BROWN, ANDREW, ministre de l’Église d’Écosse et auteur, né le 22 août 1763 à Biggar, Écosse, fils de Richard Brown et d’Isabella Forrest ; le 10 septembre 1792, il épousa à Harvieston, Écosse, Daniel Cranstoun, et ils eurent deux enfants, puis le 2 mars 1805, à Édimbourg, Mary Grant, et finalement le 10 mars 1830, dans la même ville, Mary Pearson, née Ogilvie ; décédé le 19 février 1834 à Primrose Bank (Carrington, Écosse).
Fils de tisserand, Andrew Brown grandit en Écosse avec la Révolution industrielle et le Siècle des lumières. Enfant précoce, il fut reçu à l’examen d’entrée de l’University of Glasgow en 1776, à l’âge de 13 ans ; il fit alors ses études dans cet établissement, puis fréquenta l’University of Edinburgh jusqu’en 1786, année au cours de laquelle le consistoire de Biggar l’autorisa à prêcher. En 1787, avant l’obtention de son diplôme en théologie, il décida de quitter l’Écosse pour accepter les fonctions de ministre de St Matthew à Halifax. La veille de son départ, il écrivit à un ami : « C’est à regret que je me suis résigné à quitter mon pays natal et à chercher une situation, peut-être un tombeau, dans un autre hémisphère [...] Une simple journée a modifié en quelque sorte tous mes projets d’avenir, a donné une nouvelle dimension à la peur et à l’espoir, et a entremêlé mon destin à celui de personnes étrangères et à un pays étranger. »
Hormis une brève visite en Grande-Bretagne en 1792, lors de son premier mariage, Brown passa presque huit ans en Nouvelle-Écosse. L’évêque Charles Inglis* le décrivit comme « un jeune Écossais ingénieux et affable » ; il était en effet brillant prédicateur et très en vue dans les cercles intellectuels et sociaux. La période durant laquelle il exerça son ministère fut baptisée l’âge d’or de St Matthew, car c’est alors que la congrégation prit de l’importance. Brown fit beaucoup pour combler le fossé qui divisait ses fidèles entre congrégationalistes et presbytériens, ou entre ceux qui venaient de Nouvelle-Angleterre et d’Écosse. Il tenta également de régler les désaccords qui régnaient au sein du presbytérianisme dans d’autres régions de la province, comme le révèle sa correspondance avec le révérend James Drummond MacGregor, l’intransigeant ministre anti-burgher de Pictou. Son doctorat en théologie, qui lui fut décerné en 1788 par l’University of Edinburgh, assit sa réputation dans la colonie. La place qu’il s’était faite dans la société de Halifax se refléta dans le fait qu’il fut aumônier de la North British Society, ainsi que des forces armées et de la marine.
William Robertson avait recommandé Brown pour le poste qu’il obtint à Halifax ; ce célèbre historien écossais fut apparemment son mentor intellectuel et aviva peut-être son goût de l’histoire. Brown travailla ardemment comme ministre de l’Évangile en Nouvelle-Écosse, mais il consacra une large part de ses loisirs à recueillir et à étudier des documents historiques. Au cours de ses recherches, il puisa également dans les souvenirs et observations de plusieurs de ses contemporains, dont Brook Watson*, Isaac Deschamps* et Hugh Graham. Sa collaboration avec l’historien américain Jeremy Belknap, fondateur de la Massachusetts Historical Society (dont Brown fut élu membre correspondant en 1793), l’encouragea à entreprendre une étude historique exhaustive. Il y fut peut-être incité par le fait que Robertson devenait incapable avec l’âge de terminer la partie de son histoire du Nouveau Monde qui traitait de l’Amérique du Nord. Quoi qu’il en soit, sa première intention avait été d’écrire une histoire de la Nouvelle-Écosse, mais il ne tarda pas à élargir son projet pour y inclure l’ensemble de l’Amérique du Nord.
Brown se fit une réputation d’érudit qui dépassa vite les frontières de la Nouvelle-Écosse. En 1791, il se rendit à Philadelphie où il rencontra le célèbre médecin Benjamin Rush, qui le définissait comme « un homme de génie, de savoir et d’observation » ; ce fut au cours de cette visite qu’il se lia d’amitié avec Belknap. Il ne limita pas ses recherches historiques aux documents disponibles en Amérique du Nord britannique et aux États-Unis mais, dès 1792, il travailla par intermittence à Londres sur des registres officiels britanniques. Après avoir quitté la Nouvelle-Écosse, sa recherche incessante de documents le conduisit même plus d’une fois à Paris. Brown était un véritable savant, doté d’un talent de narrateur, d’un sens critique et de l’art des comparaisons ; de plus, il abordait toute question d’un point de vue aussi bien international que national ou local. Cependant, son histoire de l’Amérique du Nord ne fut jamais achevée ni publiée, même s’il en rédigea trois brouillons. La négligence des membres de sa famille occasionna la perte de bon nombre de ses documents ; le reste est aujourd’hui réparti surtout entre la British Library de Londres et l’Edinburgh University Library. Plusieurs historiens du Canada, notamment John Bartlet Brebner, prisèrent certains documents que Brown avait découverts ainsi que la façon dont il les avait traités.
Conservateur de nature et porté à critiquer la Révolution américaine et la Révolution française, Brown manifesta néanmoins une vive sympathie pour les opprimés, qu’il s’agisse des Acadiens, des Indiens ou des villageois écossais que les pressions économiques et sociales avaient « conduits à l’atelier ou dans la brousse d’un nouveau monde ». En tant qu’historien de la Nouvelle-Écosse, il se distingue des auteurs des générations suivantes, comme Thomas Chandler Haliburton*, Beamish Murdoch* et Duncan Campbell*, par ses propos sympathiques aux Acadiens et son analyse subtile de la Déportation. Avant cette expulsion, l’Acadie était à ses yeux une société paisible, idyllique, un « paradis perdu », et une grande partie de son manuscrit consiste en une étude détaillée de la vie des Acadiens avant 1755. Il admirait beaucoup l’administrateur de la colonie durant les années 1740, Paul Mascarene*, pour le tact et la compassion dont il avait fait preuve envers les Acadiens. Il écrivit d’ailleurs en marge de son texte : « J’aime Mascarene ». Par contre, il critiqua durement le gouverneur intérimaire Charles Lawrence* pour le rôle qu’il avait joué dans la déportation des Acadiens. Brown considérait cette mesure comme une perturbation absolument injustifiable, et il s’attarda longuement aux souffrances que les Acadiens avaient subies au cours de leur exil. Mais il ne se contenta pas de moraliser. La conclusion à laquelle il arriva après s’être plongé dans ses documents était que l’expulsion des Acadiens n’avait pas été le seul fait de Lawrence, mais de sa coopération avec le Conseil de la Nouvelle-Écosse dominé par des intérêts bostoniens. L’idée selon laquelle la Nouvelle-Angleterre avait joué un rôle important dans la tragédie de 1755 devait ensuite être brillamment exposée par Brebner dans New England’s outpost [...]. Il semble que Brown influença également Brebner par la façon dont il jugeait les efforts de neutralité que firent les Acadiens au cours des années précédant leur expulsion. Le thème de la neutralité acadienne occupe une place importante dans New England’s outpost, et Brebner le reprit aussi dans The neutral Yankees of Nova Scotia [...], un classique, pour éclairer une période subséquente de l’histoire de la Nouvelle-Écosse.
En 1795, Brown retourna en Écosse ; le hasard voulut qu’il voyage à bord du même navire que le prince William Henry, sur qui il fit une telle impression que celui-ci le recommanda en 1801 pour une chaire à l’université. Après avoir exercé le ministère à Lochmaben de 1795 à 1799, Brown desservit deux églises d’Édimbourg : New Greyfriars en 1799 et 1800 puis, jusqu’à sa mort en 1834, High Kirk of St Giles (communément appelée cathédrale St Giles). En 1813, il fut nommé modérateur de l’Église d’Écosse. Grâce à la recommandation du prince en 1801, il devint professeur de rhétorique et de belles-lettres à l’University of Edinburgh. Cette nomination s’avéra presque un désastre en soi. Apparemment, Brown devait non seulement assurer son enseignement, mais aussi faire face à des problèmes de santé et de famille ainsi que répondre aux demandes de ses fidèles à Édimbourg ; de plus, son histoire de l’Amérique du Nord s’alourdissait sans cesse de nouveaux documents.
Andrew Brown visait à un haut degré d’excellence dans sa tâche d’historien. On trouve d’ailleurs, à la fin de son analyse de la Déportation, une remarque révélatrice : « la dernière phrase doit être modifiée [...] Je peux faire mieux. » Malheureusement, sa recherche de perfection n’aboutit qu’à une maigre liste de publications : trois sermons à Halifax, ainsi que deux sermons et un court hommage à un collègue enseignant d’Édimbourg. Bien que non dénués d’intérêt en tant que reflets et observations de son époque, ces ouvrages ne rendent pas justice à celui qui aurait pu prendre la relève de William Robertson comme historien de l’Amérique du Nord ou produire, avant Haliburton en 1829, la première histoire de la Nouvelle-Écosse.
Les ouvrages publiés d’Andrew Brown comprennent : A discourse delivered before the North-British Society, in Halifax, Nova-Scotia [...] (Halifax, 1791) ; A sermon, on the dangers and duties of the seafaring life ; preached before the Protestant dissenting congregation, at Halifax [...] (Boston, 1793) ; The perils of the time, and the purposes for which they are appointed ; a sermon [...] (Halifax, 1795) ; Love of country explained and illustrated ; a sermon [...] (Édimbourg, 1801) ; The standard of excellence established in the Gospel ; a sermon [...] (Édimbourg, 1810) ; et Notice of the life and character of Alexander Christison, A.M., late professor of humanity in the University of Edinburgh (Édimbourg, 1820). De plus ses notes intitulées « The Acadian French » ont paru dans N. S. Hist. Soc., Coll., 2 (1881) : 129–160 ; et sa correspondance avec Jeremy Belknap dans « The Belknap papers », Mass. Hist. Soc., Coll. (Boston), 6e sér., 4 (1891) : 521–615. Les principales collections de papiers de Brown se trouvent à la BL, Add. mss 19071–19076, et à l’Edinburgh Univ. Library, Special Coll. Dept., Gen. 154–159.
BL, Add. mss 19069–19070.— Dalhousie Univ. Arch. (Halifax), DAL, MS-1-1, C-1 (Dalhousie College, letter-book, 1818–1820 : 13–30.— The matriculation albums of the University of Glasgow from 1728 to 1858, W. I. Addison, compil. (Glasgow, Écosse, 1913).— Scott et al., Fasti ecclesiœ Scoticanæ, 1.— The university portraits, D. T. Rice et Peter Mclntyre, compil. (Édimbourg, 1957).— W. P. Bell, The « foreign Protestants » and the settlement of Nova Scotia [...] (Toronto, 1961).— J. B. Brebner, The neutral Yankees of Nova Scotia, a marginal colony during the revolutionary years (New York, 1937 ; réimpr., [ 1970]) ; New England’s outpost : Acadia before the conquest of Canada (New York et Londres, 1927 ; réimpr., Hamden, Conn., 1965, et New York, [1973]).— Alexander Grant, The story of the University of Edinburgh during its first three hundred years (2 vol., Londres, 1884).— William Hunter, Biggar and the house of Fleming ; an account of the Biggar district, archœological, historical, and biographical (2e éd., Édimbourg, 1867).— Nancy McMahon, « Andrew Brown and the writing of Acadian history » (thèse de m.a., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1981).— George Shepperson, Edinburg and Canada : two Brown studies (Édimbourg, 1985).— J. B. Brebner, « The Brown
George A. Shepperson, « BROWN, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brown_andrew_6F.html.
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Auteur de l'article: | George A. Shepperson |
Titre de l'article: | BROWN, ANDREW |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |