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BURGESS, THOMAS JOSEPH WORKMAN, médecin, botaniste, surintendant d’asile, professeur et auteur, né le 11 mars 1849 à Toronto, fils de Thomas Burgess, marchand-tailleur, et de Jane Rigg, tous deux de Carlisle, Angleterre ; le 15 avril 1875, il épousa à Toronto Jessie McPherson, et ils eurent quatre filles ; décédé le 18 janvier 1926 à Montréal et inhumé le 20 à Toronto.
Après avoir étudié au Upper Canada College de Toronto de 1862 à 1866, Thomas Joseph Workman Burgess compléta ses études médicales à la University of Toronto. Récipiendaire de la médaille d’or Starr, remise par la faculté de médecine, et de la médaille d’argent (premier rang) décernée par l’université, il obtint son diplôme en 1870, puis fut immédiatement intégré au service médical de l’Asylum for the Insane de Toronto, alors dirigé par son parrain et mentor, le réputé Joseph Workman*. En 1872, il s’engagea comme chirurgien pour la commission internationale chargée de délimiter la frontière canado-américaine entre le lac des Bois et les Rocheuses [V. Samuel Anderson*]. Les nombreux voyages qu’il fit ainsi partout au Canada lui permirent de s’intéresser à la botanique, sujet auquel il consacrerait de nombreuses publications et conférences.
Entre 1875 et 1887, Burgess travailla à l’Asylum for the Insane de London, en Ontario, d’abord à titre de médecin assistant, puis d’assistant surintendant. Après un conflit avec le surintendant de l’établissement, Richard Maurice Bucke*, il fut muté en 1887 à l’Asylum for the Insane de Hamilton, où il exerça jusqu’en 1890 la fonction d’assistant surintendant. Au cours de son séjour à Hamilton, il en profita pour participer activement, en tant que botaniste, aux activités de la Hamilton Association, dont il fut le vice-président de 1888 à 1890. En mai 1890, il devint le premier surintendant médical de l’Hôpital protestant des aliénés à Verdun, dans la province de Québec. Au cours des 33 ans qu’il occuperait ce poste, le nombre de patients dans l’établissement passerait de 139 à 800.
Dès sa nomination, Burgess fit en sorte que les patients soient traités de la façon la plus humaine possible, comme le démontrent les rapports annuels qu’il rédigea entre 1891 et 1923. Même si la folie était selon lui une maladie somatique, Burgess doutait de l’efficacité des seuls médicaments ; c’est pourquoi il concentra ses efforts sur le traitement moral. Ainsi, il s’opposa à tous les moyens de contention à l’endroit des malades mentaux ; il mit plutôt en place un vaste programme d’occupation pour les patients (travail, activité physique et loisirs), pratique qu’il avait déjà pu observer à l’asile de London, au moment où le docteur Bucke le dirigeait. Dans son rapport annuel de 1896, Burgess écrivit que 66 % des malades avaient une occupation. Il favorisa également, à partir de 1901, l’internement des patients privés – qui payaient pour être admis à l’asile et n’étaient pas soumis aux mêmes contraintes administratives que les patients publics pour être libérés – et se prononça en faveur de sorties à l’essai pour les aliénés qui, à défaut d’être guéris, avaient vu leur état s’améliorer. De plus, il appliqua dès 1903 la « politique de la porte ouverte », soit la non-fermeture à clé des dortoirs où logeaient les patients et la possibilité, pour ceux dont l’état le permettait, de circuler librement à l’intérieur de l’asile sans surveillance. Enfin, il organisa pour eux de nombreuses sorties à l’extérieur et encouragea la population à assister aux soirées organisées à l’intérieur de l’établissement. Bien que certains malades en profitèrent parfois pour s’évader, l’expérience a montré que les fugueurs revenaient généralement d’eux-mêmes à l’asile après quelques jours.
Bien que de telles réformes furent, à la même époque, également mises de l’avant par les surintendants de l’asile de Beauport et de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, Burgess bénéficia de conditions nettement plus favorables pour les appliquer. En effet, au contraire des asiles francophones, celui de Verdun bénéficiait de l’appui financier des familles riches de la communauté anglophone de Montréal. Ainsi, en 1892, un don de John Henry Robinson Molson rendit possible la construction d’un gymnase, d’un jeu de quilles et d’un jeu de curling ; en 1898, la générosité de George Bull Burland servit à l’érection d’un laboratoire de pathologie que dirigea Andrew Macphail*. Au cours des années 1900 et 1910, les nombreuses contributions du docteur James Douglas de New York, fils du fondateur de l’asile de Beauport [V. James Douglas*], permirent l’achat du terrain sur lequel furent érigés la résidence des infirmières et le centre récréatif Douglas Hall.
En échange de leur apport, les donateurs pouvaient faire partie du conseil d’administration de l’établissement. Ce mode de fonctionnement avait été initialement imaginé par Alfred Perry, qui avait collaboré à la fondation de l’asile de Longue-Pointe avec Cléophée Têtu*, dite Thérèse de Jésus. Dans les domaines du traitement des aliénés et de l’engagement du personnel, ce conseil d’administration donnait tous les pouvoirs à Burgess. Malgré cela, ce dernier connut des déceptions. Burgess a toujours eu beaucoup de difficultés à conserver ses assistants et ses employés les plus compétents, étant donné la lourdeur des tâches et les salaires modestes qui leur étaient accordés. Il dut également faire face au problème de la surpopulation dans son hôpital. Durant les années 1900, Burgess, comme de nombreux aliénistes de l’époque, identifia l’hérédité comme principale cause de l’augmentation des cas d’aliénation mentale et se laissa tenter par l’eugénisme. Ainsi, dans son rapport de 1907, il suggéra que le gouvernement de la province de Québec, à l’instar de certains États américains, interdise le mariage des porteurs de tares présumées héréditaires ou rende obligatoire la stérilisation des alcooliques et des autres « dégénérés ». De plus, après avoir constaté, en 1905, que près de 40 % des personnes admises à l’Hôpital protestant des aliénés de Verdun étaient nées hors du Canada, il se prononça clairement en faveur d’un plus grand contrôle de l’immigration. Après l’adoption, en 1906 puis en 1910, de lois concernant l’immigration plus restrictives, Burgess signala chaque année de nombreux cas d’aliénés qu’il jugeait susceptibles d’être déportés.
En outre, Burgess consacra beaucoup de temps à l’avancement de la psychiatrie comme spécialité médicale. En 1893, il donna une série de conférences sur les maladies mentales à la McGill University, où il deviendrait professeur titulaire en 1899. Il entreprit également quelques recherches sur les maladies mentales avec l’assistance du docteur Macphail et de ses assistants, notamment, en 1895, une étude expérimentale sur le traitement de la déficience mentale par des extraits thyroïdiens. En 1901, il chercherait à établir un lien entre l’épilepsie et la glycosurie. Ces recherches n’aboutiraient cependant pas à des résultats concluants. En 1896, il créa par ailleurs une école de formation des infirmières à l’asile de Verdun ; il y enseigna également, tout comme le reste du personnel médical de l’établissement. La même année, il fut le secrétaire honoraire d’une section (consacrée aux maladies nerveuses et mentales et à la jurisprudence médicale) d’un congrès médical panaméricain tenu à Mexico. En 1898, afin de favoriser l’avancement de leur spécialité, une vingtaine d’aliénistes de la province de Québec se regroupèrent au sein d’une association, la Société médico-psychologique de Québec. Après avoir été le premier vice-président de l’association, Burgess en devint le président en 1899. Très à l’aise avec ses confrères francophones, dont il maîtrisait la langue, il les encouragea à tisser des liens avec les autres aliénistes du continent. En juin 1902, il prit en charge l’organisation du congrès de l’American Medico-Psychological Association tenu à Montréal. En 1904–1905, il fut d’ailleurs le troisième Canadien – après Daniel Clark* en 1891–1892 (l’association se nommait alors Association of Medical Superintendents of American Institutions for the Insane) et Bucke en 1897–1898 – à occuper la présidence de cette société, ancêtre de l’actuelle American Psychiatric Association. Enfin, en 1918, il fit partie du Canadian National Committee for Mental Hygiene ; ce comité avait pour objectifs le dépistage des diverses populations présentant des risques élevés de maladie mentale, l’organisation de recherches sur le fonctionnement du cerveau et du système nerveux, ainsi que la tenue de campagnes d’information publique sur l’aliénation mentale et sur les moyens de l’éviter.
Burgess a aussi le mérite d’avoir été la première personne à se consacrer à l’histoire des établissements psychiatriques au Canada. En 1898, il prononça en effet une conférence sur ce sujet à la Société royale du Canada, puis, en 1913, l’American Medico-Psychological Association le chargea de la rédaction de la partie canadienne d’un ouvrage paru à Baltimore, au Maryland, en 1916 et 1917, et intitulé The institutional care of the insane in the United States and Canada.
Burgess participa activement à de nombreuses sociétés savantes, tant canadiennes qu’étrangères. En 1885, il devint membre de la Société royale du Canada et, en 1886, de l’American Association for the Advancement of Science, lieux de discussion dont il profita pour faire connaître ses travaux sur la flore canadienne. Déjà, au début des années 1880, Burgess collaborait régulièrement à la revue américaine Botanical Gazette en y décrivant les plantes rares qu’il avait découvertes au cours de ses excursions, en compagnie du botaniste John Macoun*, dans le Sud de l’Ontario et en Nouvelle-Écosse. Dans le cinquième volume du Catalogue of Canadian plants de Macoun, Burgess est d’ailleurs l’auteur des sections sur les fougères. Il participa également aux réunions de la Canadian Medical Association et de la British Association for the Advancement of Science.
En tissant des liens avec le monde universitaire et en exerçant le rôle d’intermédiaire entre les aliénistes francophones de la province de Québec et leurs collègues anglophones en Amérique du Nord, Thomas Joseph Workman Burgess a fortement contribué à l’institutionnalisation de la psychiatrie au début du xxe siècle. En tant que surintendant de l’Hôpital protestant des aliénés, il a tenté de décloisonner l’asile en créant des interactions entre ce dernier et le monde extérieur. Cette ouverture résume d’ailleurs assez bien la vie et l’œuvre de cet auteur prolifique, actif dans de nombreuses sociétés et intéressé par tant de domaines divers.
Thomas Joseph Workman Burgess a participé à la rédaction de l’ouvrage de H. M. Hurd et al., The institutional care of the insane in the United States and Canada, H. M. Hurd, édit. (4 vol., Baltimore, Md, 1916–1917 ; réimpr., New York, 1973). Il a également rédigé plusieurs entrées pour le Catalogue of Canadian plants (7 vol., Montréal, 1883–1902), 5 (Acrogens, 1890), 253–287, de John Macoun. Il a publié un grand nombre d’articles dans des revues scientifiques et des journaux, notamment : « Art in the sick room », Times (Hamilton, Ontario), 5 janv. 1889 ; « Aspidium Oreopteris Swz. », Botanical Gazette (Crawfordsville et Logansport, Ind.), 11, (1886) : 63 ; « A botanical holiday in Nova Scotia », Botanical Gazette, 9, (1884) : 1–6, 19–23, 40–45, 56–59 ; « A compendium of insanity », Montreal Medical Journal, 27 (1898) : 549s. ; « Deux cas de manie éphémère, sans complication d’épilepsie, d’intempérance, ou de parturition », l’Union médicale du Canada (Montréal), 28 (1899) : 715–720 (paru aussi en anglais dans le Montreal Medical Journal, 28 (1899) : 938–941) ; « The family physician and the insane », Montreal Medical Journal, 36 (1907) : 100–117 ; « A historical sketch of our Canadian institutions for the insane », SRC, Mémoires, 2e sér., 4 (1898), sect. iv : 3–122 ; « How to study botany », Hamilton Assoc., Journal and Proc. ([Hamilton, Ontario]), no 4 (1886–1888) : 27–53 ; « The insane in Canada ; presidential address : American Medico-Psychological Association, San Antonio, Texas, April 18th, 1905 », Montreal Medical Journal, 34 (1905) : 399–430 (paru aussi dans l’American Journal of Insanity (Baltimore), 62 (1905–1906) : 1–36) ; « The Lake Erie shore as a botanizing ground », Hamilton Assoc., Journal and Proc., no 5 (1888–1889) : 41–59 ; « Notes from Canada », Botanical Gazette, 7 (1882) : 95s. ; « Notes on the flora of the forty ninth parallel, from the Lake of the Woods to the Rocky Mountains », Hamilton Assoc., Journal and Proc., no 4 (1886–1888) : 117–120 ; « Notes on the genus Rhus », Hamilton Assoc., Journal and Proc., no 8 (1891–1892) : 119–130 ; « Notes on the history of botany », Hamilton Assoc., Journal and Proc., no 4 (1886–1888) : 116s. ; « On the beneficient and toxical effects of the various species of Rhus », Canadian Journal of Medical Science (Toronto), 5 (1880) : 327–334 ; « Orchids », Hamilton Assoc., Journal and Proc., no 4 (1886–1888) : 113–116 ; « Polypus of the heart », Canadian Journal of Medical Science, 4 (1879) : 139s. ; « Recent additions to Canadian Filicineæ, with new stations for some of the species previously recorded », SRC, Mémoires, 1re sér., 4 (1886), sect. iv : 9–18 ; « Thyroid feeding and its application to the treatment of insanity », Montreal Medical Journal, 24 (1895–1896) : 842–852 ; « Trifolium hybridum, L. », Botanical Gazette, 7 : 135 ; et, avec la collaboration de John Macoun, « Canadian Filicineæ », SRC, Mémoires, 1re sér., 2 (1884), sect. iv : 163–226.
AO, RG 80-5-0-54, no 11075.— BAC, RG 31, C1, 1871, Toronto, St David’s Ward, div. 4 : 8 ; 1891, Verdun, Québec.— Gazette (Montréal), 19 janv. 1926.— Montreal Daily Star, 19 janv. 1926.— La Presse, 20 janv. 1926.— Annuaire, Montréal, 1908–1910.— C. H. Cahn, Hôpital Douglas : 100 ans d’histoire et de progrès (Verdun, 1981).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Canadian who’s who, 1910.— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec ; chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992).— Guy Grenier, « l’Implantation et les Applications de la doctrine de la dégénérescence dans le champ de la médecine et de l’hygiène mentales au Québec entre 1885 et 1930 » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1990).— Hôpital protestant des aliénés, Annual report (Verdun), 1891–1923.— John Macoun, Autobiography of John Macoun, m.a. [...], introd. d’E. T. Seton ([Ottawa], 1922). — André Paradis, « Thomas J. W. Burgess et l’Administration du Verdun Protestant Hospital for the Insane (1890–1916) », Bull. canadien d’hist. de la médecine (Waterloo, Ontario), 14 (1997) : 5–35.— The roll of pupils of Upper Canada College, Toronto, January, 1830, to June, 1916, A. H. Young, édit. (Kingston, Ontario, 1917), 145.— S. E. D. Shortt, Victorian lunacy : Richard M. Bucke and the practice of late nineteenth-century psychiatry (Cambridge, Angleterre, 1986).
Guy Grenier, « BURGESS, THOMAS JOSEPH WORKMAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/burgess_thomas_joseph_workman_15F.html.
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Auteur de l'article: | Guy Grenier |
Titre de l'article: | BURGESS, THOMAS JOSEPH WORKMAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |