CADOTTE (Cadot), JOSEPH, fonctionnaire, interprète et trafiquant de fourrures ; circa 1814–1822.
Joseph Cadotte était probablement métis et peut-être apparenté à Jean-Baptiste Cadot*, de Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Michigan). Le 24 octobre 1814, il fut nommé lieutenant au département des Affaires indiennes du Haut-Canada. Il servait d’interprète sous le lieutenant-colonel Robert McDouall*, commandant de la garnison britannique à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), qui l’affecta à diverses missions auprès des Indiens de la rivière Grand en 1814 et au début de 1815. Il revint de sa dernière mission en compagnie de 84 Indiens destinés à soutenir la défense du fort ; le groupe arriva à Michillimakinac le 3 mai 1815, deux jours après que la nouvelle de la signature du traité de Gand eut été connue. En octobre, un conseil d’enquête britannique tenu à l’île Drummond lava Cadotte des accusations portées contre lui par les Américains et selon lesquelles il avait agi contrairement aux règles lors de son expédition, entreprise après la fin officielle de la guerre. McDouall recommanda que Cadotte demeure dans l’« effectif de paix » du département des Affaires indiennes et le décrivit comme un jeune homme « instruit et respectable » qui faisait honneur au département. On ignore combien de temps Cadotte resta au service du département des Affaires indiennes.
Il semble que les liens de Cadotte avec la North West Company datent de 1816, au moment où elle le charge de rembourser plusieurs traites qu’elle a payées à John Johnston, trafiquant de fourrures de Sault-Sainte-Marie. En août de cette année-là, il se trouvait au poste de la compagnie à Bas-de-la-Rivière (Fort Alexander, Manitoba), où un conseil de Métis de la colonie de la Rivière-Rouge se tenait sous la présidence d’Archibald McLellan, de la North West Company. McLellan souhaitait reprendre le fort William (Thunder Bay, Ontario) à lord Selkirk [Douglas*], mais la plupart des Métis présents au conseil refusèrent de l’aider. À la fin d’août ou au début de septembre, sous la direction de McLellan, un groupe d’éclaireurs comprenant Cadotte, Cuthbert Grant* et Charles de Reinhard partit en canot léger pour le lac à la Pluie (Ontario) et le Minnesota. Le 11 septembre, durant l’expédition, Reinhard et un Métis nommé Mainville tuèrent un employé de lord Selkirk, Owen Keveny*, sur l’ordre de McLellan, qui l’avait capturé lors d’un autre épisode du conflit qui opposait la Hudson’s Bay Company à la North West Company. Cadotte ne participa pas directement au meurtre. Cependant, il avait couvert d’injures un des gardiens de Keveny parce qu’il n’avait pas laissé faire un Indien qui avait offert de tuer le prisonnier. Plus tard pendant l’automne, on rapporta que Cadotte avait en sa possession la clé de la malle de Keveny.
Vers le 26 septembre, Cadotte se rendit avec McLellan et Grant au poste de la North West Company au fort Gibraltar (Winnipeg, Manitoba), où il passa probablement le reste de l’automne. Il se trouvait là lorsque, le 10 janvier 1817, le poste fut pris par Miles Macdonell, gouverneur d’Assiniboia, et un détachement de soldats. À ce moment-là, Macdonell ignorait que Cadotte avait été mêlé au meurtre de Keveny. Peut-être en partie sous l’influence de son interprète, Louis Nolin, qui était probablement le demi-frère de Cadotte, Macdonell fit donc participer celui-ci à l’inventaire du fort. Cadotte pouvait ainsi circuler librement à l’intérieur des palissades tandis que les autres Nor’Westers étaient enfermés. Le 24 janvier, il eut la permission de rendre visite aux Métis, et notamment à sa femme, qui se trouvaient alors à la rivière Qu’Appelle. Macdonell profita de l’occasion pour lui remettre à l’intention de Grant, chef des Métis, une lettre dans laquelle il lui proposait de faire la paix.
Dans les mois qui suivirent, Grant, Cadotte et d’autres Métis firent plusieurs voyages entre la rivière Qu’Appelle et la rivière Rouge dans l’espoir de convaincre Macdonell de libérer McLellan et les quelques autres hommes qu’ils détenaient. Tout au long de ces démarches, Cadotte se montra plus enclin à la violence que Grant. Il proposa d’attaquer plusieurs postes de la Hudson’s Bay Company et, au début de mars, après s’être vu refuser une deuxième fois la libération de McLellan, il entraîna ses compagnons à tuer du bétail appartenant à la même compagnie. Tandis que les Métis se remettaient en route pour la rivière Qu’Appelle, rapporte Frederick Damien Heurter, employé de la North West Company, Cadotte proposa « de se rendre à Pembina et de tuer les gens de lord Selkirk qui s’y trouvaient car, disait-il, [les Métis] ne [devaient] pas rentrer chez eux sans avoir frappé une fois [s’ils voulaient] maintenir leur réputation guerrière ». Toutefois, Grant amena le groupe à décliner la proposition : « Nous ne sommes pas des barbares », déclara-t-il.
Vers la fin de mars 1817, Macdonell eut connaissance des agissements antérieurs de Grant et de Cadotte, ce qui l’incita à offrir une récompense pour leur capture. L’appui des Métis les empêcha d’être pris près du fort Gibraltar le 21 juin. Cependant, le commissaire William Bacheler Coltman les persuada de se rendre – ce qu’ils firent le 27 août, — apparemment en les assurant qu’ils ne seraient pas emprisonnés s’ils l’accompagnaient à Montréal. Les deux hommes partirent donc vers l’est avec lui et arrivèrent à Montréal le 10 novembre. Malgré les manœuvres de la Hudson’s Bay Company, Cadotte, tout comme Grant, ne fut pas incarcéré avant d’être mis en accusation pour le meurtre de Keveny, au début de mars 1818. Peu après, il fut libéré « sous caution » ; dès le début de juin, dit-on, il était reparti pour Sault-Sainte-Marie. Ni lui ni Grant ne furent traduits en justice. Reinhard subit un procès et fut reconnu coupable, mais il ne fut jamais exécuté.
À l’automne de 1818, la North West Company affecta Cadotte à titre de commis et d’interprète au poste du lac à la Pluie, qui fut plus tard baptisé fort Frances (Fort Frances, Ontario). Selon les trafiquants de la Hudson’s Bay Company, Cadotte était un adversaire énergique qui réussissait apparemment à obtenir les fourrures de nombre d’Indiens endettés envers cette compagnie. Cadotte travailla à cet endroit jusqu’à ce qu’il soit congédié par suite de la fusion de la North West Company et de la Hudson’s Bay Company en 1821. Envoyé par la Hudson’s Bay Company au lac à la Pluie pour appliquer l’entente de fusion, Nicholas Garry* rapporta en juillet 1821 que Cadotte avait déclaré « qu’il tuerait M. Bird [James Bird*] et [lui]-même. Il était en état d’ivresse et se promenait avec des pistolets chargés. »
Cadotte quitta le lac à la Pluie pour Sault-Sainte-Marie, où il put compter sur l’aide de John Johnston. À l’automne, il partit avec 3 canots de marchandises et 12 hommes. Laissant un petit contingent au lac des Mille Lacs (Ontario), il s’établit au lac Crane (Minnesota) en novembre pour faire concurrence au poste de la Hudson’s Bay Company sur le lac à la Pluie. Selon son adversaire de la Hudson’s Bay Company, le jeune Roderick McKenzie, Cadotte était un « héros de roman », un objet de fascination non seulement pour les Sauteux de la région, sur lesquels il exerçait disait-on une grande influence, mais aussi pour beaucoup d’anciens Nor’Westers alors au service de la Hudson’s Bay Company, dont plusieurs tentèrent de déserter pour passer de son côté. D’après McKenzie, un des moyens utilisés par Cadotte pour intimider les trafiquants de la Hudson’s Bay Company était de leur dire qu’il était « un sujet américain [...] investi du pouvoir de saisir toutes les personnes trafiquant illégalement sur le territoire [des États-Unis] ainsi que tous les biens qui [pouvaient] leur appartenir ». Il menaçait aussi de mettre le feu au moulin et aux édifices de la Hudson’s Bay Company et de tuer son bétail.
Le poste du lac des Mille Lacs fut abandonné après que l’on eut appris que deux des hommes de Joseph Cadotte y avaient été tués par des Indiens pendant l’hiver de 1821–1822. À l’automne de 1822, Cadotte, encore une fois pour concurrencer la Hudson’s Bay Company, aida à établir un poste de l’American Fur Company au lac à la Pluie. On ignore ce qu’il advint de lui par la suite.
APC, MG 19, E1, sér. 1, 13 : 4964, 5065 ; 33 : 12285–12286, 12297 ; 45 : 17185–17186, 17189, 17193, 17207, 17212, 17229, 17231–17232 ; 46 : 17804, 17806 ; RG 8, I (C sér.), 258 : 81, 86 ; 283–323 ; 688D : 130.— PAM, HBCA, B.105/a/6 : fos 17–18, 20 ; B.105/a/8 : fos 2, 9, 25, 27 ; B.105/a/9–18 ; D.4/116 : 29, 45–50 ; F.4/10 : fo 40 ; F.4/32 : fo 180.— É.-U., Congress, American state papers [...] in relation to public lands, Walter Lowrie, édit. (5 vol., Washington, 1834), 5 : 258, 262, 264, 267.— John Halkett, Statement respecting the Earl of Selkirk’s settlement upon the Red River [...] (Londres, 1817).— HBRS, 2 (Rich et Fleming).— John Tanner, A narrative of the captivity and adventures of John Tanner [...], Edwin James, édit. (New York, 1830).— Montreal Gazette, 11 mars 1818.— Marcel Giraud, le Métis canadien ; son rôle dans l’histoire des provinces de l’Ouest (Paris, 1945).— M. A. MacLeod et W. L. Morton, Cuthbert Grant of Grantown ; warden of the plains of Red River (Toronto, 1963).
Bruce McCann White, « CADOTTE (Cadot), JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cadotte_joseph_6F.html.
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Auteur de l'article: | Bruce McCann White |
Titre de l'article: | CADOTTE (Cadot), JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |