BROWN, FREDERICK, comédien et directeur de théâtre, né à Londres, fils de D. L. Brown ; décédé en 1838 en Caroline du Nord.

Bien qu’on l’ait appelé le « Roscius de Liverpool », Frederick Brown, l’enfant prodige, ne combla jamais tout à fait les espoirs qu’il avait éveillés. Petit et mince, le « visage sans traits remarquables [et] de forme assez commune », il avait la réputation d’être un acteur important, courtois et fort respectable, mais il n’était pas de toute première force. Le 28 mai 1814, à Sunderland (Tyne and Wear, Angleterre), il épousa la comédienne et danseuse Sophia De Camp, et se lia ainsi à de grandes familles d’acteurs. La sœur de sa femme, Maria Theresa (Marie-Thérèse), elle-même comédienne bien connue, avait épousé l’acteur Charles Kemble, jeune frère du célèbre John Philip Kemble et de Mme Sarah Siddons.

Arrivés en Amérique du Nord en 1816, les Brown tinrent l’affiche au Federal Street Theatre de Boston durant la saison de 1816–1817. Leur premier contrat au Bas-Canada fut un « engagement spécial » avec la compagnie de répertoire montréalaise de John Duplessis Turnbull, en avril 1818. Après avoir reçu en juillet un « accueil très favorable » au Fairbanks Wharf Theatre de Halifax, Brown revint à Montréal, où il demeura d’octobre 1818 à avril 1819, ne s’absentant que pour remplir des engagements à Kingston en février et faire ses débuts à New York, au Park Theatre, le 9 mars, dans le rôle d’Hamlet. Le public montréalais applaudit la diversité de ses talents et goûta son répertoire, qui se composait de personnages shakespeariens ainsi que de rôles classiques créés à la fin du xviiie siècle et rendus célèbres par John Philip Kemble. Son Othello, en particulier, fit l’objet d’analyses serrées et fut même comparé à celui de Kemble.

De retour à Boston pour l’automne de 1819, Brown souleva la colère de ses auditoires en interprétant médiocrement une série de personnages secondaires. Par crainte d’une rixe, la direction le laissa retourner à Montréal où, de la mi-décembre 1819 à la mi-février 1820, il occupa le devant de la scène ; il obtint notamment un succès remarquable en jouant le rôle tragique de George Barnwell dans The London merchant [...], de George Lillo. Le 4 mai 1820, un incendie ravagea la salle de Turnbull ; Brown n’allait pas revenir à Montréal avant 1825. Il regagna le respect de son public bostonien le 25 mai 1821 en remplaçant dans le rôle de Richard III le légendaire Edmund Kean, qui avait refusé de jouer. Par la suite, on put voir son nom sur les affiches du littoral atlantique. En 1823, il donna la réplique à l’Américain Junius Brutus Booth à Philadelphie et à Richmond, en Virginie. Pendant la saison de 1824–1825, il devint, pour la première fois, directeur de théâtre à Charleston, en Caroline du Sud, et à Savannah, en Géorgie. Toutefois, son jeu d’acteur suscita de sévères critiques à New York en octobre 1824 puis en mai et juin 1825. Ces commentaires défavorables le poussèrent peut-être à poser sa candidature au poste de directeur du Theatre Royal, alors en chantier à Montréal.

Ce théâtre de 1 000 places, de style georgien, qui occupait l’emplacement de l’actuel marché Bonsecours, fut construit au coût de £7 500. John Molson en était le principal actionnaire. L’établissement ouvrit le 21 novembre 1825, à peine une semaine après la date prévue, et Brown, qui en était locataire, « reçut les plus chaleureux témoignages d’approbation » pour son interprétation de Vapid, le dramaturge d’une pièce de Frederic Reynolds intitulée justement The dramatist [...]. Le nouveau directeur, consciencieux quoique assez peu expérimenté, connut cependant des pertes financières. Les aménagements extravagants, les frais généraux à payer chaque semaine, le gigantisme de la compagnie (30 comédiens et comédiennes, 14 musiciens, plus le personnel de coulisse), le répertoire ambitieux (trop de Shakespeare et pas assez de mélodrames populaires), le nombre relativement restreint de Montréalais anglophones (10 881), tout cela concourut à l’échec. Les vedettes invitées furent d’un piètre secours et le mauvais chauffage du théâtre découragea les spectateurs, surtout lorsque les températures hivernales frôlaient les – 32°F. L’assistance diminua, la presse parla de moins en moins du théâtre, certains acteurs trouvèrent même à se placer ailleurs. Du 6 au 21 février 1826, Brown fit à Québec une tournée qui eut quelque succès mais rapporta peu. La saison de 24 semaines se termina le 8 mai, mais Brown conserva le théâtre jusqu’à l’automne dans l’espoir que la venue d’Edmund Kean le sauverait. Ce comédien réputé attira les foules et permit au directeur de terminer son aventure en beauté, mais le cachet réclamé par la vedette pour chaque soirée annula les bénéfices. Les Brown avaient donné la réplique à Kean, notamment en jouant Iago et Emilia dans Othello. Le 3 novembre, les citoyens de Montréal tinrent un dîner d’adieux en l’honneur de Brown et lui remirent un anneau d’or en gage d’estime. Il avait tenu plus d’une centaine de rôles au cours de la saison de 1825–1826.

De janvier à la mi-mai 1827, Brown séjourna à Charleston avec une bonne partie de sa troupe montréalaise, qu’il dirigea encore une fois sans tirer de profit. Il joua dans de petits théâtres new-yorkais pendant les étés de 1827 et 1833, mais le plus souvent il se produisait dans les États du Sud. Avec sa femme, il revint à Montréal plusieurs fois de 1829 à 1833, période pendant laquelle son beau-frère, Vincent De Camp, prit en main le Theatre Royal pour quatre brèves saisons estivales. Le 9 juillet 1831, le critique de théâtre de la Montreal Gazette trouva que son interprétation s’était « grandement améliorée » et présentait « beaucoup moins de cette inutile déclamation qui auparavant gâtait plutôt [...] son jeu ». La dernière mention des activités de Brown date de l’été de 1834. Tandis qu’il se trouvait avec des comédiens à Wilmington, dans le Delaware, il composa à propos d’une église délabrée quelques vers qui incitèrent à la restaurer. Quatre ans plus tard, il mourut quelque part en Caroline du Nord. Sa femme s’éteignit en octobre 1841 à Mobile, en Alabama.

Les vicissitudes qu’éprouva Frederick Brown à titre d’acteur et de directeur de théâtre étaient communes chez les artistes anglais en tournée en Amérique du Nord. Son jeu de style épique, dans la tradition de Kemble, devait paraître quelque peu anachronique en cette époque où les mélodrames et les spectacles équestres gagnaient en popularité. Comme directeur de théâtre, il est passé à la postérité grâce aux efforts qu’il déploya pour donner du bon théâtre aux Montréalais de son temps.

David Gardner

Univ. of Pa. Library (Philadelphie), Charles Durang, « History of the Philadelphia stage between the years 1749 and 1855 » (mfm).— F. C. Wemyss, Chronology of the American stage from 1752 to 1852 (New York, [1852] ; réimpr., 1968).— Baudoin Burger, l’Activité théâtrale au Québec (1765–1825) (Montréal, 1974).— W. W. Clapp, A record of the Boston stage (Boston et Cambridge, Mass., 1853 ; réimpr., New York et Londres, [1963]).— Merrill Denison, The barley and the stream : the Molson story ; a footnote to Canadian history (Toronto, 1955).— Franklin Graham, Histrionic Montreal : annals of the Montreal stage with biographical and critical notices of the plays and players of a century (2e éd., Montréal, 1902 ; réimpr., New York et Londres, 1969).— W. S. Hoole, The ante-bellum Charleston theatre (Tuscaloosa, Ala., 1946).— Glen Hughes, A history of the American theatre, 1700–1950 (New York, [1951]).— G. C. D. Odell, Annals of the New York stage (15 vol., New York, 1927–1949), 3.— Y. S. Bains, « The articulate audience and the fortunes of the theatre in Halifax in 1816–1819 », Dalhousie Rev., 57 (1977–1978) : 726–735 ; « Canadian newspaper reviews of Frederick Brown », Rev. d’études canadiennes (Peterborough, Ontario), 20 (1985–1986), no 2 : 150–158 ; « Frederick Brown and Montreal’s doomed Theatre Royal, 1825–26 », Theatre Survey (Albany, N.Y.), 24 (1983) : 65–75 ; « The New Montreal Theatre : battling way back then », Canadian Theatre Rev. (Downsview [Toronto]), 24 (1979) : 64–68.— Owen Klein, « The opening of Montreal’s Theatre Royal, 1825 », Histoire du théâtre au Canada (Toronto et Kingston), 1 (1980) : 24–38.

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David Gardner, « BROWN, FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brown_frederick_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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