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BRANT-SERO, JOHN OJIJATEKHA (baptisé John Sero, rebaptisé John Brant-Sero ; son nom mohawk, Ojijatekha, qu’il utilisait avec son prénom, signifie « fleur qui brûle »), célébrité mohawk, acteur, interprète et conférencier, né le 10 juin 1867 dans la réserve Six-Nations près de Brantford, Haut-Canada, premier enfant de Dennis Sero (Shero), fermier, et d’Ellen Funn ; le 29 juin 1896, il épousa Frances Baynes Kirby, née Pinder, de Fishwick (Preston, Angleterre) ; décédé le 7 mai 1914 à Londres.
Par sa mère, John Ojijatekha Brant-Sero était le descendant d’Isaac, premier fils de Joseph Brant [Thayendanegea*] ; par son père, il était issu des Agniers de la baie de Quinte. En lui se réunissaient donc les deux traditions agnières de fidélité à la couronne britannique. On sait peu de chose sur ses jeunes années, sinon qu’il fréquenta l’école de la réserve et le Mohawk Institute pour apprendre le métier de charpentier. En grandissant, il comprit la valeur de l’instruction et voulut, comme il le disait, s’initier aux « pratiques commerciales des Blancs ». Il adressa donc une requête au Conseil des Six-Nations, qui l’aida financièrement à suivre un cours commercial.
D’après son propre témoignage, Brant-Sero quitta le collège commercial avec « une assez bonne connaissance de la sténographie et une certaine dextérité à la machine à écrire ». Il alla ensuite à Toronto où, en 1888–1889, il travailla, semble-t-il, comme aide-machiniste dans une manufacture de brosses, balais et articles de bois, la Charles Boeckh and Son. À Toronto, il se prit de passion pour le théâtre. Selon ses dires, il aurait fait de la scène pendant un certain nombre d’années dans cette ville et aurait joué dans « l’une des pièces de Joe Murphy ». En août 1889, toujours à Toronto, il parla du gouvernement des Six-Nations à une réunion de l’American Association for the Advancement of Science.
En 1891, Brant-Sero se mit en route pour l’Angleterre où, toujours selon son témoignage, il fit de la scène pendant quelque temps. Il affirmait avoir participé au spectacle américain intitulé On the frontier, qui fut présenté à Liverpool au printemps de 1891. Au cours de ce séjour en Angleterre, il épousa Frances Baynes Kirby, née Pinder. Il avait 29 ans ; elle en avait 48 et était la veuve d’un ministre du culte. Comme il ne pouvait produire son certificat de baptême méthodiste, il fut rebaptisé au cours d’une cérémonie anglicane. C’est à cette occasion qu’il ajouta Brant à son nom. Le certificat de mariage indique qu’il était étudiant en théologie.
Rentré au Canada avec sa femme, Brant-Sero s’installa dans une grande maison aux abords de Hamilton, en Ontario. Manifestement, il portait un « vif intérêt aux affaires publiques, aux sports et aux réunions mondaines ». Le couple faisait « grande impression sur la société ». Le 16 octobre 1897, le Globe de Toronto consacra un article important à la gigantesque réception que les Brant-Sero donnèrent en l’honneur du soixantième anniversaire du couronnement de la reine Victoria. Ils invitèrent plusieurs centaines d’Amérindiens à camper sur leur terrain et firent rôtir tout un bœuf.
Depuis son retour, Brant-Sero avait attiré l’attention des milieux littéraires de l’Ontario en raison de sa connaissance de la langue mohawk et des mythes, chants et traditions de son peuple. Le conservateur du département d’archéologie de l’Ontario Provincial Museum à Toronto, David Boyle, l’engagea comme informateur et interprète. Dans son rapport de 1898, il disait qu’il était « l’un des Iroquois les plus brillants et les plus intelligents jamais nés dans la réserve ». Plein d’esprit, sociable et ambitieux, Brant-Sero fut élu deuxième vice-président de la Wentworth Historical Society en 1899 ainsi que de l’Ontario Historical Society, où, selon son collègue vice-président David Breakenridge Read*, il était « l’inspirateur en matière d’histoire des Six-Nations ». Cependant, son mandat fut de courte durée.
Au printemps de 1900, Brant-Sero se rendit à Chicago, puis fit aux États-Unis une tournée de conférences qui remporta un franc succès. Il agrémentait « ses conférences avec des chants indiens en version originale, puis expliqua[it] le sens des mots indiens et les particularités de la musique indienne ». Une fois, il récita un extrait d’Othello de Shakespeare en anglais et en mohawk. De toute évidence, il avait abandonné sa femme en partant pour Chicago. Plus tard en 1900, il se rendit dans la colonie du Cap pour s’enrôler dans l’un des contingents qui participaient à la guerre des Boers. On le refusa parce qu’il n’était pas d’origine européenne. Il réussit à entrer dans le personnel civil d’un dépôt de remonte, mais il finit par démissionner et par regagner l’Angleterre.
Grâce à son apparence, à son sens du théâtre et à sa facilité à s’exprimer en anglais, Brant-Sero se fit vite remarquer par la communauté scientifique de Londres. En 1900, il lut une communication devant la British Association for the Advancement of Science. La même année, un populaire illustré américain, le Leslie’s Weekly, lui consacra des articles sous la rubrique « People talked about », ce qui témoigne de l’estime dont il jouissait. En 1901, il fut élu membre de l’Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, mais il démissionna en 1902. Ses tournées de conférences en Angleterre attiraient des foules enthousiastes. Ainsi, le 13 février 1902, à Liverpool, il prit la parole devant 1 311 personnes. Son exposé, agrémenté par des pièces musicales et des projections de lanterne magique, avait pour titre « Canada and the Indians ».
Moins d’un mois après, Brant-Sero comparut devant le tribunal de police de Liverpool pour avoir négligé de subvenir aux besoins de son enfant. Se disant anthropologue et précisant qu’il se livrait à l’« étude de l’humanité [...] principalement [...] l’étude des races arriérées, les Indiens d’Amérique en particulier », il fit valoir qu’il était reconnu par des associations prestigieuses. Néanmoins, il déclara, comme pour se justifier, que, « dans un pays conservateur comme l’Angleterre, faire de l’argent était quasi impossible ». Même s’il débordait d’initiative et savait se mettre en valeur, il devait avoir du mal à soutenir l’élégant train de vie qu’il menait. On ne peut vérifier s’il fit un séjour en prison ou s’il fut finalement en mesure de payer l’amende. On sait toutefois qu’il déclara au tribunal avoir « récemment épousé à Londres une dame qui possédait un petit revenu ».
On ne connaît que quelques faits isolés concernant l’existence de Brant-Sero entre l’année 1902 et sa mort. Rapportées en 1905 dans le Journal of American Folk-lore, ses vues sur les Amérindiens du Canada et les Mohawks en particulier dénotaient de l’optimisme, un profond patriotisme et peut-être une certaine tendance à s’illusionner, car il disait que son peuple au Canada était « sur un pied d’égalité parfaite ». Le 19 mai 1906, de Bridlington, en Angleterre, il écrivit au Globe en faveur de l’élévation d’un monument à l’occasion du centenaire de la mort de son célèbre ancêtre Joseph Brant. Un an plus tard, au cours d’une conférence à Londres, il profita du centenaire pour aborder la question de l’éducation des Amérindiens en Ontario. Le 26 août 1908, il visita Folkestone, en Angleterre, où, arborant son « costume complet d’autochtone, avec un couvre-chef de plumes » et « sa chevelure de jais qui lui retombait sur la nuque », il remporta le troisième prix à un concours international de beauté masculine. En 1911, son court article sur une plante médicinale appelée o-nõ-dah par son peuple parut dans le Journal of American Folk-lore, au-dessus de la mention Hamilton, Ontario.
Brant-Sero mourut en 1914 d’une « méningite aiguë à pneumocoques » au West London Hospital, en Angleterre. Son certificat de décès indiquait qu’il était journaliste. Dans sa nécrologie, le Hamilton Spectator dit qu’il était « l’Indien mohawk le plus connu du présent siècle ».
Une bonne partie de ce que John Ojijatekha Brant-Sero a écrit sur lui-même et de ce que d’autres ont écrit à son sujet est invérifiable. Fréquenta-t-il la University of Cambridge ? Où et quand fit-il du théâtre ? Prononça-t-il en 1900 une conférence devant la Société royale de géographie de Saxe à Dresde, en Allemagne ? Qu’en était-il d’un portrait en pied, gardé au British Museum, où il était costumé ? Brant-Sero semble avoir très bien su faire la différence entre les informations authentiques qu’il donnait à Boyle et aux sociétés d’histoire et ce qu’il présentait dans des conférences publiques en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Le fait qu’il ait parlé de « races arriérées » en une occasion et d’« égalité parfaite » dans un autre contexte, tout comme l’aspect théâtral de ses conférences, suggèrent qu’il devinait fort bien ce que les auditoires composés de Blancs souhaitaient entendre et voir. Cet inlassable voyageur créa peut-être un mythe autour de lui-même, mais, à le lire, on comprend pourquoi il eut, de son vivant, autant d’admirateurs. L’ensemble de sa correspondance et de ses articles révèle en effet un personnage attachant et romantique qui sait bien s’exprimer, passionnément attaché à la couronne britannique et aux traditions du peuple mohawk.
John Ojijatekha Brant-Sero est l’auteur de « Some descendants of Joseph Brant », Ontario Hist. Soc., Papers and Records (par la suite OH), 1 (1899) : 113–117 ; « The Six-Nations Indians in the province of Ontario, Canada », Wentworth Hist. Soc., Journal and Trans. (Hamilton, Ontario), 2 (1899) : 62–73 ; « Indian Rights Association after government scalp », Wilshire’s Magazine (Los Angeles), oct. 1903 : 70–75 (exemplaire aux AO, Pamphlet Coll., 1903, no 60) ; et « Views of a Mohawk Indian » et « O-nõ-dah », Journal of American Folk-Lore (Boston et New York, et autres lieux), 18 (1905) : 160–162 et 24 (1911) : 251, respectivement. « Dekanawideh : the law-giver of the Caniengahakas », texte d’une conférence que Brant-Sero a prononcée devant la British Assoc. for the Advancement of Science, a été publié dans Man (Londres), 1 (1901) : 166–170.
La lettre adressée par Brant-Sero en 1906 au Globe en faveur de l’élévation d’un monument à Joseph Brant est reproduite dans Shocked and appalled : a century of letters to the « Globe and Mail », Jack Kapica, édit. (Toronto, 1985), 51s., et le texte de sa conférence prononcée à Londres l’année suivante figure dans le Globe, 13 août 1907 : 6. Selon les indications que l’on trouve dans Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912), Brant-Sero, poète et dramaturge, a traduit « God save the King » en mohawk et a composé un poème intitulé « The beaver and the fox », ce qui n’est attesté, cependant, dans aucun document connu.
AN, MG 26, G : 66090–66091.— AO, F 1076-A-19, boîte 5, enveloppe 1.— HPL, Scrapbooks, H. F. Gardiner, 113 : 55.— Chicago Evening Post, 19 mars 1900.— Evening Express (Liverpool, Angleterre), 31 mars 1901.— Folkestone Express, Sandgate, Shorncliffe and Hythe Advertiser (Folkestone, Angleterre), 29 août 1908.— Fort Beaufort Advocate and Adelaide Opinion (Fort Beaufort, colonie du Cap), 7 sept. 1900.— Globe, 16 oct. 1897.—Hamilton Spectator, 3 mars 1902, 26 mai 1914.— Ottawa Citizen, 17 janv. 1901.— American Assoc. for the Advancement of Science, Proc. (Salem, Mass.), 1889 : 371.— Annuaire, Toronto, 1888–1889.— C. T. Foreman, Indians abroad, 1493–1938 (Norman, Okla, 1943), 99s.— Gerald Killan, Preserving Ontario’s heritage : a history of the Ontario Historical Society (Ottawa, 1976).— Leslie’s Weekly, Illustrated (New York), 19 mars, 28 juill. 1900.— Liverpool, Public libraries, museums, and art gallery committee, Annual report, 1902.— Ontario Provincial Museum, Annual archæological report (Toronto), 1898 : 3.
S. Penny Petrone, « BRANT-SERO, JOHN OJIJATEKHA (baptisé John Sero, rebaptisé John Brant-Sero) (Ojijatekha) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brant_sero_john_ojijatekha_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |