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BRESSE, GUILLAUME, homme d’affaires, plus particulièrement manufacturier de bottes et de chaussures, et homme politique, né le 2 février 1833 à Saint-Mathias, près de Chambly, Bas-Canada, fils de Charles Bresse et de Marie Rocheleau ; décédé célibataire le 30 janvier 1892 à New York, au cours d’un voyage pendant lequel il contracta la fièvre jaune, et inhumé le 8 février à Québec.
Guillaume Bresse, fils d’un cultivateur, a deux frères et trois sœurs. Une partie de cette famille émigre aux États-Unis, notamment les trois filles qui y épousent des compatriotes francophones. Bresse lui-même, semble-t-il, réside plusieurs années au Massachusetts, où il se lie d’amitié avec Louis et Georges Côté, avant de venir au début des années 1860 s’établir à Québec.
En 1863, Bresse et ses deux amis se lancent en affaires sous la raison sociale de Côté and Bresse. Ils ouvrent un petit atelier de réparation de chaussures, situé côte d’Abraham, dans le quartier Saint-Jean. Leur association prend fin en 1866. Bresse installe alors son entreprise rue Desfossés, dans le quartier Jacques-Cartier, puis deux ans plus tard rue Saint-Paul, dans le quartier Saint-Pierre. En 1871, il fait ériger au coût de 11 304 $ une manufacture à l’intersection des rues Saint-Antoine (boulevard Charest) et du Vieux-Pont (rue Dorchester). Construite en pierre et en brique, cette bâtisse compte trois étages et est pourvue d’une aile avec cheminée qui abrite sa nouvelle source centrale d’énergie, une machine à vapeur.
En dépit de ce que certains ont affirmé, Bresse n’est pas le pionnier de la cordonnerie mécanisée à Québec. Ce titre revient plutôt à la famille Woodley, propriétaire de deux manufactures qui produisent en 1871 pour 600 000 $ de bottes et de chaussures, tandis que la valeur de la production de Bresse ne se chiffre qu’à 165 000 $. En outre, à cette époque, même si ce dernier emploie au delà de 200 travailleurs, les Woodley en embauchent quelque 800 de plus. Toutefois, Bresse surmonte la crise économique des années 1870 qui fauche plusieurs producteurs, dont les Woodley.
À l’aube des années 1880, de nouveaux manufacturiers de chaussures, comme John Henderson Botterell et John Ritchie, font leur apparition à Québec. La plupart d’entre eux tentent de concurrencer Bresse et Louis Bilodeau, les deux plus importants fabricants. Grâce à la Politique nationale que sir John Alexander Macdonald instaure en 1879 et qui profite à l’ensemble des producteurs de chaussures québécois, Bresse voit ses ressources financières augmenter sans cesse au cours des années 1880. Évaluées entre 50 000 $ et 75 000 $ en 1879, elles atteignent 300 000 $ à 400 000 $ dix ans plus tard. C’est durant cette période que Bresse consolide ses positions commerciale et industrielle.
En 1881, Bresse agrandit sa manufacture en faisant construire une nouvelle bâtisse rue Sainte-Hélène, voisine de sa maison de brique érigée cinq ans plus tôt. En 1882, il loue les troisième et quatrième étages de cette annexe à James E. Woodley pour 1 200 $ annuellement avec le droit d’utiliser la source centrale d’énergie. Cinq ans plus tard, le loyer est porté à 2 400 $ par année. Toutefois, en 1889, le bail prend fin par suite de la faillite du locataire, et Bresse obtient toutes les machines et le fonds de commerce de Woodley. La même année, il commence à louer une autre aile, qu’il a fait construire en 1888 au coût de 5 151 $. En outre, Bresse possède une manufacture à Saint-Hyacinthe ; en 1891, il loue cette bâtisse et son installation hydraulique pour 1 014 $ par année à Joseph-Amable et Magloire Côté. De plus, il vend à la J.-A. and M. Côté pour 7 160 $ la machinerie et les outils qu’il a acquis de la faillite de la James Aird and Company.
Au cours des années 1880, Bresse continue à consentir des prêts, pratique à laquelle il recourt depuis la fin des années 1860. Ainsi, en 1882, finance-t-il la Richard Jacques and Company et fournit-il 12 000 $ aux associés de la A. Pion and Company en vue de financer la construction d’une mégisserie rue Prince-Édouard, dans le quartier Saint-Roch ; ces derniers débiteurs s’acquitteront de leur dette en 1890.
Sur le plan des débouchés, Bresse déborde le marché local et, notamment en 1883, il expédie pour plus de 22 000 $ de marchandises à William Higgins, grossiste de Winnipeg. Cependant, il n’est pas le seul à exploiter le marché de l’Ouest et celui des Maritimes. Des entreprises montréalaises et même québécoises, comme celles d’Octave Migner et de Botterell, lui livrent une vive concurrence. Même des manufacturiers de moindre importance, tels Jobin and Rochette ou la Levis Manufacturing Company, emploient des commis voyageurs afin d’écouler leur production sur le marché canadien.
Durant les années 1880, Bresse investit aussi dans d’autres secteurs. Il s’associe notamment au syndicat de Louis-Adélard Senécal* qui achète du gouvernement provincial puis revend à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique le tronçon Montréal-Québec du chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental. Cette spéculation lui rapporte des profits substantiels. Il en va autrement toutefois de ses investissements dans les services et les textiles : la Compagnie des élévateurs et entrepôts de Québec semble n’avoir jamais été en activité, tandis que la filature de coton et de laine Canada Worsted Company est liquidée après quelques années seulement d’exploitation et subit ainsi le même sort que d’autres firmes de ce secteur, telles la Riverside Worsted Company et celle qui lui succéda, la Quebec Worsted Company.
En dehors du monde des affaires, Bresse s’engage peu. Sur le plan politique, il fait une brève incursion au conseil municipal où il représente de 1876 à 1878 le quartier Jacques-Cartier ; sur la scène provinciale, grâce à son allégeance libérale et à l’amitié que lui porte le premier ministre Honoré Mercier, il obtient en décembre 1887 le siège des Laurentides au Conseil législatif.
À la mort de Bresse, en 1892, son actif financier de 262 275 $ se décompose ainsi : près de 63 % de comptes à recevoir, 21 % d’argent en caisse ou de dépôts bancaires, environ 12 % de créances de particuliers et, enfin, 4 % seulement d’actions de compagnies d’assurances et de fiducie et d’une société de services publics. Plus des trois quarts de ce portefeuille a d’ailleurs contribué à constituer le capital initial de la Saint-Hyacinthe Water Works. En outre, Bresse possède des biens fonciers et mobiliers évalués à 176 650 $. Les fabriques, la machinerie, les outils et la matière première nécessaire à la production représentent près de 63 % de ce montant : 80 200 $ pour la vieille manufacture de Québec, 15 000 $ pour ses rajouts et 15 000 $ également pour la fabrique de Saint-Hyacinthe. Le reste se compose d’immeubles à Winnipeg d’une valeur de 13 000 $, de fermes à Charlesbourg, près de Québec, et dans la municipalité de Saint-Roch-de-Québec-Nord (Québec) (23 025 $), de sa résidence (14 000 $), ainsi que de diverses autres propriétés dans le quartier Jacques-Cartier et à Saint-Roch-de-Québec-Nord (15 000 $).
Après la mort de Guillaume Bresse, son neveu, Olivier Bresse fils, et François Dumas s’associent en vue de continuer la production de la G. Bresse and Company. Ils bénéficient d’un prêt de 20 000 $ que leur consentent les héritiers. L’accord du 17 février 1892 prévoit aussi un loyer annuel de plus de 6 000 $, les autres frais (notamment les assurances) en sus, l’interdiction de modifier la raison sociale avant 20 ans et le remboursement étalé sur 10 ans du capital et des intérêts. En retour, les associés obtiennent le droit d’exploiter la manufacture ainsi qu’une promesse de cession. Dès le 28 juin, Dumas se désiste et, le 5 juillet, c’est le comptable Louis-Eugène-Hercule Lapointe qui le remplace. Cependant, par suite d’une mésentente avec les héritiers, qui entraîne en 1896 un remboursement prématuré de 60 120 $ et un arrêt prolongé de la production, Olivier Bresse éprouve d’insurmontables difficultés financières et est acculé à la faillite en 1897. L’année suivante, la manufacture est vendue aux enchères. Georges-Élie Amyot, qui l’acquiert pour 21 500 $, la revendra 300 000 $ en 1907 aux actionnaires de la Dominion Corset Company dont il est l’un des fondateurs.
AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Roch, 8 févr. 1892 ; Minutiers, É-J. Angers, 7 janv., 27 juill. 1881, 6–7 févr., 19 août 1882, 8 sept. 1883, 7 oct. 1886, 2 mars 1887, 23 juin 1888, 3 avril, 24 juill. 1889, 1er–2 mai, 3 juin 1890, 29 mai, 3 juill. 1891, 17, 22 févr., 28 juin, 5 juill. 1892, 24 juill. 1896, 30 août 1897 ; Augustin Vocelle, 3 mars, 20 déc. 1868, 14 juin 1871, 27 mai 1876.— ANQ-M, CE2-22, 3 févr. 1833.— BE, Québec, reg. B, 185, no 96627 ; 186, no 98346 ; 188, no 99742 ; 222, no 121098.— Bradstreet Commercial Report, John Bradstreet, édit. (New York), 1879 ; 1889.— Gazette officielle de Québec, 25 sept. 1897.— L’Événement, 1er févr. 1892.— La Presse, 4 mars 1896.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth).— J. Desjardins, Guide parl., 71.— Quebec directory, 1865–1866 ; 1868–1869.— RPQ.— Turcotte, le Conseil législatif, 226.— Jean Benoit, « le Développement des mécanismes de crédit et la croissance économique d’une communauté d’affaires : les marchands et les industriels de la ville de Québec au
Jean Benoit, « BRESSE, GUILLAUME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bresse_guillaume_12F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Benoit |
Titre de l'article: | BRESSE, GUILLAUME |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |