CARROLL, JOHN SALTKILL (il n’utilisa jamais son second prénom), ministre méthodiste et auteur, né le 8 août 1809 dans une cabane de pêcheur sur l’île de Saltkill, dans la baie de Passamaquoddy, Nouveau-Brunswick, l’un des fils jumeaux de Joseph Carroll et de Molly Rideout ; en 1833, il épousa Beulah Adams, de Perth, Haut-Canada, et ils eurent un fils ; décédé le 13 décembre 1884 à Leslieville (maintenant partie de Toronto).

Le père de John Carroll, un sellier originaire du comté de Down (Irlande du Nord), fit naufrage sur la côte du Nouveau-Brunswick, après avoir servi dans l’armée britannique lors de la Révolution américaine, et il résida dans cette province pendant quelques années. John naquit au moment où sa famille déménageait au Haut-Canada et il passa ses premières années dans la presqu’île du Niagara et le long de la rivière Grand. Son père reprit du service au cours de la guerre de 1812 et, en 1814, la famille s’établit à York (Toronto) où la mère de John tint une pension de famille. Après plusieurs interruptions, les études de Carroll se terminèrent pour ainsi dire à l’hiver de 1817–1818, à la fermeture de l’école d’York, dont le premier directeur fut William Barber. En 1822–1823, il passa une année malheureuse dans la ferme non encore défrichée d’un de ses frères, au nord-ouest d’York ; à son retour à la ville, il entra en apprentissage dans la tannerie de Jesse Ketchum*.

La religion semble avoir été peu pratiquée au foyer de Carroll, pendant son enfance ; cependant, le revivalisme New Light de Henry Alline* au Nouveau-Brunswick avait fait une forte impression sur plusieurs membres de la famille. La mère de Carroll souffrit pendant quelques années de mélancolie religieuse et un frère aîné connut une impressionnante conversion vers la fin de sa courte existence. John fut inscrit à la première école du dimanche méthodiste d’York, dès l’ouverture de cet établissement en 1818 ; il se convertit, sous l’influence de la prédication méthodiste, le 24 août 1823, et, quelques semaines plus tard, il acquit la « conviction que Dieu avait purifié le tréfonds de [son] e ». En 1827, après avoir enseigné pendant une brève période dans le village de Scarborough, il fut pris à l’essai comme prédicateur et, en 1833, il reçut l’ordination de la Conférence wesleyenne canadienne, qui venait tout juste de voir le jour à la suite de l’affiliation des méthodistes du Canada à ceux de Grande-Bretagne.

À l’exception des années 1839–1840, où, à cause de son mauvais état de santé, il fut désigné comme tutor (directeur des études d’un groupe d’étudiants) à l’Upper Canada Academy de Cobourg, Carroll détint plusieurs pastorats dans le Haut comme dans le Bas-Canada jusqu’à sa retraite en 1870. Il vécut alors à Leslieville et, à la veille de sa mort, il se préoccupait encore activement de fonder des congrégations de banlieue dans la région de Toronto. En 27 ans, il occupa le poste de président de dix districts différents, et, en 1863, il fut élu codélégué ou vice-président de la Conférence annuelle de l’Église méthodiste wesleyenne, soit le plus haut poste de la hiérarchie méthodiste accessible à un Canadien. L’année suivante, il prit la parole devant la Conférence générale des méthodistes épiscopaux à Philadelphie, et, en 1876, l’University of South Carolina lui conféra un doctorat honorifique en théologie. Il semble qu’il sût avant tout gagner la confiance de ses confrères ministres plutôt que de se distinguer par des dons exceptionnels d’administrateur ou de chef. Essentiellement, Carroll fut un revivaliste efficace, tout à fait à l’aise dans une assemblée religieuse en plein air ou dans un nouveau « circuit » ; au cours de ses dernières années, il devint le symbole d’une ère de méthodisme « heureux », laquelle tirait rapidement à sa fin dans des centres comme Toronto où il y avait des congrégations établies.

Lors des controverses qui secouèrent fréquemment le mouvement méthodiste du Haut-Canada, Carroll se montra toujours solidaire du principal corps wesleyen de la Conférence canadienne, ainsi que ce fut le cas dans les disputes tant avec les disciples de Henry Ryan*, à la fin des années 1820, qui s’opposaient à tout lien avec le méthodisme américain, que, plus tard, avec les méthodistes épiscopaux qui désapprouvaient l’union de 1833 avec la Conférence wesleyenne britannique. À partir de 1845, néanmoins, il travailla continuellement à l’union de toutes les branches du méthodisme canadien, et, à une occasion, il publia un plan de sa propre conception qui offrait des concessions aux groupes minoritaires. Son ouvrage, Reasons for Wesleyan belief and practice, relative to water baptism [...] (1862), qui expose la pensée des méthodistes wesleyens sur le baptême, fut approuvé par les dirigeants de tous les groupes méthodistes du Canada.

Mais si on se souvient de Carroll, ce n’est pas comme prêcheur ou controversiste, mais surtout comme chroniqueur des débuts du méthodisme et de la vie des pionniers dans le Haut-Canada. Il commença, en 1837, à envoyer des chroniques historiques au Christian Guardian, et, de 1867 à 1877, il publia Case and his cotemporaries [...], une laborieuse compilation en cinq volumes de faits sur les débuts du méthodisme canadien ; cet ouvrage est non seulement indispensable à l’historien, mais il présente aussi de l’intérêt pour le lecteur non spécialisé par les anecdotes sur les prêcheurs itinérants qu’on y retrouve un peu partout. L’admiration de Carroll pour le personnage de William Case*, qu’il considère comme une sorte de héros, transparaît dans le titre. The stripling preacher [...] (1852) et « Father Corson » [] (1879) contiennent de pieux souvenirs. Parmi les œuvres de Carroll offrant un plus grand intérêt au point de vue littéraire, on peut énumérer : My boy life [...] (1882), série de croquis de son enfance et de sa jeunesse à York, qui pour la plupart avaient d’abord paru par tranches dans Pleasant Hours, un journal de l’école du dimanche ; Past and present [...] (1860), série de portraits de personnalités méthodistes éminentes, réimpression de textes publiés dans le Canadian Methodist Magazine ; et The school of the prophets [...] (1876), évocation franche des personnalités méthodistes de la région de Perth, à l’époque de son pastorat à cet endroit, au début des années 1830 ; c’est l’ouvrage dans lequel son talent pour la description humoristique est le moins contraint par des préoccupations relatives à la respectabilité de sa confession religieuse.

Les clichés et l’affectation caractéristiques de l’auteur autodidacte abondent dans l’œuvre de Carroll. Il lui arrivait d’être ennuyeux ou plus sérieux qu’il ne fallait, mais, lorsqu’il était en forme, il savait détruire les pieux dadas et dégonfler l’emphase. À part lui, peu d’écrivains ont décrit de l’intérieur le méthodisme canadien du xixe siècle, et aucun ne l’a fait avec un esprit aussi irrévérencieux, mais tout de même très sympathique.

John Webster Grant

John Saltkill Carroll est l’auteur de The besiegers’ prayer ; or, a Christian nations appeal to the God of battles, for success in the righteous war : a sermon [...] preached in St. Johns Canada East, on the occasion of the « General Fast », April the 18th, A.D. 1855 (Toronto, 1855) ; Case and his cotemporaries ; The « exposition » expounded, defended, and supplemented (Toronto, 1881) ; « Father Corson » ; or, the old style Canadian itinerant : embracing the life and gospel labours of the Rev. Robert Corson [...] (Toronto, 1879) ; « Ministerial experience thirty years ago », Wesleyan Repository, and Literary Record (Toronto), 1 (1860–1861) : 9–13, 46–50 ; My boy life, presented in a succession of true stories (Toronto, 1882) ; A needed exposition ; or, the claims and allegations of the Canada Episcopals calmly considered, by one of the alleged « seceders » (Toronto, 1877) ; Past and present, or a description of persons and events connected with Canadian Methodism for the last forty years [...] (Toronto, 1860) ; Reasons for Wesleyan belief and practice, relative to water baptism [...] (Peterborough, Ontario, 1862) ; The school of the prophets ; or, Father McRorey’s class, and « Squire Firstman »s kitchen fire, a fiction founded on facts (Toronto, [1876]) ; The stripling preacher, or a sketch of the life and character, with the theological remains of the Rev. Alexander S. Byrne (Toronto, 1852) ; Thoughts and conclusions of a man of years concerning churches and church correction (Toronto, [1879]). John Webster Grant édita Salvation ! O the joyful sound : the selected writings of John Carroll (Toronto, 1967).

APNB, Genealogical reference files, « Nicholas and Sarah Oliver Rideout family, Maugerville, N.B. » (copie dactylographiée).— UCA, Matthew Richey papers, 1841–1854, John Carroll à Matthew Richey, 3 juill. 1848.— Methodist Church (Canada, Newfoundland, Bermuda), Toronto Conference, Minutes (Toronto), 1885 : 14s.— Canada Christian Advocate (Hamilton, Ontario), 13, 27 mars, 22 mai, 12 juin 1872.— Christian Guardian, 10, 17 déc. 1845, 2 févr. 1848, 2, 9 juill. 1862, 5 août 1863, 25 mai 1864, 11 oct. 1865, 5 janv. 1877, 17 déc. 1884, 4 févr. 1885, 31 déc. 1902.— Cornish, Cyclopædia of Methodism, I : 39, 75, 750 ; II : 74.— [W. H. Withrow], « Memories of the late Rev. Dr. Carroll », Canadian Methodist Magazine, 24 (juill.–déc. 1886) : 550–553.

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John Webster Grant, « CARROLL, JOHN SALTKILL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/carroll_john_saltkill_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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