Titre original :  viHistory : How it Works

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CAMERON, AGNES DEANS, éducatrice, auteure, conférencière et voyageuse, née le 20 décembre 1863 à Victoria, fille de Duncan Cameron, mineur et entrepreneur, et de Jessie Anderson ; décédée célibataire dans cette ville le 13 mai 1912.

Dernière-née des enfants d’un couple aisé d’immigrants écossais, Agnes Deans Cameron semblait promise au même destin que bien des femmes de sa génération et de son milieu : le mariage et la maternité. Or, sa personnalité, son esprit et sa conception des choses l’amenèrent à emprunter des chemins moins fréquentés par les personnes de son sexe. En cours de route, elle acquit une grande renommée grâce à ses multiples talents.

Agnes Deans Cameron s’orienta d’abord vers le métier d’institutrice ; en 1880, ce choix n’était nullement surprenant de la part d’une jeune Canadienne. Cependant, elle se distingua par la position à laquelle elle parvint dans le système patriarcal d’enseignement public de la Colombie-Britannique et par son apport aux débats sur l’éducation dans l’Ouest canadien. À 16 ans, encore élève à la Victoria High School, elle réussit les examens provinciaux imposés aux candidats à l’enseignement et reçut un brevet qui l’habilitait à exercer dans n’importe quelle école publique de la province. En 1882, après un bref séjour dans un établissement privé pour filles à Victoria, l’Angela College, elle amorça sa carrière dans le réseau public en entrant à la petite école de Comox. Dès la nouvelle année, elle avait réussi à quitter cette morne situation pour un poste mieux payé et moins isolé à Granville (Vancouver). En septembre 1883, un an seulement après son départ de Victoria, elle y retourna pour assumer la fonction de troisième assistante à la Girls’ School. Profitant de sa présence dans la capitale, elle s’employa à se perfectionner, à se mettre en évidence et à raffermir sa position. Sa stratégie porta fruit : elle gravit les échelons à la Girls’ School, passa à la Boys’ School, puis fut engagée par un établissement plus prestigieux, la High School, où elle était la première femme à enseigner. En 1894, en accédant à la direction de la nouvelle South Park School, elle devint la première femme à occuper un poste administratif dans une école mixte de Victoria.

Si Mlle Cameron put franchir les obstacles dans sa profession, ce fut en grande partie à cause de sa renommée. Localement, tant auprès de ses collègues, des parents et des élèves que de l’ensemble de la collectivité, elle avait une excellente réputation d’institutrice. On la connaissait bien sur la scène provinciale : cofondatrice du British Columbia Teachers’ Institute, elle fut longtemps membre du conseil de direction de cet organisme et, aux assemblées annuelles, elle exposait ses opinions sur des sujets d’actualité, dont le droit des femmes de participer pleinement, et sur un pied d’égalité avec les hommes, à tous les aspects de la profession enseignante. À l’échelle nationale, elle contribua à la discussion en tant que présidente de la Dominion Educational Association en 1906.

Le British Columbia Teachers’ Institute et le Victoria Teachers’ Institute offraient à Agnes Deans Cameron un lieu d’échanges où elle put développer ses idées sur les objectifs et la nature de l’éducation. Elle s’exprima sur ces questions aussi bien par écrit que de vive voix ; en 1902, elle devint corédactrice d’un périodique manitobain, l’Educational Journal of Western Canada. Comme elle prônait un programme de formation générale qui donnerait aux élèves les capacités d’analyse nécessaires à l’exercice de leurs devoirs de citoyens, elle se trouva en conflit avec des groupes qui favorisaient l’instauration de cours pratiques – économie domestique, arts mécaniques et formation agricole – pour préparer les enfants au marché du travail. De même, elle ne voulait pas que des activités obligatoires de soutien à des bonnes causes telle la tempérance se tiennent dans les écoles ; selon elle, cet aspect de la formation relevait plutôt des familles et des Églises. Son opposition à un programme d’études appliquées était liée à sa croyance en la valeur de chaque individu. « Si vous êtes parent ou instituteur, disait-elle, n’essayez pas de faire entrer vos enfants dans un moule. L’individualité d’un enfant est l’étincelle divine qui se trouve en lui. Laissez-la briller. » D’après elle, l’école devait favoriser le développement de l’estime de soi et de l’originalité chez les enfants tout en leur faisant comprendre la nécessité d’agir en toutes circonstances de manière raisonnable.

Pour Agnes Deans Cameron, les mêmes principes devaient s’appliquer en dehors de l’école. Son appui à des causes comme le suffrage féminin, l’équité salariale et l’élimination de la discrimination fondée sur l’âge reposait sur les idées de « simple justice » et de méritocratie. À l’encontre des féministes qui insistaient sur la mission maternelle, elle ne croyait pas en la supériorité morale des femmes et recourait plutôt à l’argument de l’humanisme libéral. « Quiconque est doté de raison, soutenait-elle, a le droit de participer à la détermination des lois qui le gouverneront. Les femmes sont dotées de raison ; par conséquent, elles doivent voter. » Son engagement était lié à sa définition de la citoyenneté, qui exigeait de tous les adultes la reconnaissance d’un devoir de participer à la vie publique par le suffrage et par du travail bénévole. Elle appartint à toute une gamme d’organismes voués à la réforme sociale, dont l’Union chrétienne de tempérance des femmes, la Society for the Prevention of Cruelty to Animals, le Local Council of Women de Victoria et de l’île de Vancouver, la Dominion Women’s Enfranchisement Association et la Children’s Aid Society. Ses relations avec ces groupes pouvaient se gâter lorsque leurs décisions contredisaient ses principes ; ce fut le cas par exemple quand le Local Council of Women offrit d’équiper une classe d’enseignement ménager.

Agnes Deans Cameron encourageait ses élèves à « être authentiques et à défendre quelque chose » ; elle-même s’imposait ce précepte avec autant de rigueur. À trois reprises, elle fut mise en cause publiquement en raison de son travail d’éducatrice. La première fois, en 1890, on allégua qu’elle avait injustement puni un élève. Le différend se régla rapidement en sa faveur. Un deuxième incident, plus sérieux, survint en 1901. Mlle Cameron et Mary Williams, toutes deux directrices d’école à Victoria, furent suspendues pour insubordination. On les accusait d’avoir contrevenu à une nouvelle règle qui remplaçait les examens écrits par des épreuves orales. Mary Williams s’excusa immédiatement et fut réinstallée dans ses fonctions. Mlle Cameron, elle, demeura intraitable. Elle eut gain de cause grâce au soutien des citoyens de Victoria, mais certains administrateurs scolaires lui en gardèrent quelque rancune.

Dans le troisième cas, l’immense appui de ses concitoyens ne suffit pas à sauver Agnes Deans Cameron. Pendant l’été de 1905, elle-même et l’institutrice d’art de son école furent accusés d’avoir permis à leurs élèves de tricher aux examens d’entrée à l’école secondaire en les autorisant à utiliser des règles pour un exercice de dessin à main levée. Mlle Cameron nia qu’il y ait eu méfait et s’offusqua que l’on sous-entende que les enfants étaient d’une moralité douteuse. Son congédiement provoqua une telle levée de boucliers que le conseil scolaire réclama la formation d’une commission royale d’enquête. Entre-temps, en janvier 1906, Mlle Cameron profita de sa popularité pour briguer un siège aux élections scolaires. Elle remporta plus de votes que tout autre candidat, mais cette manœuvre ne lui permit pas d’échapper au désastre. La commission royale conclut qu’elle avait eu tort et, en avril, son brevet d’enseignement de première classe fut suspendu pour trois ans. Sa carrière d’éducatrice était terminée.

Agnes Deans Cameron avait plusieurs cordes à son arc ; elle résolut de subvenir à ses besoins en écrivant. Au cours de l’été, elle s’inscrivit au Canadian Women’s Press Club, petit groupe de femmes journalistes fondé en 1904 par Kit Coleman [Ferguson], Robertine Barry* et d’autres. Cette démarche lui donna accès aux relations dont elle avait besoin. Presque tout de suite, elle accepta de faire de la publicité pour la Western Canada Immigration Association à partir du siège social de cet organisme, à Chicago. Son mandat consistait à attirer des Américains et des Canadiens de l’Est dans l’Ouest canadien par le truchement de la presse à grand tirage. C’est dans ce contexte qu’elle conçut l’ambitieux projet de se rendre de Chicago à l’océan Arctique en passant par la « ceinture de blé » et la « ceinture de fourrure ». Le printemps et l’été de 1908 furent consacrés à ce voyage. En compagnie de sa nièce Jessie Cameron Brown et d’une succession de guides et de chefs d’expédition, Mlle Cameron, équipée notamment de sa machine à écrire et de son appareil photo Kodak, dont elle ne se séparait jamais, monta jusqu’au delta du Mackenzie. Les deux voyageuses – les premières femmes de race blanche à avoir atteint l’océan Arctique par voie de terre – revinrent enchantées de cette expédition de 10 000 milles. Pendant l’automne et l’hiver, tout en révisant le manuscrit de son récit de voyage, Agnes Deans Cameron entreprit une longue tournée de conférences dans le Centre-Ouest américain. Elle offrait à ses auditoires une série de quatre causeries illustrées par des plaques de lanterne magique réalisées principalement à partir de photos prises pendant son voyage légendaire. Les titres – « Le blé, magicien du Nord », « Du blé aux baleines », « Envoûtante [rivière de la] Paix » et « Vancouver, île de rêve » – étaient conçus pour présenter le Canada sous un jour séduisant. Les prestations de Mlle Cameron furent populaires également à Toronto, où les membres de l’élite locale se bousculèrent pour lui serrer la main. Toujours prête à s’offrir aux regards, elle écrivit de nombreux articles sur des moments forts de son voyage. Après la publication de son récit – The new north (1910), ouvrage informatif et plein d’esprit –, elle s’embarqua pour l’Angleterre où, durant deux ans, elle fut correspondante d’un journal et promut l’immigration au nom du gouvernement canadien. Pendant son séjour là-bas, l’Institute of Journalists l’admit à titre de membre.

Agnes Deans Cameron rentra à Victoria peu avant Noël 1911. Comme elle était célèbre, la presse parla beaucoup d’elle. Le conseil municipal, soucieux de ne pas rater une telle occasion de promouvoir la ville, avait voté la tenue d’une réception en son honneur. En outre, le bureau de direction de la section locale de la Political Equality League l’invita à monter sur la tribune à l’occasion de la visite de la célèbre suffragette anglaise Emmeline Pankhurst. Toutefois, Mlle Cameron n’eut guère le temps de profiter de sa popularité ni de l’exploiter. Le 13 mai 1912, quelques jours après avoir subi une appendicectomie, elle succomba à une pneumonie à l’âge de 48 ans. Peut-être cette femme – qui, dit-on, avait « un esprit aux proportions si gigantesques qu’il en était presque masculin » – s’éteignit-elle avec le sentiment de ne pas avoir achevé son œuvre.

Linda L. Hale

Le récit de voyage d’Agnes Deans Cameron, intitulé The new north : being some account of a woman’s journey through Canada to the Arctic, a été publié à New York en 1910 ; une édition révisée, [...] : an account of a woman’s 1908 journey [...], D. R. Richeson, édit., a paru à Saskatoon en 1986. Un deuxième livre, The outer trail (1910), est attribué à Agnes Deans Cameron dans Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912) et dans certaines autres sources, mais aucune preuve sérieuse n’atteste son existence. Il n’est pas répertorié dans les sources bibliographiques habituelles et l’on n’a trouvé aucun compte rendu à son sujet ; de plus, aucun document de relations publiques écrits par des contemporains d’Agnes Deans Cameron n’y font allusion.  [l. l. h.]

Parmi les articles de revue écrits par Agnes Deans Cameron, on trouve les suivants : « The idea of true citizenship – how shall we develop it ? » Educational Journal of Western Canada (Brandon, Manitoba), 1 (1899–1900) : [229]–235 ; « Parent and teacher », National Council of Women of Canada, Report (Ottawa), 1900 : 91–98 (analyse, 99s.) ; « Parent and teacher », Educational Journal of Western Canada, 2 (1900–1901) : 454–456 et [485]–487 ; « In the mother-land », Educational Journal of Western Canada, 3 (1901–1902) : [261] ; « To success – walk your own road » et « The old Broughton Street school », Educational Journal of Western Canada, 4 (1902–1903) : 10s. et 136–139 respectivement ; « The avatar of Jack Pemberton » et « Edmonton, the world’s greatest fur market », Pacific Monthly (Portland, Oreg.), mai 1903 : 305–310 et févr. 1907 : 205–215 respectivement ; « Beyond the Athabasca », Westward Ho ! (Vancouver), 5 (juill.–déc. 1909) : 743–750 ; et « The fate of four mounted police on the Great Divide », Graphic (Londres), 29 avril 1911 : 624.

Les photographies illustrant les activités d’Agnes Deans Cameron, dont son voyage dans l’Arctique, sont conservées dans deux collections : BCARS, Visual Records Unit, pdp 98107–98121, 98207–98208, et Univ. of Victoria Library, Arch. and Special Coll., 86-P-3.

AN, MG 28, I 232.— BCARS, S/D/C14 ; Vert. file, A. D. Cameron.— North York Public Library (North York, Ontario), Canadiana Coll., Newton MacTavish coll. (mfm aux AN, MG 30, D278).— Daily Colonist (Victoria), 1890–1912.— Manitoba Weekly Free Press (Winnipeg), 1906.— Victoria Daily Times, 1901–1912.— C.-B., Legislative Assembly, Sessional papers, 1882–1907, rapports sur les écoles publiques, 1880–1906.— Elizabeth Forbes, Wild roses at their feet : pioneer women of Vancouver Island ([Victoria], 1971), 53s.— Lyn Gough, As wise as serpents : five women & an organization that changed British Columbia, 1883–1939 (Victoria, 1988).— L. L. Hale, « The British Columbia woman suffrage movement, 1890–1917 » (mémoire de m.a., Univ. of B.C., Vancouver, 1977).— Gwen Hayball, « Agnes Deans Cameron, 1863–1912 », British Columbia Hist. News (Vancouver), 7 (1973–1974), no 4 : 18–25.— In her own right : selected essays on women’s history in B.C., Barbara Latham et Cathy Kess, édit. (Victoria, 1980).— Ada McGeer, « Agnes Deans Cameron [...] a memory », British Columbia Hist. News, 8 (1974–1975), no 1 : 16s.— National Council of Women of Canada, Report (Ottawa ; Toronto), 1895–1906.— P. L. Smith, Come give a cheer : one hundred years of Victoria High School, 1876–1976 (Victoria, 1976).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.— Who’s who in western Canada [...], C. W. Parker, édit. (Vancouver), 1911.

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Linda L. Hale, « CAMERON, AGNES DEANS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_agnes_deans_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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