 1906, à l’âge de 67 ans, il obtint par faveur un autre poste, celui d’inspecteur fédéral de l’hygiène sur les chantiers publics. De juin 1906 à sa démission en mars 1908, il supervisa, dans les quatre provinces de l’Ouest, les conditions qui régnaient dans les camps d’ouvriers de la construction du chemin de fer et veilla à l’application de la Loi de l’hygiène aux travaux publics. Il dormait sous la tente et voyageait souvent à pied. En 1909, le ministère des Affaires indiennes le chargea d’évaluer la forêt de la réserve indienne Dokis, près du lac Nipissing [V. Migisi*]. En juin 1909, lorsque les droits de coupe furent mis aux enchères – au profit de la bande –, il versa 182 000 $ pour une concession dont l’exploitation lui rapporta gros.
Une fois sa carrière de fonctionnaire terminée, l’infatigable Theodore F. Chamberlain retourna à Morrisburg, où il se remit à l’exercice de la médecine, pratiqua l’art vétérinaire et, jusqu’en 1919, tint un sanatorium dans sa vaste résidence. Devenu veuf en juillet 1924, il succomba à une pneumonie en 1927 (il goûtait alors sa retraite à son chalet de Chaffey’s Lock) et fut inhumé dans le lot familial à Athens.
Theodore F. Chamberlain est l’auteur d’Aid to Protestant and Catholic hospitals : official statement by the inspector of hospitals and charities for Ontario ; falsehoods exploded ; the truth regarding the matter ([Toronto, 1893]).
AO, F 1023 ; F 1941-18, 2 ; RG 22-179, nº 8234 ; RG 55-1, liber 7 : f.6 ; RG 63-A-10 ; RG 80-8-0-950, nº 4383 ; RG 80-8-0-1066, nº 19808 ; RG 80-27-2, 28 : 63.— BAC, RG 38, A-2, 418 : 1127–1130.— Athens Reporter and County of Leeds Advertiser (Athens, Ontario), 10 mars 1927.— Canadian Illustrated News (Montréal), 2 mars 1878.— Dundas County Herald (Morrisburg, Ontario), 27 mars 1879, 1er janv. 1880.— Dundas Courier (Morrisburg), 11 janv. 1867.— Evening Recorder (Brockville, Ontario), 14 oct. 1904.— Morrisburg Courier, 18 déc. 1867, 29 avril 1870.— Ottawa Citizen, 23 juill. 1909.— Recorder and Times (Brockville), 11 juill. 1924, 9 mars 1927.— Canada, Parl., Doc. de la session, rapports du ministère de l’Agriculture, 1906/1907–1910.— J. S. Carter, The story of Dundas, being a history of the county of Dundas from 1784 to 1904 (Iroquois, Ontario, 1905).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1 et 3.— J. G. Harkness, Stormont, Dundas and Glengarry ; a history, 1784–1945 (Oshawa, Ontario, 1946).— T. W. H. Leavitt, History of Leeds and Grenville, Ontario, from 1749 to 1879 [...] (Brockville, 1879 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972).— Ontario, Legislature, Journals, 1887 : 20 ; Sessional papers, 1873, nº 11 ; 1874, nº 39 ; rapports de l’inspecteur des asiles, prisons et organismes publics de bienfaisance, 1890–1905.
Patrick J. Connor, « CHAMBERLAIN, THEODORE F. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chamberlain_theodore_f_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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