CERRÉ (Séré, Serré), JEAN-GABRIEL, marchand, né le 12 août 1734 à Montréal, fils de Joseph Serré et de Marie-Madeleine Picard ; le 24 janvier 1764, il épousa à Kaskaskia (Illinois) Catherine Giard, fille d’Antoine Giard*, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 4 avril 1805 à St Louis (Missouri).
Au milieu des années 1750, Jean-Gabriel Cerré était marchand dans le pays des Illinois. Il s’établit à Kaskaskia, tout en conservant, apparemment, des liens personnels et commerciaux étroits avec sa ville natale. Sa fille aînée épousa le notaire montréalais Pierre-Louis Panet, et Cerré se rendit périodiquement à Montréal au cours de sa carrière. Il expédia, de cette ville, des marchandises aux Illinois en 1767, 1775 et 1777 ; comme ces deux régions étaient étroitement liées sur le plan économique, il fit probablement de même en d’autres années. Il fournissait les marchandises habituelles de traite : fusils et munitions, étoffe, tabac et objets de métal. À ce qu’il semble, il n’était pas simplement propriétaire d’un magasin ; par exemple, il passa l’hiver de 1776–1777 à faire la traite chez les Mascoutens et les Kicapous.
Cerré devint un des principaux marchands et membres de la communauté du pays des Illinois à une époque troublée de son histoire. Sa conduite sous les nombreux régimes qu’il connut suggère qu’il croyait fortement à l’importance d’obéir à l’autorité constituée. De 1764 à 1778, années pendant lesquelles la région était sous la gouverne des Britanniques, il semble s’être comporté correctement. Alors même que le pouvoir britannique se trouva ébranlé par des agents américains, en 1777 et 1778, il soutint l’autorité de l’administrateur, Philippe-François Rastel de Rocheblave. On a prétendu que Cerré fut encouragé dans sa loyauté par la menace que représentaient, pour ses affaires, les concurrents américains qui envahissaient les Illinois. Quoi qu’il en soit, après que George Rogers Clark se fut emparé de la région au nom de la Virginie, à l’été de 1778, Cerré reconnut le fait accompli et jura d’être un « bon Sujet Soumis ». Sous promesse d’être remboursé, il utilisa son crédit pour acheter des vivres destinés aux hommes de Clark et loua aussi sa forge aux Américains.
La Virginie établit un gouvernement civil, dans les territoires conquis, en décembre 1778 ; au mois de mai suivant, Cerré se fit élire juge de paix de Kaskaskia et du district. Aux termes de leur commission, Cerré et les autres juges de paix pouvaient également siéger comme juges dans une cour de comté, tant en matière civile que criminelle. La loi qu’ils avaient à interpréter était fondamentalement française, avec quelques éléments provenant de la jurisprudence de la Virginie. Cerré n’était pas expert en droit ; en parlant de la description qu’il fit plus tard au Congrès américain du système judiciaire en vigueur sous les régimes français et britannique, l’historien Clarence Walworth Alvord affirmait qu’il avait fait montre d’« une ignorance surprenante » de la question. Il paraît, cependant, avoir été un homme honnête, dont les opinions étaient respectées dans la communauté.
Les habitants français du pays des Illinois avaient espéré que la création de tribunaux les protégerait contre le laisser-aller qui prenait de l’ampleur sous l’occupation de la région par les pionniers américains. Dès que les juges de paix reçurent leurs commissions, ils présentèrent une pétition dans laquelle ils se plaignaient des déprédations dont les troupes s’étaient rendues responsables, de l’accaparement des terres par les spéculateurs et de la vente libre des boissons alcooliques aux Indiens et aux esclaves noirs. Le gouvernement fut toutefois incapable de rétablir l’ordre, et les habitants devinrent moins enclins à consentir des sacrifices pour l’appuyer. À l’automne de 1779, les Américains recouraient à la force pour se procurer des vivres. Il en résulta une émigration, en particulier des résidents les plus prospères, vers le territoire espagnol, au delà du Mississippi. Durant les années 1770, Cerré avait acquis des biens considérables sur la rive ouest, autour de Saint-Louis (St Louis) et de Sainte-Geneviève (Missouri) ; à la fin de 1779 ou au début de 1780, il alla habiter Saint-Louis.
Sous le gouvernement espagnol, les affaires de Jean-Gabriel Cerré prospérèrent ; il devint bientôt l’homme le plus riche des environs. Sa fille Marie-Thérèse épousa Auguste Chouteau en 1786, et ce mariage rapprocha les deux principales familles commerçantes de la région. Son fils Paschal travailla plus tard pour les Américains comme secrétaire et interprète des commissions chargées des traités avec les Indiens. Cerré obtint plusieurs concessions de terre des autorités espagnoles. Il avait une maison de ville, une propriété rurale et une ferme spécialisée dans l’élevage ; en 1791, il possédait 43 esclaves – beaucoup plus que quiconque à Saint-Louis. Une concession de 1800 le mentionne comme « l’un des plus anciens habitants de ce pays, recommandable par sa conduite et son mérite personnel bien connus ». Les changements, auxquels il s’était habitué, n’étaient pas finis, cependant : au cours des quelques années qui suivirent, la Louisiane espagnole fut cédée à la France, puis achetée par les États-Unis. Et c’est ainsi qu’au moment de sa mort, en 1805, Jean-Gabriel Cerré avait connu pas moins de six régimes politiques différents. En dépit de ces bouleversements, il était devenu l’un des marchands les plus prospères de la vallée du Mississippi.
Mo. Hist. Soc. (St Louis), J.-G. Cerré papers ; voir aussi les références aux manuscrits de Cerré dans les Billon, Chouteau, Papin, and Soulard colis. et dans les arch. de St Louis.— Wis., State Hist. Soc., Draper mss, ser. J, J.-G. Cerré letters.— Cahokia records, 1778–1790, C. W. Alvord, édit. (Springfield, Ill., 1907).— [J.-G. Cerré], « Cerré to George Rogers Clark », American Hist. Rev. (New York et Londres), 8 (1902–1903) : 498–500.— George Rogers Clark papers [...] [1771–1784], J. A. James, édit. (2 vol., Springfield, 1912–1926).— John Askin papers (Quaife), 1 : 105–107.— Kaskaskia records, 1778–1790, C. W. Alvord, édit. (Springfield, 1909).— Mich. Pioneer Coll., 9 (1886) ; 10 (1886) ; 19 (1891) : 472s.— Old Cahokia : a narrative and documents illustrating the first century of its history, J. F. McDermott et al., édit. (St Louis, 1949), 113.— The Spanish régime in Missouri [...], Louis Houck, édit. (2 vol., Chicago, 1909 ; réimpr., 2 vol. en 1, [New York], 1971), 2 : 374.— Wis., State Hist. Soc., Coll., 18 (1908).— DAB.— Massicotte, « Répertoire des engagements pour l’Ouest », ANQ Rapport, 1932–1933 : 289, 303s.— Tanguay, Dictionnaire, 7.— Benoît Brouillette, La pénétration du continent américain par les Canadiens français, 1763–1846 [...] (Montréal, 1939).— [W. B. Douglas], « Jean Gabriel Cerré : a sketch », Mo. Hist. Soc., Coll. (St Louis), 2 (1900–1906), no 2 : 58–76 ; réimpr., dans Ill. State Hist. Soc., Trans. (Springfield), 1903 : 275–288.
Donald Chaput, « CERRÉ (Séré, Serré), JEAN-GABRIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cerre_jean_gabriel_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
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