CAMPBELL, COLIN H., avocat, homme d’affaires et homme politique, né le 25 décembre 1859 à Wellington Square (Burlington, Ontario), fils de John Hook Campbell et de Jane Kennedy ; le 16 juillet 1884, il épousa Minnie Julia Beatrice Buck, de Palermo, Ontario, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 24 octobre 1914 à Winnipeg.

Colin Campbell grandit à Burlington dans une famille bien établie qui affichait ses origines irlando-écossaises et ses convictions presbytériennes. Après avoir fait ses études primaires dans des écoles publiques locales, il travailla dans des localités avoisinantes, Aberfoyle et Palermo, à titre d’instructeur télégraphiste pour la Compagnie du grand télégraphe du nord-ouest du Canada. L’expérience fut brève mais satisfaisante. En 1875, il entra à l’Oakville High School, où il termina rapidement ses études classiques avec distinction.

Campbell commença à étudier le droit à l’Osgoode Hall, à Toronto, en 1876. Jusqu’à cette date, il signait peut-être Colin C. Campbell, mais en entrant à l’école de droit, il adopta plutôt l’initiale H pour se distinguer d’un autre Colin Campbell. Il fit son stage à Toronto, d’abord au cabinet de George Taylor Denison*, puis chez Hoskin and Ogden. Dès 1879, il répondait à toutes les exigences pour être admis au barreau, mais il dut attendre l’année suivante à cause de son âge. Alfred Hoskin le recommanda à un avocat de Port Perry, John Billings, en le décrivant comme « un brillant jeune homme ». Campbell s’associa à Billings et exerça à Port Perry jusqu’en janvier 1882.

Campbell avait entendu parler des perspectives extraordinaires qu’offrait l’Ouest canadien. Un jeune collègue influent, James Albert Manning Aikins*, déjà installé à Winnipeg, lui proposa un poste administratif dans son cabinet alors en pleine expansion, Aikins, Culver, and Hamilton. Campbell expliqua à sa bien-aimée que rester en Ontario aurait pour seul résultat d’allonger indûment le temps nécessaire « pour connaître cet avancement qu’ambitionnent les jeunes gens ambitieux ». Il arriva à Winnipeg au début de 1882.

Dès la fin de l’été, Campbell trouvait à redire contre l’associé principal du cabinet, Aikins. Il resta donc seulement jusqu’à la confirmation de son admission au Barreau du Manitoba, puis ouvrit son propre cabinet en choisissant à la hâte un associé, Herbert Bolster, dont il ne tarda pas à constater l’incompétence. L’année suivante, après avoir négocié secrètement la formation d’une plus grosse firme avec deux associés plus intéressants, Francis Beverley Robertson et Horace E. Crawford, il s’arrangea pour évincer Bolster. Sa rudesse illustre les méthodes perçues comme essentielles à la réussite dans un milieu déjà encombré d’avocats : mousser sa réputation sur le marché, coordonner les talents pour servir une clientèle variée, scruter les relations sociales de chacun des associés, car c’était en partie grâce à ces relations que l’on se voyait confier des affaires.

Campbell était arrivé à Winnipeg en plein boom immobilier. Bien que, selon lui, une bonne part de la spéculation dont il était témoin ait formé « une immense escroquerie », ses scrupules ne tardèrent pas à disparaître. Devenu spécialiste en droit immobilier, il participait directement à des transactions foncières, dont l’achat de certificats de concession de terres aux Métis, et servait de conseiller financier et de courtier à des acheteurs et vendeurs. Dès 1883, à la suite du boom, il fut très occupé à passer au crible des transactions malheureuses, dont certaines des siennes.

Avec le temps, le cabinet de Campbell devint l’un des plus réputés de la ville. Pour diversifier son portefeuille, Campbell se fit choisir comme représentant par des sociétés d’hypothèques et d’assurances sises à Montréal et à Hamilton, en Ontario. Bientôt, il fut en position d’offrir des renseignements sur les investissements locaux et de mettre en rapport les capitalistes du centre du pays et les milieux d’affaires de l’Ouest offrant de bonnes occasions de placement. En tant que conseiller financier, il était prudent, surtout avec ses propres investissements. En 1888, avec des fonds à lui, il ouvrit une petite banque privée à Boissevain avec Crawford. Tous deux versèrent 3 000 $ pour constituer le capital de la banque, appelée Cowan and Company et placée sous une administration distincte de celle de leur cabinet. Les diverses stratégies de Campbell réussirent si bien que, dès les années 1890, il put confier à Crawford la plupart des litiges et la supervision des jeunes avocats du cabinet. De son côté, il faisait un travail de plus en plus intensif de relations publiques ; son année au conseil de la Société légale de Manitoba, en 1889, s’inscrivait dans ce cadre.

À ses débuts, Campbell appartenait à un groupe de jeunes avocats célibataires qui vivaient en commun et partageaient des loisirs. Toutefois, il savait que, pour rehausser son statut parmi les gens plus âgés de sa profession, mieux valait se marier. Il envoyait régulièrement à sa fiancée, Minnie Julia Béatrice Buck, de longues lettres franches et détaillées. Dès qu’il fut en mesure de lui offrir une belle maison avec des domestiques, il l’épousa. Par la suite, il noterait à quel point elle l’avait aidé à gagner les bonnes grâces de la famille du premier ministre provincial John Norquay*.

Campbell choisissait ses relations et ses activités privées avec soin et sens pratique, ce qui reflétait en partie son éducation presbytérienne. Membre de la paroisse St Andrew, il enseignait à l’école du dimanche ; il fut conseiller presbytéral puis membre du conseil d’administration de la paroisse. Il entra au conseil d’administration du collège de Manitoba en 1891 et en fut président de 1895 à 1907. Il s’intéressa à la Young Mens Christian Association de Winnipeg, d’abord en tant qu’administrateur puis président durant cinq ans au début de la décennie 1890. Par l’entremise de coreligionnaires, il fit la connaissance d’Isaac Pitblado*, qu’il recruta en 1903 après la mort subite de Crawford. Restructuré par la suite, le cabinet, connu sous le nom de Campbell, Pitblado, Hoskin, and Grundy, allait devenir l’un des plus gros de la ville.

À son arrivée au Manitoba, Campbell était conservateur et soutenait la Politique nationale de sir John Alexander Macdonald*, mais il ne tarda pas à insister sur la nécessité de faire abstraction des partis pour obtenir le redressement des griefs de la province contre le monopole de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, l’administration fédérale des terres et les restrictions tarifaires sur la machinerie agricole. Il appartint au conseil municipal de Winnipeg durant un mandat et se présenta en 1893 dans une élection partielle en vue d’obtenir le siège de Winnipeg aux Communes, mais il fut battu. Ce n’était probablement pas une coïncidence si, la même année, on le fit conseiller de la reine.

Campbell se porta candidat aux élections générales provinciales de décembre 1899. Il faisait partie des troupes conservatrices de Hugh John Macdonald*, qui remportèrent la victoire sur le gouvernement libéral de Thomas Greenway*. Après avoir récolté une forte majorité dans la circonscription rurale de Morris, il se hissa rapidement aux premiers rangs du caucus provincial. D’abord ministre sans portefeuille de janvier au début d’octobre 1900, il fut nommé, le 9 de ce mois, procureur général. Le 27 octobre, il remporta aisément l’élection partielle requise pour que sa nomination soit confirmée. Deux jours plus tard, après que Macdonald eut démissionné pour se présenter sur la scène fédérale, Campbell reprit la fonction de procureur général dans le nouveau gouvernement de Rodmond Palen Roblin*.

Réfractaire à l’idée d’appliquer la loi de tempérance adoptée sous le gouvernement Macdonald en 1900, Roblin exprima immédiatement des doutes quant à sa constitutionnalité. En tant que procureur général, Campbell dirigea l’équipe d’avocats qu’il fallut réunir pour mettre à l’épreuve la validité de cette loi. Après que la Cour provinciale du banc de la reine eut conclu que la loi excédait la compétence provinciale, la cause fut portée devant le comité judiciaire du Conseil privé. En 1901, Campbell se rendit seul en Angleterre ; son comportement là-bas laissa supposer que la victoire le laissait complètement indifférent. Même si la province finit par avoir gain de cause, bien des partisans de la tempérance étaient convaincus que Campbell avait manœuvré habilement dans l’espoir d’éviter la controverse que provoquerait sûrement l’application de la loi coercitive. Ensuite, Campbell aida le gouvernement à se dérober à son engagement en tenant un référendum sur le sujet le 2 avril 1902. Le non l’emporta, de sorte que le gouvernement n’eut pas à agir. Bien qu’il ait été personnellement attaché à la sobriété et à la tempérance, Campbell estimait que la loi désirée par certains éléments du mouvement était inapplicable. Il travailla plutôt à établir des règles moins strictes et plus réalistes.

De par sa compétence en droit, Campbell jouait un rôle essentiel dans le cabinet de Roblin. Il défendit les modalités de l’entente conclue avec le Canadian Northern Railway [V. sir William Mackenzie* ; sir Donald Mann*] en vue de contrôler le fret et de concurrencer le chemin de fer canadien du Pacifique. En 1905, à la veille de la création de nouvelles provinces dans les Territoires du Nord-Ouest, Campbell et Robert Rogers*, le ministre des Travaux publics, se rendirent à Ottawa pour plaider en faveur des propositions de leur gouvernement sur l’extension des frontières du Manitoba à l’ouest et au nord jusqu’à la baie d’Hudson. Campbell prit une part importante aux négociations fédérales-provinciales, qui s’achèveraient seulement en 1912 par le règlement du litige frontalier.

De concert avec des leaders provinciaux et municipaux, Campbell fit valoir la position de son gouvernement sur les services téléphoniques, à savoir qu’ils devraient appartenir aux municipalités et être exploités par elles, au lieu d’être des monopoles détenus par l’entreprise privée, et que le gouvernement devrait régir les lignes interurbaines. Il fut l’un des organisateurs du référendum où la population approuva la création de tels services municipaux. Finalement, il conclut une entente avec le président de la Compagnie canadienne de téléphone Bell, Charles Fleetford Sise, et le gouvernement provincial acquit l’actif de la compagnie au Manitoba le 15 janvier 1908.

D’abord grâce à Thomas Mayne Daly, magistrat de la Winnipeg City Police Court, Campbell prit conscience de l’insuffisance des lois et institutions judiciaires relatives aux jeunes délinquants. Il présenta un arrêté en conseil pour l’application de la loi fédérale de 1908 intitulée Loi des jeunes délinquants, créant ainsi le premier tribunal de la jeunesse au Canada, et recommanda que Daly en soit nommé juge. Entré en vigueur en 1909, cet arrêté prévoyait la création d’installations de détention et la tenue de procès spéciaux pour enfants à Winnipeg. Par la suite, Campbell y verrait sa réalisation la plus importante et la plus durable.

À mesure que la population non anglophone augmentait au Manitoba, les revendications en faveur de la scolarité obligatoire s’intensifiaient. En 1901, Campbell approuva cette idée, mais soutint qu’elle était financièrement irréalisable. En vue d’accroître le budget de l’éducation, il dirigea l’offensive de son gouvernement contre le contrôle exercé par Ottawa sur l’administration des terres réservées aux écoles. Toutefois, il parvint seulement à obtenir l’intérêt sur la vente des terres, que le gouvernement fédéral consentit à verser à la province en 1902. En tant que ministre responsable de l’éducation, il se faisait constamment presser de favoriser l’assimilation des enfants d’immigrants. Obliger toutes les écoles à arborer l’Union Jack pendant les heures de classe, sans quoi elles perdraient leurs subventions, lui parut un élément de solution, susceptible aussi de contrer l’usage répandu du drapeau américain et d’autres drapeaux. Dans l’ensemble, cette mesure, adoptée en 1907, fut bien accueillie, sauf dans certaines communautés à forte concentration d’immigrants.

Campbell suscitait parfois la critique à cause de son attitude farouchement partisane. Pendant la campagne électorale provinciale de juillet 1903, d’aucuns alléguèrent qu’un entrepreneur local avait été invité à verser 5 000 $ aux conservateurs en échange d’un contrat de drainage. Pour l’opinion publique, Campbell était l’un des instigateurs de l’affaire, bien qu’il ait nié y avoir été mêlé et qu’aucune preuve concluante n’ait été produite. Campbell, semble-t-il, était un réaliste : il comprenait que son influence au cabinet et en tant que procureur général pouvait lui profiter directement, à lui ou à son parti. On prétendait qu’il disait aux magistrats d’accorder un traitement de faveur aux électeurs tories et qu’il avait hâté l’adoption d’une modification apportée à une loi dans l’espoir d’empêcher un procès contre un client de son cabinet d’avocats.

Cela dit, Campbell était utile à son parti surtout par les faveurs abondantes mais plus discrètes qu’il dispensait à des amis du régime et par son indéfectible attention aux détails de la répartition et de l’allégeance des électeurs. Au scrutin provincial de 1907, il eut seulement deux voix de majorité dans Morris ; un nouveau comptage confirma sa réélection. L’impopularité de la mesure sur l’Union Jack parmi ses électeurs mennonites avait failli lui coûter son siège, mais les conservateurs furent reportés au pouvoir sans grande difficulté. L’année suivante, Campbell s’opposa vigoureusement aux projets de modification de la Loi des élections fédérales qui visaient à contrer divers abus, dont ceux engendrés par le droit de regard des provinces sur les listes fédérales d’électeurs. Son parti craignait que les libéraux répètent le scandale Red Line [V. Hector Mansfield Howell], qui avait précédé les élections fédérales de 1904 ; bon nombre d’électeurs conservateurs, croyait-on, avaient été injustement privés de leur droit de vote. Réélu en juillet 1910, Campbell demeura procureur général jusqu’au remaniement ministériel d’octobre 1911 et passa alors aux Travaux publics.

Même pendant qu’il se trouvait sur la scène politique, Campbell restait à l’affût des bonnes affaires. En 1903, quand de nouvelles terres pour les exploitations rurales s’ouvrirent dans les Territoires du Nord-Ouest, Campbell, en tant que président de l’Ontario and Manitoba Western Land Company, écrivit à un agent du Bureau des terres de la Puissance polir demander que la localisation des certificats de concession aux Métis dans les cantons où sa compagnie possédait des terres se fasse de telle manière que la compagnie aie « le temps de rejoindre le Métis » dont la terre serait ensuite, présume-t-on, acquise. En 1912, après sa démission du cabinet, il devint président de l’Equitable Trust Company of Winnipeg, mise sur pied cette année-là.

Éminent laïque presbytérien, Campbell fut membre d’un comité consultatif auprès du St Andrew’s College de Toronto en 1903. L’année suivante, il représenta son Église à un comité interconfessionnel de discussion sur les aspects juridiques de l’unification de plusieurs confessions protestantes. Lui-même et sa femme contribuaient généreusement aux missions presbytériennes. Campbell fut conseiller juridique du collège de Manitoba et du Queen’s College de Kingston, pour lequel il choisit judicieusement des investissements dans l’Ouest. Très proche des francs-maçons, il appartenait aussi à des clubs privés de Winnipeg, tels le Club de Manitoba et le St Charles Country Club, et à des clubs privés de Toronto, dont l’Albany Club et le Toronto Hunt Club, ce qui renforçait sa position sociale.

Campbell devint ministre des Travaux publics en 1911, l’année même où le gouvernement annonça son intention de construire de nouveau édifices du Parlement. D’après la description de Campbell, le projet consistait à bâtir des immeubles « d’une belle architecture et [à] énager agréablement les terrains adjacents ». Les contrats de construction donneraient lieu à des polémiques. Ministre d’expérience et de confiance, Campbell défendait souvent les actions du gouvernement dans des domaines extérieurs à ses attributions. Au début de 1912, il rejoignit le premier ministre Roblin à Ottawa pour mettre au point une entente sur l’extension de la frontière manitobaine et sur les arrangements financiers relatifs à ce changement. À cause de la croissance économique, de la complexité grandissante de l’activité gouvernementale, des revendications constantes de divers groupes en faveur de réformes législatives, le gouvernement faisait appel à l’habile législateur et rédacteur juridique qu’était Campbell, ce qui alourdissait beaucoup sa charge de travail. Conservateur sur les questions sociales, prudent et toujours pragmatique, Campbell était inestimable car il savait à la fois temporiser ou décider, selon la situation.

En 1912, Campbell s’efforçait depuis tant d’années de « se bâtir une réputation honorable » que sa santé s’en ressentait. Parti seul pour Kingston, en Jamaïque, dans l’espoir de prendre du mieux, il y fit une grave crise de paralysie qui força par la suite Roblin à lui demander de démissionner du cabinet. Pourtant, Roblin souhaitait encore que Campbell revienne sur la scène publique même si une guérison complète n’était pas possible. Sa correspondance révèle que Campbell était son lieutenant et que, à son avis, il était le seul membre du caucus à avoir « le courage ou les connaissances nécessaires pour justifier [son accession au] leadership » advenant que lui-même devrait quitter son poste. Après s’être fait traiter à New York et en Allemagne, Campbell passa l’hiver de 1913–1914 sous le soleil du Caire, puis rentra au Manitoba pendant l’été. Deux semaines après avoir tenté de reprendre le travail, il mourut à Winnipeg, à l’âge de 54 ans.

Après homologation de son testament, on évalua la succession de Colin H. Campbell à 138 000 $. Sa femme Minnie et son fils Colin, alors étudiant à l’Upper Canada College de Toronto, étaient donc à l’abri des soucis financiers.

Richard A. Willie

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Richard A. Willie, « CAMPBELL, COLIN H. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_colin_h_14F.html.

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Auteur de l'article:    Richard A. Willie
Titre de l'article:    CAMPBELL, COLIN H.
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    1 décembre 2024