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BROOKS, HARRIET (elle signa deux publications H. T. Brooks) (Pitcher), professeure et physicienne nucléaire, née le 2 juillet 1876 à Exeter, Ontario, fille de George Brooks, voyageur de commerce, et d’Elizabeth Agnes Worden ; le 13 juillet 1907, elle épousa à Londres Frank Henry Pitcher, ingénieur civil, et ils eurent deux fils et une fille ; décédée le 17 avril 1933 à Montréal.
Troisième de neuf enfants, Harriet Brooks passa son enfance avec sa famille à différents endroits en Ontario et au Québec. À une certaine époque, elle fréquenta le Seaforth Collegiate Institute, en Ontario. Ses parents finirent par élire domicile à Montréal, et sa mère l’encouragea, ainsi que ses sœurs, à continuer ses études. En 1894, Harriet s’inscrivit à la McGill University ; son programme se concentrait principalement sur la physique. Ses succès scolaires furent couronnés de prix et de bourses qui lui permirent de poursuivre sa formation. En 1898, elle reçut une licence ès arts avec mention très bien en mathématiques et philosophie de la nature, et remporta la médaille d’or Anne Molson pour résultats exceptionnels en mathématiques.
Une fois son diplôme obtenu, Mlle Brooks fut invitée à se joindre au groupe de recherche du professeur Ernest Rutherford qui venait d’arriver du Cavendish Laboratory de la University of Cambridge. Ce dernier avait été attiré outre-Atlantique par le nouveau Macdonald Physics Building de McGill, conçu par Andrew Thomas Taylor. Pour son mémoire de maîtrise, Brooks entreprit des recherches dans le domaine de l’électricité et du magnétisme. En 1901, elle reçut le premier diplôme de maîtrise accordé à une femme en physique à la McGill University. Tout au long de ses études, elle avait enseigné au Royal Victoria College, établissement pour femmes affilié à McGill.
En 1900, Mlle Brooks amorça des travaux dans une nouvelle voie : l’étude des émanations de substances radioactives telles que le thorium. À l’époque, les avis étaient partagés sur la nature de ces émissions : gaz, vapeur ou fines particules. Mlle Brooks démontra qu’il s’agissait en fait d’un gaz de poids moléculaire beaucoup plus faible que celui du thorium. Ce ne pouvait donc être simplement la forme gazeuse du même élément. Sa découverte amena Rutherford et Frederick Soddy, moniteur de chimie, à se rendre compte qu’un élément s’était transmué en un autre. Mlle Brooks fut la première personne à décrire les caractéristiques de ce gaz, qu’on appellerait le radon.
Mlle Brooks obtint une bourse de recherche en 1901 pour faire des études de doctorat en physique au Bryn Mawr College, en Pennsylvanie. À cette époque, ce collège abritait la quatrième plus grande école d’études supérieures pour femmes aux États-Unis. Au cours de l’année qu’elle y passa, Mlle Brooks reçut le prestigieux Bryn Mawr European Fellowship, qu’elle choisit d’utiliser à Cambridge, au laboratoire de Joseph John Thomson. Même si ses recherches sur les rayons émis par le radium et le thorium avançaient bien, elle n’avait pas de mentor (rôle que Rutherford avait joué à McGill) ; elle perdit confiance en elle-même et en vint à croire que ses compétences scientifiques étaient insuffisantes pour lui permettre de poursuivre ses études de doctorat. Elle retourna à McGill pour reprendre ses travaux de recherche avec Rutherford et son enseignement au Royal Victoria College.
La découverte suivante de Mlle Brooks, aussi essentielle que la précédente, portait sur le fait que la radioactivité pouvait être transférée d’une surface à une autre. Plus tard, on expliquerait le phénomène par le recul du noyau de l’atome radioactif ; autrement dit, quand une particule est expulsée d’un noyau, celui-ci se projette dans la direction opposée, parfois avec suffisamment d’énergie pour s’échapper de sa position et pénétrer une autre surface. L’effet de recul fut utilisé ultérieurement par des chercheurs tels qu’Otto Hahn et Lise Meitner pour isoler des éléments de filiation précédemment inconnus dans des séquences de désintégration radioactive. La troisième découverte de Mlle Brooks avait trait à la libération séquentielle de radiations pendant la désintégration de l’uranium et du thorium. Cette information constitua le thème de la Bakerian Lecture de 1904, que Rutherford prononça devant la Royal Society de Londres. Le chercheur exposa les transmutations successives des éléments radioactifs lourds pendant le processus de désintégration. Dans son discours, il reconnut comme il se devait la contribution de Mlle Brooks.
En 1904, Mlle Brooks quitta de nouveau la McGill University. Elle accepta un poste de directrice d’études en physique au Barnard College, établissement pour femmes affilié au Columbia College de New York. En juillet 1906, elle annonça ses fiançailles avec Bergen Davis, professeur de physique au même collège. Convaincue qu’une femme ne pouvait pas remplir simultanément des responsabilités maritales et professionnelles, la doyenne du Barnard College, Laura Drake Gill, exigea sa démission. Dans une lettre à sa supérieure, Mlle Brooks se défendit brillamment, mais le problème perdit sa pertinence quand elle rompit ses fiançailles. Elle avait décidé de laisser le Barnard College de toute façon. Elle partit cette année-là s’installer dans un refuge tenu dans les Adirondacks par les socialistes fabiens John Martin et sa femme, Prestonia Mann Martin. Parmi les autres invités se trouvaient l’écrivain russe Maxime Gorki et des membres de son entourage. Mlle Brooks avait peut-être fait la connaissance des Martin après une causerie donnée au Barnard College par leur invitée, Maria Fiodorovna Andreïeva, conjointe de fait de Gorki. Mlle Brooks voyagea de New York à Capri, en Italie, avec le groupe de Gorki. Après un bref séjour dans cette île, elle se rendit à Paris où elle entreprit des recherches avec Marie Curie, à l’Institut du radium.
Au début de 1907, Rutherford accepta un poste à la Victoria University de Manchester, en Angleterre, et offrit à Harriet Brooks une bourse prestigieuse afin qu’elle puisse se joindre à son groupe de recherche. Elle démissionna de son poste à Paris, mais écrivit ensuite à Rutherford pour l’informer qu’elle était fiancée et qu’elle refusait la bourse. Le prétendant était son ancien moniteur de laboratoire au premier cycle à la McGill University, Frank Henry Pitcher, qui, depuis six mois, lui envoyait des lettres dans lesquelles il lui déclarait sa flamme. Le mariage eut lieu en Angleterre, puis le couple retourna à Montréal, où Harriet Pitcher assuma les responsabilités d’épouse et de mère. Elle avait douté de la possibilité de trouver du travail à long terme comme chercheuse en physique et, après le départ de Rutherford, les recherches sur la radioactivité à McGill avaient vite cessé. De plus, ses deux amies intimes, Mme Martin et la femme de Rutherford, Mary Georgina, partageaient des points de vue traditionnels sur le rôle des femmes. Même si Mme Pitcher abandonna la physique, elle fut membre fondatrice du University Women’s Club de Montréal. En 1907, elle adhéra au Women’s Canadian Club ; elle y agirait à titre de secrétaire honoraire en 1909–1910 et en 1911–1912, et de présidente en 1923. Elle participa aux activités de l’Alumnae Society de la McGill University et, en 1910, prononça devant les membres une conférence sur les travaux de Mme Curie. Elle mourut à l’âge de 56 ans, probablement à cause de son exposition aux éléments radioactifs. Elle fut intronisée au Panthéon canadien des sciences et du génie en 2002.
Cette biographie repose sur notre ouvrage intitulé Harriet Brooks : pioneer nuclear scientist (Montréal et Kingston, Ontario, 1992). Harriet Brooks est l’auteure de : « Damping of electrical oscillations », SRC, Mémoires, 2e sér., 5 (1899), sect. iii : 13–15 ; « A volatile product from radium », Nature (Londres), 21 juill. 1904 : 270 ; et « The decay of the excited radioactivity from thorium, radium, and actinium », London, Edinburgh, and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science (Londres), 6e sér., 8 (1904) : 373–374. Sous la signature H. T. Brooks, elle a publié avec Ernest Rutherford : « The new gas from radium », SRC, Mémoires, 2e sér., 7 (1901), sect. iii : 21–25, et « Comparison of the radiations from radioactive substances », London, Edinburgh, and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, 6e sér., 4 (1902) : 1–23.
Marelene Rayner-Canham et Geoff Rayner-Canham, « BROOKS, HARRIET (H.T. Brooks) (Pitcher) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brooks_harriet_16F.html.
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Auteur de l'article: | Marelene Rayner-Canham et Geoff Rayner-Canham |
Titre de l'article: | BROOKS, HARRIET (H.T. Brooks) (Pitcher) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |