BROUSSEAU, JOSEPH-ONÉSIME, prêtre catholique et missionnaire agricole, né le 22 juillet 1853 à Sainte-Hénédine, Bas-Canada, fils de Joseph Brousseau, cultivateur, et de Flavie Gagnon ; décédé le 18 avril 1920 à Saint-Damien-de-Buckland, Québec.
Dès son enfance, Joseph-Onésime Brousseau se fait remarquer par sa piété et l’attrait qu’il éprouve pour la prêtrise. Ses parents encouragent cette inclination et l’orientent vers des études classiques qu’il entreprend au collège de Lévis (1866–1869) et poursuit au petit séminaire de Québec (1869–1875). Brousseau laisse dans cet dernier établissement le souvenir d’un élève effacé, un peu paysan, mais sociable, travailleur et pieux. Il fait sa théologie au grand séminaire de Québec de 1875 à 1878 et est ordonné prêtre le 30 novembre 1878. Nommé vicaire à Saint-Gervais, il doit aller se reposer dans sa famille en 1881, à la suite d’une trop grande activité pastorale. L’année suivante, il est tour à tour auxiliaire à la paroisse Notre-Dame-Auxiliatrice (à Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland), où il assure la desserte des missions de Saint-Philémon et de Saint-Damien, et desservant à Saint-Lambert-de-Lauzon. Quand Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau*, érige la mission de Saint-Damien en paroisse le 28 septembre 1882, il en est nommé curé.
Située sur la rive sud du Saint-Laurent, loin des voies ferrées et mal desservie par le réseau routier, Saint-Damien, paroisse isolée au pied des Appalaches, rassemble tout au plus une centaine de familles qui tirent leur subsistance d’un sol accidenté et rocailleux. Dès son arrivée, Brousseau entreprend d’imprimer un élan à sa paroisse. Au printemps de 1883, il met en chantier la construction d’une église, qui sera suivie, en 1886, de la construction d’une chapelle dédiée à sainte Anne, en qui il voit la protectrice de ses entreprises. Son père vient quelques années l’aider à mettre en culture les terres de la fabrique. Lui-même donne des conférences sur l’art agricole, introduit la culture fruitière et concourt à l’établissement d’un aqueduc, d’une beurrerie et d’un moulin à scier. Pour Brousseau, restaurer la vie rurale par l’amélioration des pratiques culturales et des industries domestiques, par la mise sur pied de petites entreprises et de services communautaires, c’est concourir à l’avancement tout autant du royaume de Dieu que de la patrie. Sa visée rejoint l’idéologie et les buts de la Société de colonisation du diocèse de Québec, fondée en 1880.
En août 1892, avec l’aide de Virginie Fournier, institutrice de Fall River, au Massachusetts, originaire de Pointe-Lévy (Lévis, Québec) et formée à la vie religieuse par les Religieuses de Jésus-Marie, Brousseau fonde la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours à qui il entend confier l’hospice, l’orphelinat et l’école qu’il projette d’établir. Sous la direction de Virginie Fournier, devenue mère Saint-Bernard, le projet du curé Brousseau prend corps rapidement. Les religieuses assument la charge des classes du village dès septembre et, le 21 novembre, elles s’installent dans la première aile du couvent que le curé a fait bâtir. Vieillards et orphelins commencent à arriver : ils sont déjà 22 le 15 décembre.
Pour subvenir à ses œuvres, le curé n’a d’autre choix que d’aller dans les paroisses du diocèse mendier des aumônes de porte en porte. Ses absences répétées, et de plus en plus prolongées, causent des problèmes. Le cardinal Taschereau le décharge de sa cure en 1896 et le nomme prédicateur diocésain de l’œuvre des orphelinats agricoles à Saint-Damien. C’est que le curé Brousseau a mûri son projet initial, qu’il entrevoit désormais comme un modèle applicable à l’ensemble de la province. L’idée de base consiste à intensifier le mouvement de colonisation en préparant les orphelins des villes et des campagnes à la vie rurale : des « petits » orphelinats, qui regrouperaient des orphelins de moins de 12 ans, garçons et filles, donneraient une formation religieuse, une instruction primaire et une initiation pratique à la vie rurale ; d’autres « grands » orphelinats, sorte d’écoles d’agriculture, d’écoles d’arts et de métiers, et de fermes-modèles, accueilleraient des garçons de 12 à 19 ans, tandis que, les jeunes filles se prépareraient à devenir les vaillantes épouses des futurs colons dans des sortes d’écoles ménagères ; enfin, des centres de colonisation, constitués de lots alloués par le gouvernement, seraient mis en valeur par les orphelins au terme de leur formation.
Brousseau entreprend allègrement de concrétiser son projet. En 1896, il met en chantier la dernière aile du couvent des sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours, qui sera terminée en 1898 puis, en attendant que le grand orphelinat dont il rêve soit construit, il fait bâtir en 1903 un hospice afin que les orphelins aient plus de place dans le couvent. Pour s’occuper des garçons de 12 à 19 ans, il a fondé en 1902, avec le concours de Joseph-A. Audet, jeune homme originaire de Saint-Sébastien, et formé à l’école militaire de Montréal, les frères de Notre-Dame des Champs. D’abord logés dans le couvent des sœurs, les recrues s’installent le 18 mai 1903 dans le monastère que Brousseau a fait construire au lac Vert, à quelques milles de Saint-Damien. Le 14 septembre, six postulants prennent l’habit. Les Frères de Notre-Dame des Champs auront pour mission de travailler la terre, d’enseigner l’agriculture scientifique et d’être un exemple de vie pour les orphelins.
Des œuvres aussi florissantes excitent-elles l’ire du Malin ? Le curé Brousseau le croit. Le 28 novembre 1905, un violent incendie détruit le couvent des sœurs, la chapelle et divers bâtiments. Dès le printemps suivant, les travaux de reconstruction débutent et Brousseau reprend son bâton de pèlerin. Ses tournées de collecte de fonds dans plus de 170 paroisses l’épuisent. À Thetford Mines, le 2 avril 1910, une attaque de paralysie le laisse diminué physiquement. Il doit espacer ses voyages et s’en tenir à ne quêter que dans les églises. Bientôt, il ne lui reste que l’apostolat de la souffrance. À compter de 1911, il vit chez les Frères de Notre-Dame des Champs, qu’il ne cesse d’encourager de ses conseils. Le cardinal Louis-Nazaire Bégin* le fait chanoine honoraire du chapitre métropolitain de Québec en juin 1915. Il meurt le 18 avril 1920, victime d’une autre attaque de paralysie et est inhumé le 22 dans un tombeau de briques sous la chapelle Sainte-Anne qu’il a fait construire.
Auréolé d’une réputation de sainteté, le curé Joseph-Onésime Brousseau, à qui l’on attribue, plusieurs guérisons surprenantes, est l’objet d’un culte populaire après sa mort. On l’appelle le dom Bosco du Canada, sans doute parce que, à l’instar du saint italien, il s’est préoccupé toute sa vie des enfants abandonnés et qu’il a fondé deux communautés pour prolonger son action. Une foi sans faille en la Providence, l’acceptation sereine des joies et des peines quotidiennes comme voie ascétique, et le sentiment d’un combat personnel entre lui et le Malin caractérisent sa spiritualité. Sa devise était Deus providebit (Dieu y pourvoira). Par son action de tous les jours, le curé Brousseau a transformé une paroisse rurale, donné un toit à des centaines de vieillards et d’orphelins. À sa mort, l’institut des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours compte 230 membres, 24 établissements d’enseignement et héberge 153 enfants et 60 vieillards. L’état florissant de cette communauté contraste avec la situation précaire des Frères de Notre-Dame des Champs qui n’arrivent pas à recruter de membres, à incarner leur rôle de frères colonisateurs et à obtenir une aide gouvernementale substantielle pour leurs entreprises. Les temps sont plutôt à l’industrialisation, à la prise en charge par l’État des écoles techniques, des écoles d’agriculture et des écoles d’arts et métiers, à la professionnalisation des métiers. Les visées colonisatrices de Brousseau et le rôle qu’il assignait à l’Église dans la formation de la main-d’œuvre sont dépassés. En 1931, Mgr Georges Courchesne*, évêque de Rimouski, fusionne les Frères de Notre-Dame des Champs avec les Clercs de Saint-Viateur.
AAQ, 61 CD, Saint-Damien, I : 29–31, 58–60, 85, 96, 98, 100, 115, 145, 155A ; II : 125.— ANQ-Q, CE6-16, 22 juill. 1853.— Arch. des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours (Saint-Damien-de-Buckland, Québec), Annales de la congrégation ; Écrits du fondateur, J.-O. Brousseau ; Reg. des pèlerinages.— Arch. du collège de Lévis, Québec, Fichier des étudiants.— La Semaine religieuse de Québec, 22, 29 avril 1920.— Le Canada ecclésiastique [...] (Montréal), 1902–1920.— Alphonse Désilets, le Miracle de St-Damien, 1892–1944 [...] (Montmagny, Québec, 1945).— Tharsile Fortier, le Mendiant des pauvres ; spriritualité du père Brousseau (Saint-Damien-de-Buckland, 1989).— Julienne Gosselin, Une maison bâtie sur le roc : la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours (Sainte-Foy, Québec, 1992).— Jeannette Mercier, Femme d’un grand amour... Virginie Fournier (mère Saint-Bernard) (Saint-Romuald, Québec, 1979).— A.-M. Plourde, « les Pierres crieront », le Rosaire (Montréal), 74 (oct.–nov. 1969), numéro contenant un seul article consacré entièrement à Virginie Fourrier, dite Saint-Bernard.— J.-A. Plourde, Mère Saint-Bernard, fondatrice des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours ([Montréal, 1981]).— St-Damien-de-Buckland, 1882–1982 ; route des montagnes (Québec, 1982).— Vie admirable du chanoine Joseph-Onésime Brousseau, fondateur de la congrégation des Sœurs de N.-D. du Perpétuel Secours de Saint-Damien (Bellechasse) (3e éd., Québec, 1932).
Michèle Brassard et Jean Hamelin, « BROUSSEAU, JOSEPH-ONÉSIME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brousseau_joseph_onesime_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
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