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Bruyère, Régis (à sa naissance, il reçut les prénoms de Jean-Claude-Régis), dit frère Césidius, premier supérieur des Frères maristes en Amérique, né le 5 août 1845 à Lapte, France, fils de Claude Bruyère et de Marie Joubert, aubergistes et paysans ; décédé le 24 septembre 1933 à Iberville (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec).
Régis Bruyère hérita de ses ancêtres une certaine robustesse physique et une foi inébranlable. Au temps de la Révolution française, ses grands-parents avaient, par exemple, hébergé un prêtre réfractaire, ce qui leur valut l’emprisonnement. Au moment de la naissance de Régis, ses parents tenaient une petite auberge dans le village de Lapte, près d’Yssingeaux, dans la Haute-Loire. Régis fréquenta l’école de son village tenue par les Frères des écoles chrétiennes. Sous l’influence d’un recruteur mariste qui séjourna dans sa famille, il décida de devenir religieux. Le 2 février 1860, il prit l’habit chez les Frères maristes et reçut le nom de frère Césidius ; cette congrégation fondée en 1817 avait pour but l’instruction des enfants des campagnes, et spécialement des plus pauvres. Religieux profès à un peu plus de 15 ans, il passa trois ans à Bourg-Argental, trois ans à Écoche, puis une dizaine d’années à Charlieu, où il fut professeur, mais où il exerça aussi diverses fonctions liées à l’enseignement. En 1876, après avoir obtenu son brevet de capacité, il fut nommé directeur à l’école d’Andance, qui, dans le contexte de la législation scolaire française des années 1880, fut laïcisée en 1885, soit l’année qui suivit le départ du frère Césidius pour l’école de L’Hermitage, puis d’Izieu. Toutes ces expériences de travail le préparaient au défi qui l’attendait en Amérique.
Après avoir tenté en vain, en 1884, de faire venir les Frères maristes dans son diocèse de Saint-Hyacinthe, Mgr Louis-Zéphirin Moreau* réussit l’année suivante à les convaincre de s’y installer. C’est ainsi que, le 15 août 1885, sous la gouverne du frère Césidius, cinq religieux maristes s’embarquèrent au Havre à destination d’Iberville et que, le 3 septembre, ils prirent en charge l’école paroissiale qui deviendrait le berceau de l’œuvre mariste canadienne. D’autres demandes de fondation arrivèrent dès 1886, dont une pour une école à Lewiston, dans le Maine, et une pour l’école Saint-Pierre, rue Panet, à Montréal. En 1887, le frère Césidius obtint la reconnaissance officielle des Frères maristes au Canada. En 1893, il fut nommé visiteur du district d’Amérique, titre qui lui conféra des pouvoirs accrus. Entre 1887 et 1903, années pendant lesquelles le frère Césidius fut le supérieur des Frères maristes pour l’Amérique, ceux-ci fondèrent une trentaine d’écoles primaires pour garçons, principalement dans le diocèse de Saint-Hyacinthe, dans des villes importantes de la province de Québec et en Nouvelle-Angleterre. Environ 200 frères vinrent d’Europe avant 1903 et le nombre de frères canadiens et américains augmenta chaque année (de 13 en 1888, il y en eut 120 en 1901). Cette arrivée massive de frères, qui n’étaient pas toujours bien préparés sur le plan des études, ne fut pas sans créer certaines difficultés pour le supérieur, partagé entre ses dispositions d’accueil bienveillant, son zèle apostolique et ses responsabilités professionnelles. Aussi se hâta-t-il de leur fournir dans la mesure du possible une formation appropriée. Ainsi, dès 1888 à Iberville, avec les postulants et les novices, il offrit des cours à l’intention des plus jeunes. En 1892, il mit sur pied une classe où tout l’enseignement était en anglais. Pour les vacances annuelles suivantes, des stages furent organisés dans plusieurs établissements. Durant ses visites régulières aux communautés, le frère Césidius en profitait aussi pour donner des travaux d’étude à ceux qui ne possédaient pas le brevet supérieur.
La province d’Amérique des Frères maristes obtint son autonomie en 1903 ; le frère Césidius passa alors le flambeau au frère Félix-Eugène, qui en devint le supérieur. Le frère Césidius fut pour sa part nommé conseiller provincial, poste qu’il occuperait jusqu’en 1911. Pendant cet intervalle, la congrégation dut continuer à relever le défi d’accueillir de nombreux frères venus de France (99 arrivèrent dans la seule année 1903), d’où ils furent expulsés à cause de la politique anticléricale du gouvernement [V. Marie Le Gallo]. Lorsque, en 1911, en raison notamment de l’effectif important, de la distance géographique et de la disparité des langues enseignées, la province d’Amérique fut scindée afin de donner naissance à celles du Canada et des États-Unis, le frère Césidius assuma à nouveau l’autorité pour la province canadienne, et ce, pendant trois ans. Le frère Ptoléméus devint le provincial pour les États-Unis. Avant de prendre sa retraite en 1921, le frère Césidius occupa des postes de direction à Lévis, puis, à partir de 1916, à Saint-Hyacinthe. Depuis son arrivée en Amérique, quelques centaines de frères, formés au Canada ou venus de France, avaient œuvré sous sa houlette, affermissant l’implantation de la congrégation en Amérique. Dans ses années les plus fructueuses, soit pendant les années 1960, le rejeton mariste transplanté en Amérique par le frère Césidius compterait près de 2 000 éducateurs au service de la jeunesse au Canada et aux États-Unis. Ce nombre donne une idée de l’œuvre dont il fut l’instigateur et le responsable pendant de longues années.
Le frère Césidius occupa en grande partie sa retraite (à Saint-Hyacinthe d’abord, puis à Iberville) à transcrire sa volumineuse correspondance avec les supérieurs de la congrégation, les évêques ou les pasteurs des paroisses pendant les années d’établissement de sa communauté en Amérique. En 1930, il obtint la décoration du troisième degré de l’ordre du Mérite scolaire et le diplôme de très méritant.
Doté d’un équilibre réservé et constant, conséquence d’une conscience droite et d’un caractère bien trempé, le frère Césidius demeura toujours prudent et avisé, bien que sa foi profonde lui ait parfois donné une hardiesse et un courage quasi voisins de la témérité. Pour ses enfants spirituels, même s’il était ferme et exigeant quant au sens des responsabilités, il fut un père tendre et délicat. Il mourut le 24 septembre 1933, peu après avoir eu 88 ans. Aux funérailles, outre une centaine de frères, une trentaine de prêtres et de nombreux délégués d’autres communautés, se trouvait le représentant du consul de France qui s’apprêtait à reconnaître, par la remise des Palmes académiques, les longs états de service du défunt en terres française, canadienne et américaine. Comme il le souhaitait, le frère Césidius repose à l’ombre de la grande croix, dans le cimetière communautaire d’Iberville. Il eut une carrière féconde qui, sans doute, s’étendit bien au delà de ce qu’il avait pu espérer.
Arch. départementales, Haute-Loire (Le Puy-en-Velay, France), État civil, Lapte, 5 août 1845.— Arch. des Frères maristes du Canada (Château-Richer, Québec), 205.092 (dossier frère Césidius).— Le Devoir, 25 sept. 1933.— « Le C. F. Césidius, stable (1845–1933) », Notices biographiques de l’Institut des petits frères de Marie (Grugliasco, Italie), nouvelle série, no 1 (1931) : 468–485.— Guy Laperrière, les Congrégations religieuses : de la France au Québec, 1880–1914 (3 vol., Sainte-Foy [Québec], 1996–2005).— L’Œuvre mariste canadienne (4 vol., Iberville [Saint-Jean-sur-Richelieu], Québec, 1960–1977).— « Le Pionnier des F. F. maristes en Amérique », Bull. des œuvres maristes au Canada (Iberville), 1934 : 176–179.
Valmont Fournier, « BRUYÈRE, RÉGIS (Jean-Claude-Régis), dit frère Césidius », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bruyere_regis_16F.html.
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Auteur de l'article: | Valmont Fournier |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
Année de la révision: | 2013 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |