CHALOUX, MARIE-ESTHER, dite de Saint Joseph, hospitalière de l’Hôpital Général de Québec et supérieure, née vers 1770, fille de Jean-Baptiste Chaloux et de Marie-Anne Bellefontaine ; décédée le 1er septembre 1839 à Québec.

Le père de Marie-Esther Chaloux, natif de Québec, servit, de gré ou de force, comme pilote dans la flotte qui amena les troupes britanniques à Québec en 1759. À partir de 1775, on l’envoie en Angleterre à tous les ans, et sa famille, contrainte à vivre pauvrement sur une terre à Cacouna, ne reçoit que £25 du gouvernement en six ans. Comble de malheur, Jean-Baptiste Chaloux meurt à Portsmouth, en Angleterre, le 7 mars 1781. Marie-Anne Bellefontaine, qui reste seule avec cinq enfants mineurs, traverse alors une période de dépression : « négligeant son ménage, abbandonnant ses enfans, donnant à tort et à travers toute sorte de chose de son ménage pour des bagatelles, courant souvent jour et nuit les bois, les grands chemins et la grève nuds pieds et nuds jambes dans la neige, se jettant à l’eau jusqu’à la ceinture [elle] disa[it] qu’elle vouloit mourir ». Devant cette situation pénible, on confie ses enfants à Pierre Sirois, son gendre et voisin. Le 4 mars 1782, Louis Saindon devient officiellement curateur et tuteur des enfants. À cette époque, la mère de Marie-Esther demeure tantôt chez un parent, tantôt chez un autre. Elle se rend ensuite à pied à Québec et erre dans plusieurs paroisses des environs. Vers la fin de 1782, elle est reçue à l’Hôpital Général de Québec où elle recouvre peu à peu la santé. En août de l’année suivante, on la nomme tutrice de ses enfants mineurs.

C’est donc dans un contexte difficile que grandit Marie-Esther. Le 16 janvier 1784, on l’admet comme pensionnaire à l’Hôpital Général. Le gouvernement, en reconnaissance des services qu’a rendus son père, lui accorde, du moins jusqu’en 1787, une rente annuelle d’un peu plus de 400ll. Le 10 février 1784, sa mère est réadmise à l’Hôpital Général, où elle meurt le 21 septembre de l’année suivante. Marie-Esther devient religieuse de chœur le 1er avril 1787 et prend le nom de Saint-Joseph. Puisqu’elle ne dispose d’aucune ressource, c’est Mgr Jean-Olivier Briand* qui verse les deux tiers de sa dot de 3 000ll et une personne charitable donne le reste. Elle prononce ses vœux perpétuels le 25 septembre 1788.

Marie-Esther de Saint-Joseph remplit d’abord la fonction de pharmacienne puis celle de dépositaire (économe). Sa tâche n’est pas facile, puisqu’à la fin du xviiie siècle les finances de l’Hôpital Général, déjà précaires à la suite de la Conquête, subissent les contrecoups de la Révolution française. En 1791, les intérêts qui provenaient des rentes que les religieuses avaient en France, et qui leur avaient été léguées par leur fondateur, Mgr de Saint-Vallier [La Croix*], cessent de parvenir à la communauté. L’hôpital s’appauvrit et il s’ensuit une baisse dans le nombre d’entrées en religion qui passe de 11 entre 1780 et 1789 à 3 seulement dans la décennie suivante. Les religieuses se voient même contraintes de faire une grande partie des travaux des champs.

Toutefois, bien secondée par les libéralités et les conseils d’une bienfaitrice, Marie-Esther de Saint-Joseph contribue, par sa bonne gestion, à sortir l’Hôpital Général de son état de pauvreté. Le 6 mai 1809, en reconnaissance du travail accompli, on l’élit supérieure. Cependant, les règles prévoient qu’une même religieuse ne peut occuper ce poste pendant plus de deux triennats consécutifs. Elle redevient donc supérieure, à chaque fois pour six ans, en 1819 et en 1831. Entre-temps, elle reprend sa charge de dépositaire. À partir de 1837, et jusqu’à sa mort, elle occupe le poste d’assistante de la supérieure.

Sous la gouverne de Marie-Esther de Saint-Joseph, le nombre d’entrées en religion à l’Hôpital Général atteint bientôt de nouveaux sommets avec 33 admissions entre 1820 et 1839. Les finances s’améliorent. L’aide gouvernementale s’accroît ; la charge de travail aussi. En plus de tenir un pensionnat pour l’éducation des filles, les hospitalières offrent le refuge à plusieurs personnes invalides, infirmes ou âgées. En 1818, le Conseil législatif met sur pied un comité spécial chargé de s’enquérir de la situation des établissements de santé et d’assistance au Bas-Canada. En 1824, ce comité conclut que l’Hôpital Général est bien administré. Il note l’existence de deux grandes salles, l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes, qui peuvent accueillir chacune 18 à 20 malades. Le rapport signale aussi la présence de 16 « lunatiques enfermés ». À la fin de la vie de Marie-Esther de Saint-Joseph, les religieuses récupèrent une partie des rentes placées en France et les utilisent pour réparer leurs bâtiments.

Bien que la santé de Marie-Esther de Saint-Joseph se soit détériorée avec les années, elle demeure active jusqu’à sa mort survenue le 1er septembre 1839 à la suite d’une attaque d’apoplexie. Elle laisse le souvenir d’une personne douce, charitable et simple. Pendant plus de 50 ans, elle s’est dévouée à sa communauté et, grâce à ses talents, à sa persévérance et à sa prudence, elle a grandement contribué à redresser les finances de l’Hôpital Général au début du xixe siècle.

Juliette Cloutier et Renald Lessard

ANQ-Q, CC1, 14 août 1783, 12 oct. 1785 ; CN3-11, 15 mars 1782 ; T11-1/2490.— Arch. de l’Hôpital Général de Québec, Actes capitulaires (1739–1823), 75, 151–153, 424, 427, 700 ; Annales du monastère (1793–1843), 291–297 ; Délibérations du chapitre, 148 ; Reg. des élèves admises au pensionnat, nos 271, 273 ; Reg. des entrées des religieuses ; Reg. des pauvres invalides, no 52 ; Reg. des pensionnaires, 144 ; Vêtures des novices et élections (1812–1861), 1–32.— BL, Add. mss 21879 (mfm aux APC).— B.-C., Conseil législatif, Journaux, 1824, app. I.— [Helena O’Reilly, dite de Saint-Félix], Monseigneur de Saint-Vallier et l’Hôpital Général de Québec : histoire du monastère de Notre-Dame des Anges [...] (Québec, 1882)

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Juliette Cloutier et Renald Lessard, « CHALOUX, MARIE-ESTHER, dite de Saint Joseph », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chaloux_marie_esther_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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