BRASSIER, GABRIEL-JEAN, prêtre, supérieur des sulpiciens de Montréal et vicaire général, né le 26 août 1729 à La Tour (dép. du Puy-de-Dôme, France), décédé le 20 octobre 1798 à Montréal.

Entré au grand séminaire de Clermont-Ferrand, France, le 31 octobre 1750, Gabriel-Jean Brassier fut ordonné prêtre en 1754, probablement la veille du dimanche de la Trinité. À la demande de son supérieur, Jean Couturier, il opta tout de suite pour le Canada comme lieu d’exercice de son ministère sacerdotal et il y resta toute sa vie. Il passa les années 1754–1756 à la mission du Lac-des-Deux-Montagnes (Oka), au milieu des Algonquins, où se trouvaient déjà quelques sulpiciens. Puis il se vit confier la responsabilité de la paroisse Saints-Anges de Lachine durant la guerre de Sept Ans, de 1756 à 1763, et vécut les 35 dernières années de sa vie à la paroisse Notre-Dame de Montréal.

Dès le début des années 1780, Brassier devint le bras droit de son supérieur, Étienne Montgolfier, qu’il remplaça, en pratique, en 1789, et, définitivement, en 1791. Il assumait une quadruple responsabilité, celle de supérieur des sulpiciens, d’administrateur de leurs seigneuries, de curé ex oficio de la paroisse Notre-Dame de Montréal et de vicaire général de l’évêque de Québec. À l’encontre de son prédécesseur, Brassier manifesta un grand intérêt envers le collège Saint-Raphaël, où l’enseignement avait commencé en 1773 [V. Jean-Baptiste Curatteau]. Il trouva important de remédier à certaines lacunes relevées par le marguillier en charge, Louis Cavilhe, au cours d’une assemblée des marguilliers tenue le 6 septembre 1789. La méthode employée dans cette institution depuis une quinzaine d’années et consistant à préparer à l’état clérical ceux qui en avaient la vocation n’avait pas répondu aux espérances que suscitait un collège appartenant au public. Beaucoup d’anciens élèves retournaient dans leur famille, dédaigneux du métier de leur père et inaptes à quelque travail que ce fût ; ils devenaient des membres inutiles et souvent des sujets de scandale. Le porte-parole des marguilliers et des citoyens de Montréal proposa donc que le collège, sous l’autorité du supérieur des sulpiciens et des marguilliers en exercice, fût doté de professeurs, non seulement de latin, mais aussi d’écriture, de géographie, de mathématiques et d’anglais. Le supérieur et deux représentants de la fabrique devraient veiller aussi à la qualité de l’enseignement et aux affaires ordinaires ; dans le cas de dépenses importantes, ils auraient à s’en remettre au corps des marguilliers. Ces revendications se justifiaient, les paroissiens ayant pris sur eux, dès 1773, d’assumer le coût du terrain et celui de la construction du collège.

Dès le lendemain de cette assemblée, Brassier intervint auprès de Mgr Hubert en vue d’améliorer la situation scolaire à Montréal. Très peu de temps après, Jean-Baptiste Curatteau démissionna de son poste de directeur du collège pour des raisons de santé et il fut remplacé par son confrère sulpicien, Jean-Baptiste Marchand*. Invitant les marguilliers à bien accueillir le nouveau directeur, l’évêque les assura que leurs délibérations, jugées fort judicieuses, porteraient fruit. Le principal désigné, ajoutait l’évêque, a de « l’esprit, de la vertu, du détail, et [...] méritera [...] la confiance du public » ; il serait, par ailleurs, déchargé de ses occupations à la paroisse. Mgr Hubert nomma deux nouveaux vicaires pour la paroisse de Montréal et désigna le diacre Ignace Leclerc comme professeur de rhétorique au collège. Il conseilla à Brassier de trouver un laïc, bon catholique, homme de probité et de bonnes mœurs, qui donnerait à tous les jours des leçons d’écriture et d’anglais. Leclerc pourrait, quant à lui, ajouter à sa charge deux ou trois cours de géographie par semaine et, peut-être, présider tous les soirs à une heure d’histoire. De plus, Mgr Hubert encouragea Marchand à préserver la jeunesse de la corruption du monde et à transmettre aux élèves l’honneur d’être Canadiens, d’appartenir à la religion catholique et d’être citoyens de la ville de Montréal. Il insista aussi sur une collaboration entre les sulpiciens et les marguilliers, ces derniers représentant, tout de même, les propriétaires du collège. À la fin d’octobre 1789, « la petite école de Marchand augmentait tous les jours » et, trois ans plus tard, la classe de philosophie comptait déjà 20 élèves. En octobre 1794, le collège prévoyait en accueillir plus de 184.

La renommée de Brassier repose sur sa contribution à la venue de sulpiciens français au Canada, dont avait rêvé son prédécesseur. Les vexations subies par le clergé lors de la Révolution française avaient provoqué sa grande dispersion, en particulier en Angleterre où se réfugièrent 8 000 prêtres français. L’écrivain réactionnaire Edmund Burke et le réfugié Philippe-Jean-Louis Desjardins*, vicaire général d’Orléans, obtinrent du gouvernement britannique la permission d’envoyer au Canada une commission d’enquête qui examinerait les possibilités d’établissement d’ecclésiastiques français. Jusque-là les autorités britanniques s’étaient opposées à l’entrée de tout Français au Canada ; mais cette fois, poursuivant toujours le même objectif, soit de gagner la confiance des Canadiens, elles avaient changé d’avis, convaincues que les nouveaux immigrants ne chercheraient pas à détacher les anciens Français d’un gouvernement « juste et paisible », pour les inviter à adopter un gouvernement « barbare et destructeur ». Tout en répandant une telle aversion pour la France athée et jacobine, les prêtres exilés serviraient aussi à contrecarrer la propagande républicaine des États-Unis parmi la population canadienne et, par là même, rapprocheraient celle-ci de l’Angleterre.

Mgr Hubert vit l’entreprise d’un très bon œil et songea tout de suite à pourvoir de professeurs le collège Saint-Raphaël. Brassier l’en remercia aussitôt, mais selon lui peu de vaisseaux européens s’engageraient sur l’océan, vu la possibilité d’une guerre prochaine entre la France et l’Angleterre. Il espérait tout de même que son supérieur général, Jacques-André Émery, profiterait des circonstances pour lui envoyer environ 12 confrères. Son désir fut réalisé. Candide Le Saulniers* arriva dès l’automne de 1793, alors que 13 autres sulpiciens le rejoignirent à Montréal l’année suivante. Quatre autres, réfugiés en Espagne, réussirent à traverser l’Atlantique en 1796. Parmi les 35 prêtres ou futurs prêtres ainsi arrivés au Canada en l’espace de quatre ans, plus de la moitié appartenaient à la Compagnie de Saint-Sulpice. La survie de cette dernière au Canada fut dès lors assurée.

Brassier, cet homme actif, termina ses jours frappé par la paralysie. Il avait servi de trait d’union entre le mandat difficile et délicat de son prédécesseur, Étienne Montgolfier, et celui, non moins long et tendu, de Jean-Henri-Auguste Roux*. Homme de transition, humble et discret, Brassier œuvra pour assurer à Montréal des services pastoraux adéquats, de même qu’une maison d’éducation renommée.

Lucien Lemieux

AAQ, 210 A, I : 57–58, 61, 63–65, 71–72, 125 ; II : 144, 240–241 ; 22 A, I : 107–109.— ACAM, 901.005, 773–7 ; 901.012, 784–3, 789–1, –5, 793–4, –7, –8, 794–3 ; 901.137, 792–3.— ASQ, Lettres, I, 56 ; Polygraphie, XVIII : 20.— Mandements des évêques de Québec (Têtu et Gagnon), II : 453–456. Gauthier, Sulpitiana. N.-E. Dionne, Les ecclésiastiques et les royalistes français réfugiés au Canada à l’époque de la révolution, 1791–1802 (Québec, 1905). Galarneau, La France devant l’opinion canadienne.— Lemieux, L’établissement de la première prov. eccl.— Olivier Maurault, Le collège de Montréal, 1767–1967, Antonio Dansereau, édit. (2e éd., Montréal, 1967). J.-B.-A. Ferland, L’abbé Philippe-Jean-Louis Desjardins, BRH, V (1899) : 344–346. M. G. Hutt, Abbé P. J. L. Desjardins and the scheme for the settlement of French priests in Canada, 1792–1802, CHR, XXXIX (1958) : 121. É.-Z. Massicotte, Une page de l’histoire du collège de Montréal, BRH, XXIII (1917) : 207–209. Thomas Matheson, La Mennais et l’education au Bas-Canada. RHAF. XIII (1959–1960) :477.

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Lucien Lemieux, « BRASSIER, GABRIEL-JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brassier_gabriel_jean_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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