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CAMERON, DAVID, premier juge en chef à la Cour suprême de la colonie de l’Île-de-Vancouver, né à l’automne de 1804, dans le Perthshire, en Écosse, décédé le 14 mai 1872 près de Victoria, C.-B.
David Cameron passa sa jeunesse à Perth, en Écosse, où, grâce à l’aide financière de parents, il put s’établir marchand de tissus en 1824. Cameron « faisait crédit trop facilement » et il fit faillite. En 1830, il partit pour Demerara où il devint surveillant dans une plantation de canne à sucre et, en 1838, il acheta une petite propriété au bord du fleuve Essequibo. Par la suite, il subit de grosses pertes qu’il attribua aux conséquences de l’émancipation des Noirs. Il dut abandonner sa propriété et, en 1851, il demanda devant les tribunaux quittance de ses engagements. Cameron dirigeait alors une plantation de canne à sucre qui « lui rapportait un bon revenu et tous les avantages en rapport avec sa situation », toutefois sa requête fut acceptée. Au cours de son séjour à Demerara, Cameron épousa Cecilia Eliza Douglas Cowan, sœur de James Douglas, qui de toute évidence avait été abandonnée par son premier mari. Il semble que Douglas ait servi d’intermédiaire dans l’offre que la Hudson’s Bay Company fit à Cameron pour un poste d’agent dans les mines de charbon de Nanaimo, dans l’île de Vancouver, offre que le gouverneur de la compagnie, Andrew Colvile, transmit par lettre à Cameron le 1er mars 1853. C’est surtout à cause de sa femme, dont la santé chancelante ne pouvait se rétablir que sous un climat tempéré, que Cameron accepta le poste moyennant un traitement de £150 par an, plus la pension. En compagnie de leur fille, Edith Rebecca, qui devait être alors âgée de dix ans, les Cameron arrivèrent à Victoria, à bord du Vancouver, en juillet 1853.
En septembre de la même année, le Conseil législatif de l’Île-de-Vancouver autorisa la création d’une Cour des plaids communs, dont la juridiction s’étendait aux causes civiles englobant les réclamations de £100 à £2 000. La détermination du Conseil législatif faisait suite aux plaintes du gouverneur Douglas selon lesquelles la cour de justice avait rendu jusqu’alors des jugements inadéquats. Le conseil nomma Cameron juge de cette nouvelle cour, avec un traitement annuel de £100, et le chargea d’en rédiger les règlements. Le 2 décembre 1853, le conseil établit dans la colonie une Cour suprême de justice civile qui devait s’occuper des réclamations de £50 et plus, avec le droit de se pourvoir en appel devant le gouverneur et devant le conseil. Cameron y fut nommé juge avec un traitement de £100, prélevé sur les droits imposés aux cabarets.
Les adversaires du « Family-Company-Compact » saisirent immédiatement l’occasion de la nomination de Cameron pour se plaindre de ce que les membres du conseil appartenaient, pour la plupart, à la Hudson’s Bay Company, que Cameron lui-même était un de ses employés, qu’il avait des liens de famille avec Douglas et que sa formation juridique laissait à désirer. À la tête de ces opposants se trouvaient Thomas Skinner* et Edward Edwards Langford*, deux des quatre juges nommés à la première cour de justice, et James Cooper, membre du Conseil législatif, qui au début avait appuyé Cameron, et le révérend Robert John Staines*, aumônier de la compagnie et instituteur à Victoria.
Le 5 décembre, le juge Cameron entendit la plainte déposée par Emanuel Douillet contre Staines. Muni d’un mandat de perquisition signé par Skinner, Staines avait pénétré dans la propriété de Douillet pour y prendre des porcs qui, selon lui, avaient été volés dans sa ferme de Metchosin, ou s’en étaient échappés. Finalement, le 2 février 1854, Staines fut disculpé et Douillet fut condamné à l’amende et alla en prison. Mais Staines resta convaincu que, en acceptant la plainte de Douillet, Cameron avait tenté « de condamner l’innocent et de soustraire le coupable à la justice ». Entre-temps, le 10 janvier, 90 colons avaient signé une pétition, envoyée à Douglas, protestant contre l’établissement de la Cour suprême et particulièrement contre la nomination de Cameron. Mais, le lendemain, 54 francs-tenanciers protestaient contre la pétition, insistant auprès de Douglas pour qu’il n’accède pas aux désirs de ceux qui, « ayant peu ou pas d’investissements dans l’île, [cherchent] à faire rescinder une législation importante conçue expressément pour protéger la propriété » et, ce faisant, mettent en danger la loi et l’ordre. Le 4 février, au cours d’une réunion publique présidée par Cooper, on recueillit $480 qui allaient permettre d’envoyer Staines en Angleterre. Les pétitions qu’il emporterait étaient adressées à la reine Victoria et au duc de Newcastle [Clinton] inistre des Colonies, et furent signées le 1er mars par James Cooper et par 69 autres personnes. Les requêtes demandaient à Sa Majesté d’ouvrir une enquête sérieuse sur l’établissement dé la cour et la nomination de Cameron. La pétition adressée au duc de Newcastle faisait état « des liens familiaux étroits et inconvenants existant entre le gouverneur [et Cameron] ». Elle parlait également du manque de formation juridique de Cameron, « de sa grossière partialité si notoire, de son caractère difficile, de sa méchanceté et de son manque de tenue ». Puis elle invoquait sa situation de commis de la compagnie à Nanaimo, ses efforts acharnés pour « entraver la justice [et] protéger les coquins ». Par cette dernière remarque, elle faisait allusion à la récente cause qui avait opposé Douillet à Staines. Staines mourut en route au cours d’un naufrage, mais on expédia les pétitions en Angleterre le 20 avril 1854.
En décembre, Douglas reçut une lettre de sir George Grey, le successeur de Newcastle, qui lui demandait un rapport sur l’affaire. Douglas défendit avec acharnement à la fois l’établissement de la cour et la nomination à titre temporaire de Cameron, et il conclut que « les griefs [des signataires de la pétition] étaient plus imaginaires que réels ». Les choses en restèrent là jusqu’au 4 avril 1856, date à laquelle la Cour suprême de justice civile de la colonie de l’Île-de-Vancouver fut établie par un arrêté en conseil. En outre le 25 avril, la nomination de Cameron comme juge en chef fut confirmée, mais sans juridiction dans les causes criminelles. Peu de temps après avoir reçu son mandat, Cameron démissionna de son poste dans la compagnie. Celle-ci, pensait avec raison que les fonctionnaires de la colonie devaient être payés par le gouvernement local, mais, comme ce dernier ne prit pas de mesures dans ce sens, Cameron continua de recevoir le même traitement qu’il avait en 1853, et cela jusqu’au 8 août 1860. À cette date, l’Assemblée lui octroya un traitement annuel de £800, qui devait être prélevé sur les revenus fonciers de la colonie.
Le 17 février 1857, le Conseil législatif adopta à l’unanimité les « Rules and Manner of Proceeding to be observed in the Supreme Court of Civil Justice of Vancouver’s Island », rédigées par Cameron. La Gazette de Victoria les publia en 1858 et ce fut le premier livre imprimé dans la colonie. Cameron faisait partie du groupe du gouverneur Douglas qui, au fort Langley le 19 novembre 1858, proclama l’établissement de la colonie de la Colombie-Britannique. Le 6 juillet 1859, Douglas nomma le juge en chef au Conseil législatif de la colonie de l’Île-de-Vancouver. Cameron en était le président lorsqu’il prit sa retraite.
Le groupe des réformistes n’avait pas cessé ses efforts pour embarrasser Cameron. En mai 1857, James Cooper, qui témoignait à Londres devant le comité parlementaire enquêtant sur la Hudson’s Bay Company, dit que Cameron n’était pas qualifié pour les fonctions qu’il occupait, car, « avant de pouvoir prendre une décision dans un procès, ajoutait Cooper, il doit consulter ses livres, même pour un cas des plus courants ». Les requêtes réclamant la révocation de Cameron affluèrent dès qu’Amor De Cosmos* commença la publication du British Colonist en décembre 1858. De Cosmos se délectait des altercations qui se produisaient au tribunal entre le procureur général et le juge en chef, et il se trouva particulièrement alarmé en juin 1861, lorsque Cameron déclara qu’à son avis certaines lois votées par l’Assemblée ne respectaient pas l’esprit de la loi. La législature chercha à forcer les autorités à révoquer Cameron en refusant de faire passer les projets de loi en troisième lecture. Une motion demandant d’enquêter au sujet des paroles de Cameron, qui semblaient menacer l’indépendance de l’Assemblée, fut cependant rejetée, mais à une faible majorité.
Appuyé par Douglas, Cameron résista à ces attaques, mais, au cours des années 1860, E. E. Langford devait lui causer des difficultés d’un autre genre. À la session d’ouverture de la première Assemblée législative de l’Île-de-Vancouver, le 12 août 1856, le gouverneur Douglas avait désigné Cameron pour recevoir le serment des membres. Langford, toutefois, après avoir prêté serment, protesta contre le cens électoral. Comme il ne put produire un certificat de quotité de propriété, on lui refusa de siéger à l’Assemblée. À la fin de 1859, il se représenta aux élections et, dans un discours qu’il fit à cette occasion, s’attaqua de façon irréfléchie au gouverneur, au conseil et particulièrement au juge en chef. En revanche, une parodie des plus piquantes du discours de Langford, écrite peut-être par le juge Matthew Baillie Begbie*, fut imprimée et distribuée à profusion le 1er janvier 1860. Son contenu discréditait à tel point Langford qu’il se retira de l’élection le 5 janvier et entreprit des poursuites en diffamation contre l’imprimeur et lui réclama des dommages-intérêts s’élevant à £2 000. La cause fut entendue les 16 et 17 avril par Cameron, qui rendit un non-lieu. Il accusa cependant Langford d’outrage au tribunal pour avoir refusé de répondre à des questions en rapport avec le procès, et le condamna à 24 heures de prison et à une amende de £10. Le lendemain, Cameron reçut de Langford une lettre de menaces qualifiant le procès « [d’]infâme et [d’]illégal ». Langford retourna en Angleterre en janvier 1861. En juin de la même année, il remit au duc de Newcastle une plainte dans laquelle il portait des accusations contre les dirigeants du gouvernement de l’Île-de-Vancouver et stigmatisait son procès comme ayant été « malhonnête, illégal et vexatoire ».
Aux mois de mai et de juin 1862, Langford écrivit à Newcastle au sujet des difficultés financières que Cameron avait connues autrefois. En outre, il reprochait à ce dernier d’être un homme d’origine obscure, sans formation juridique et d’être un « failli qui n’a pas réglé ses dettes ». À la demande de Newcastle, Douglas fit parvenir à ce dernier, en février 1863, les explications de ceux qui étaient liés à ces accusations, et il ajouta qu’en 1853 il avait choisi Cameron de préférence à Langford, le magistrat le plus ancien, parce que celui-ci « manquait singulièrement de jugement et de discrétion, avait un caractère difficile, et que ses connaissances générales et juridiques étaient bien inférieures à celles de M. Cameron ». Il répéta une affirmation faite antérieurement : au début la nomination de Cameron devait être temporaire, et il offrit de demander au juge en chef sa démission, si le ministre des Colonies le désirait. Newcastle accepta les propres explications de Cameron au sujet dé ses affaires personnelles, les trouvant, quant à lui, « très franches et satisfaisantes », mais il n’alla pas jusqu’à dire que Cameron devrait conserver ses fonctions. La plainte contre Cameron que Langford avait remise au gouvernement britannique n’alla pas plus loin ; aussi tenta-t-il ensuite de plaider sa cause auprès de la chambre des Communes. Celle-ci demanda au ministère des Colonies la correspondance en rapport avec la question, mais ne prit aucune mesure. Finalement, Langford vit ses efforts réduits à néant, sans pouvoir obtenir réparation pour ce qu’il considérait être des mesures arbitraires de la part du gouvernement et des hommes politiques.
Le groupe des réformistes de la colonie avait une fois de plus échoué dans ses tentatives d’éliminer Cameron, qui sortit de cette affaire sordide en ayant conservé sa dignité et son poste. Mais il était évident, à mesure que les causes des tribunaux devenaient plus complexes, qu’on avait besoin d’un juge possédant des qualités professionnelles. Le 4 février 1864, Amor De Cosmos présenta devant l’Assemblée une motion demandant au gouverneur d’accorder une pension à Cameron que l’on remplacerait comme juge en chef par un avocat qualifié venant d’Angleterre. La motion fut adoptée et la pension de Cameron portée à £500 par an. Le secrétaire colonial William Alexander George Young, époux de sa belle-fille, Cecilia Eliza Cowan, consulta à ce sujet Cameron, qui accepta la décision pour autant que les conditions proposées fassent l’objet d’une loi adoptée par le parlement. La loi fut promulguée en mars et, dès l’arrivée de son successeur, Joseph Needham, Cameron remit sa démission au gouverneur, Arthur Edward Kennedy*, le 11 octobre 1865.
Le 2 janvier 1867, on annonça que le gouverneur Frederick Seymour* avait nommé Cameron juge de paix, poste qu’il conserva jusqu’en janvier 1871. Il fut également membre du conseil de l’Instruction publique de l’Île-de-Vancouver, commissaire à la voirie dans les districts d’Esquimalt et de Sooke, et l’un des trois commissaires nommés pour faire appliquer les dispositions du « Tax Sale Repeal Ordinance, 1867, Amendment Act ». Pour la troisième fois de sa vie, Cameron eut à faire face à de graves difficultés financières et, le 20 janvier 1871, devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, il se déclara officiellement insolvable. Ses dettes se montaient à $22 055.08, et ses créanciers reçurent en paiement £150 prélevées sur sa pension de £500, ainsi que sa police d’assurance sur la vie et une grande partie des propriétés qu’il avait dans le district d’Esquimalt. En octobre 1871, Cameron fut l’un des huit candidats désignés pour représenter Esquimalt à l’Assemblée. Il se présentait, disait-il, pour aider à former un gouvernement responsable et pour promouvoir le remplacement des tarifs douaniers provinciaux par ceux en vigueur au Canada, remplacement qui, selon lui, ferait baisser le prix du blé et de la farine. Dans le groupe composé finalement de six candidats, il arriva troisième et perdit le deuxième siège du district, par seulement trois voix. De Cosmos, alors rédacteur du Victoria Daily Standard, ranima les anciennes animosités, dans un éditorial intitulé « The Living and the Dead Politicians ». Il y accusait Cameron d’être « de nouveau à vendre », de revivre grâce à ses anciens alliés, et de se présenter « pour [...] remplir ses poches, non pour servir le pays ».
Ce fut là la dernière manifestation de l’opinion publique contre Cameron, car il mourut dans sa demeure « Belmont », le 14 mai 1872, après une grave crise de goutte, maladie dont il souffrait depuis au moins un an. Le British Colonist, timidement et trop tard, fit l’éloge de Cameron, parlant de lui comme « [d’]un homme respecté par tous ceux qui le connaissaient – un homme qui n’avait pas d’ennemis et que l’on [pouvait] considérer comme l’un des créateurs de la prospérité de la province ».
PABC, British Columbia, Supreme Court, Orders in Bankruptcy, mars 1870–mai 1875, In the Supreme Court of British Columbia, in bankruptcy in the matter of David Cameron a bankrupt ; David Cameron papers ; Colonial correspondence, dossiers David Cameron.— Daily British Colonist (Victoria), 1er janv., 12 févr., 19 févr., 10 juin, 21 nov., 29 nov. 1859, 26 avril, 4 août 1860, 22 janv., 6 juin, 7 juin, 2 juill., 3 juill., 12 juill., 16 juill. 1861, 16 févr., 17 mars, 21 avril, 27 mai, 8 oct. 1864, 12 oct. 1865, 2 avril, 6 août 1866, 9 nov. 1868, 27 mai 1869,15 juin, 10 août, 13 oct., 19 oct., 28 oct. 1871, 15 mai 1872.— Miscellaneous papers relating to Vancouver Island, 1848–1863 [...] (Great Britain, Parliament, House of Commons paper, 1863, XXXVIII, 507, pp.487–540).— Minutes of the Council of Vancouver Island, commencing August 30th, 1851, and terminating [...] February 6th, 1861, E. O. S. Scholefield, édit. (Archives of British Columbia, Memoir no 2, Victoria, 1918).— W. K. Lamb, Some notes on the Douglas family, BCHQ, XVII (1953) : 415.— S. G. Pettit, The trials and tribulations of Edward Edwards Langford, BCHQ, XVII (1953) : 5–40.— G. H. Slater, Rev. Robert John Staines : pioneer priest, pedagogue, and political agitator, BCHQ, XIV (1950) : 187–240.
William R. Sampson, « CAMERON, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_david_10F.html.
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Auteur de l'article: | William R. Sampson |
Titre de l'article: | CAMERON, DAVID |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |