BRUNEAU, FRANÇOIS-PIERRE, avocat, seigneur, homme d’affaires et homme politique, né le 24 juillet 1799 à Montréal, fils de François-Xavier Bruneau, pelletier, et de Thérèse Leblanc ; décédé célibataire le 4 mars 1851 à Saint-Bruno-de-Montarville, Bas-Canada.

Issu d’une famille de marchands montréalais et cousin par alliance de Louis-Joseph Papineau*, François-Pierre Bruneau est le premier de sa lignée à poursuivre des études de droit. Formé à l’école de Louis-Michel Viger, il est admis au barreau le 25 juin 1822, trois ans environ avant son frère Jean-Casimir et sept ans avant son cousin Théophile. Il s’établit alors à Montréal où il pratique quelques années avant de s’associer à Henri Desrivières pour l’achat de la seigneurie de Montarville, où il compte investir dans le développement des moulins.

L’emplacement est avantageux et les conditions de vente favorables, le seigneur René Boucher de La Bruère désirant surtout se constituer une rente viagère. L’affaire est donc conclue promptement, et le 8 août 1829 Bruneau obtient les trois sixièmes du fief pour la somme de £2 150 qu’il remboursera par versements égaux jusqu’au 1er janvier 1850. Pour sa part, Desrivières, déjà titulaire des deux sixièmes du fief par héritage de sa mère, obtiendra le dernier sixième en même temps que le titre de seigneur primitif, pour la somme de £650 remboursables aux mêmes conditions. Le 8 août 1829, les deux nouveaux propriétaires signent aussi un contrat de société de dix ans en vertu duquel ils participent à parts égales aux coûts de tous les biens composant la seigneurie, en vue de construire et d’exploiter des moulins. Bruneau fournira le capital de départ, à charge pour Desrivières de surveiller la construction et l’activité des moulins, et de lui rembourser sa part de capital au plus tard le 1er janvier 1834, incluant l’intérêt légal de 6 p. cent payable annuellement. Un mois plus tard, les 7 et 8 septembre 1829, des dispositions sont prises afin de construire un premier moulin qui, dû surtout à des délais dans l’installation de la machinerie, n’est pourtant pas encore achevé lorsque Bruneau rend foi et hommage le 27 septembre 1830.

L’information manque pour évaluer les revenus que procure la seigneurie à l’époque. Mais à en juger par les pratiques foncières des nouveaux titulaires, ils paraissent avoir été substantiels. Les seigneurs recherchent l’émission de titres nouveaux, achètent et revendent des lots pour en tirer de meilleurs bénéfices et réclament les arrérages dus à l’ancien propriétaire, qu’ils avaient obtenus en vertu de leur acte d’achat, incluant les avantages éventuels des actions entreprises par l’ex-seigneur Boucher de La Bruère contre certains de ses censitaires. Joseph Bouchette*, quant à lui, écrira que depuis la fin du Régime français les concessions dans cette seigneurie « sont grevées de redevances plus élevées qu’à une époque plus ancienne ». L’affaire est rentable pourvu qu’on s’en occupe ! Bruneau y voit pour sa part une source de profit au moins tout aussi lucrative que celle que lui procure le marché immobilier de Montréal, en particulier dans le secteur de la rue Notre-Dame et de l’ancienne citadelle où il cherche à acquérir plusieurs terrains qu’il destine à la revente.

C’est peut-être aussi à cette époque que Bruneau se lance dans la fabrication de ce que la Minerve du 9 décembre 1847 décrit comme « des voitures de travers, autrement appelées Sleighs Bruneau ». On ignore tout cependant du développement de cette entreprise, mais elle paraît avoir été rentable car la Minerve désigne Bruneau comme le père de ce genre de véhicule dans la province.

En 1839, on retrouve Bruneau titulaire de la seigneurie de Pierreville où il refuse pendant un temps de participer à la construction de la nouvelle église. C’est du moins ce qui ressort d’une lettre datée du 28 octobre et adressée à Mgr Joseph Signay* par le curé de l’endroit, Pierre Béland : « Mme de Montenach [Marie-Élisabeth Grant] vient de vendre sa seigneurie à un M. Pierre-François Bruneau, qui paraît bien éloigné de favoriser la bâtisse de l’église [...] Le dit seigneur n’ayant fait qu’une apparition dans la paroisse, je n’ai pas eu le temps de le voir [...] Le nouveau seigneur de Pierreville refuse de donner, sans paiement, la pierre et le bois que Mme de Montenach avait promis. » Comme cette lettre suit de près la nomination de Bruneau à titre de commissaire chargé de la construction et de la réparation des églises et des presbytères (8 juillet 1839), il n’est pas impossible qu’il s’agisse du même personnage qui aurait pu ainsi profiter de sa charge pour repérer de nouveaux secteurs d’investissement foncier.

Le 9 juin 1841, quelques mois seulement après l’entrée en vigueur de l’Acte d’Union, Bruneau accède à un poste beaucoup plus prestigieux : il est nommé membre à vie du Conseil législatif. Son temps se partagera dès lors entre sa seigneurie de Montarville, où il s’emploie à mettre en valeur le village de Saint-Bruno-de-Montarville, et Kingston, dans le Haut-Canada, où vient d’être convoqué le premier Parlement du Canada-Uni. Perçu comme un conservateur, il s’alliera aux membres du conseil pour s’opposer au transfert du Parlement à Montréal en 1844. Mais ce qui devait surtout lui attirer de vives critiques de la part des milieux réformistes, c’est son acceptation de participer au ministère de Henry Sherwood, le 8 décembre 1847, en qualité de membre du Conseil exécutif et de receveur général. Cette nomination, qui survient au moment même où le gouverneur lord Elgin [Bruce*] vient de dissoudre le Parlement et de décréter des élections générales, ne lui procurera pourtant aucun avantage, puisque le 3 mars 1848 le ministère qui l’a nommé sera battu par un vote de défiance.

François-Pierre Bruneau se retire alors dans sa seigneurie de Montarville où il meurt le 4 mars 1851. Inhumé quatre jours plus tard à Saint-Bruno-de-Montarville même, il abandonnait ses biens à ses deux frères, Jean-Casimir, juge à la Cour supérieure depuis 1849, et Olivier-Théophile, surtout connu comme l’un des premiers professeurs à la faculté de médecine du McGill College. Le mont Saint-Bruno et le village de Saint-Bruno-de-Montarville perpétueront le nom du seigneur de l’endroit.

Serge Courville

ANQ-M, CE1-16, 8 mars 1851 ; CE1-51, 25 juill. 1799 ; CN1-270, 1829–1831.— ANQ-Q, P-240, boîte 33.— Le Canadien, 11, 16 juin 1841, 10 déc. 1847.— La Minerve, 6, 9, 20 déc. 1847, 13 mars 1848, 6 mars 1851.— J.-J. Lefebvre, « Tableau alphabétique des avocats de la province de Québec, 1765–1849 », la Rev. du Barreau, 17 (1957) : 286.— Joseph Bouchette, A topographical dictionary of the province of Lower Canada (Londres, 1832).— Political appointments, 1841–65 (Coté ; 1866).— Turcotte, le Conseil législatif.— Buchanan, Bench and bar of L.C.— T.-M. Charland, Histoire de Saint-François-du-Lac (Ottawa, 1942).— J. C. Dent, The last forty years : Canada since the union of 1841 (2 vol., Toronto, [1881]).— J.-E. Roy, l’Ancien Barreau au Canada (Montréal, 1897).— Saint-Bruno de Montarville, 250e anniversaire (Saint-Bruno, Québec, 1961).— L.-P. Turcotte, le Canada sous l’Union, 1841–1867 (2 vol., Québec, 1871–1872).— Montarville Boucher de La Bruère, « le « Livre de raison » des seigneurs de Montarville », Cahiers des Dix, 4 (1939) : 243–270.— J.-J. Lefebvre, « la Vie sociale du grand Papineau », RHAF, 11 (1957–1958) : 483–484.— É.-Z. Massicotte, « les Seigneurs Bruneau », BRH, 32 (1926) : 517.

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Serge Courville, « BRUNEAU, FRANÇOIS-PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bruneau_francois_pierre_8F.html.

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Auteur de l'article:    Serge Courville
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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