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BOYLE, JOSEPH WHITESIDE, marin, entrepreneur, boxeur professionnel, prospecteur et agent de renseignements, né le 6 novembre 1867 à Toronto, dernier des quatre enfants de Charles Boyle et de Martha Bain ; en 1889, il épousa à New York Emilie Josephine Raynor, puis vers 1908, à Detroit ou dans la région, Elma Louise Humphries ; décédé le 14 avril 1923 à Londres.
Bien qu’il soit peu connu et que les exploits qu’on lui prête soient loin d’être tous attestés, Joseph Whiteside Boyle figure parmi les vrais héros canadiens. D’ascendance irlando-écossaise, il était très jeune lorsque sa famille s’installa à Woodstock, en Ontario. Son père, entraîneur de chevaux de course, continua d’y exercer cette activité et devint un éleveur de bestiaux prospère. Des pur-sang entraînés par lui remportèrent la course du Queen’s Plate en 1862, en 1883, en 1897 et en 1898. Élève en 1883–1884 dans un établissement à forte tradition baptiste, le Woodstock College, Boyle accompagnait souvent son père sur les pistes de course. En 1885, à l’occasion d’un voyage à New York, il lui faussa compagnie pour prendre la mer. Trois ans plus tard, à son retour à New York, il avait acquis de la maturité et s’était endurci.
Presque immédiatement, Boyle épousa une jeune divorcée belge, Emilie Josephine Raynor. Ensuite, grâce aux relations de son père dans le domaine hippique, il lança une entreprise d’alimentation animale et de transport qui obtint du succès. En 1896, outre le fils qu’Emilie avait eu de son précédent mariage, les Boyle avaient trois enfants, un garçon et deux filles, et en attendaient un autre, une fille. Leur union n’avait jamais été heureuse ; elle prit fin cette année-là. Boyle était un grand gaillard de six pieds, aux membres massifs et à l’allure farouche, et il avait commencé à s’intéresser au sport. Toujours en 1896, il se mit à diriger la carrière d’un poids lourd australien, Francis (Frank) Patrick Slavin, et à s’entraîner avec lui. Dans l’espoir de tirer parti de la renommée de Slavin – il avait livré des combats notables en Angleterre et fut considéré à un moment donné comme un prétendant au championnat du monde –, les deux hommes entreprirent une tournée qui les mena jusqu’à Juneau, en Alaska. Arrivés en pleine fièvre de l’or, ils se mirent en route vers les gisements du Klondike en juillet 1897 et rejoignirent le premier groupe qui atteignit Dawson par le col White. Cependant, la plupart des meilleurs emplacements que l’on pouvait prospecter en se chaussant de hautes bottes de caoutchouc étaient déjà bornés. Boyle comprit qu’il était encore possible de faire fortune en exploitant avec des méthodes hydrauliques les filons inaccessibles au pic et à la pelle. En septembre, bien résolu à se faire accorder une concession par le gouvernement fédéral, il quitta Dawson pour Ottawa. Le 1er décembre, Slavin, resté sur place, demanda en leur nom une concession sur la rivière Klondike.
À force d’exercer des pressions sur Clifford Sifton, le ministre de l’Intérieur, Boyle, qui avait racheté les parts de Slavin en 1899, obtint le 5 novembre 1900 une concession d’une quarantaine de milles carrés en bordure de la rivière Klondike, entre les embouchures des ruisseaux Bonanza et Hunker. Malgré l’opposition de gens du lieu et plusieurs poursuites judiciaires, il prit le contrôle de la Canadian Klondyke Mining Company Limited en 1909. Avec le soutien de bailleurs de fonds anglais, notamment la Granville Mining (dont Arthur Newton Christie Treadgold* était administrateur délégué), il raffermit son emprise en 1911–1912. Ensuite, il fit fructifier sa concession au point de détenir un véritable empire. À son apogée, son entreprise possédait quatre dragues (dont trois étaient les plus grosses au monde) et une centrale énergétique (qui lui permit en outre de devenir le seul fournisseur d’électricité de Dawson). Par ailleurs, il participa à des initiatives pour améliorer les conditions de vie dans la localité, promut des combats de boxe et finança en 1904–1905 une équipe de hockey, appelée diversement les Klondikers, les Nuggets et les Wanderers, qui affronta sans succès les Silver Seven d’Ottawa, détenteurs de la coupe Stanley [V. Francis Clarence McGee*].
Au début de la Première Guerre mondiale, Boyle, trop âgé pour s’enrôler, se porta volontaire pour recruter et financer une compagnie de 50 mitrailleurs. Le ministre de la Milice et de la Défense, Samuel Hughes, lui décernerait le grade honoraire de lieutenant-colonel pour sa contribution. Comme les hostilités perduraient, son entreprise minière se mit à avoir des problèmes d’argent et des difficultés d’exploitation, ce qui l’obligea à se rendre en Angleterre en 1916 pour rencontrer les actionnaires. Une fois là-bas, il accepta, au détriment de ses propres affaires, d’aller remplir une mission en Russie – aider à réorganiser le réseau ferroviaire – pour le compte de l’American Committee of Engineers in London.
Boyle arriva en Russie en juillet 1917. Les ministères britanniques des Affaires étrangères et de la Guerre le soutenaient à contrecœur, et les révolutionnaires bolcheviques compliquaient les opérations. Pourtant, Boyle contribua à rationaliser le trafic ferroviaire à l’intérieur de la zone militaire comprise entre Petrograd (Saint-Pétersbourg) et Odessa (Ukraine). En novembre, son leadership se révéla décisif dans le dénouement du nœud de Moscou, masse de matériel roulant abandonné, endommagé et détruit qui paralysait les cours de triage de la ville. Le mois suivant, il aida à faire sortir de Moscou, où ils avaient été envoyés pour être mis en sécurité, les archives et le papier-monnaie roumains – mais non, comme on l’a raconté, de l’or en lingots et les joyaux de la couronne – et à les retourner en Roumanie. En février 1918, en tant que principal intermédiaire du gouvernement roumain, il participa à la conclusion d’un cessez-le-feu en Bessarabie avec les troupes révolutionnaires. Ces exploits, auquel s’ajouta en mars et avril le sauvetage d’une cinquantaine de Roumains de haut rang détenus à Odessa par les révolutionnaires, firent de Boyle un héros national en Roumanie et lui assurèrent une grande influence auprès de la royauté du pays. En 1919, à la conférence de paix de Paris, il aida la Roumanie à obtenir du gouvernement canadien un crédit de 25 millions de dollars. La rumeur voulait qu’il soit l’amant de la reine Marie, mais rien ne le prouve hors de tout doute.
Durant ses années de service en Russie et en Roumanie, Boyle, en collaboration avec un agent des services secrets britanniques, le capitaine George Alexander Hill, qui parlait le russe, et avec ce qui subsistait du réseau de renseignements, mena des opérations clandestines contre les forces allemandes et bolcheviques en Bessarabie et dans le sud-ouest de la Russie. Unilingue, méprisant les déguisements, toujours vêtu de son uniforme canadien (au grand désespoir des autorités britanniques et canadiennes), il reçut en tout huit décorations de la Grande-Bretagne, de la France, de la Roumanie et de la Russie.
Lorsque Joseph Whiteside Boyle retourna en Angleterre, en 1919, ses avoirs au Klondike étaient sous séquestre. Pour se refaire, il tenta, au nom de la Royal Dutch Shell, d’obtenir du gouvernement soviétique une concession pétrolière dans le Caucase. L’affaire se solda par un échec. Il ne s’était jamais vraiment remis d’une crise d’apoplexie subie en 1918 et mourut d’une défaillance cardiaque le 14 avril 1923 dans Hampton Hill, à Londres. Le Times rapporta son décès en le décrivant comme « un homme bâti à chaux et à sable, carré d’épaules, aux yeux bleus, aux traits équilibrés, à la volonté de fer et au tempérament assez turbulent ». Transférés au Canada en 1983, ses restes ont été enterrés à Woodstock.
L’information concernant la période où Joseph Whiteside Boyle a vécu dans le Nord se trouve dans les journaux publiés à Dawson City, Territoires du Nord-Ouest, pendant et après la ruée vers l’or. L’historique du développement économique et politique du Yukon est présenté dans les rapports émis par le département de l’Intérieur du gouvernement canadien et dans les rapports annuels de ce département dans Canada, Parl., Doc. de la session, ainsi que dans diverses monographies. Des détails sur le service de Boyle en Roumanie et en Russie sont disséminés un peu partout dans la presse nord-américaine et européenne. L’information la plus complète et la plus fiable concernant ses activités pendant la guerre se trouve dans des dossiers officiels non publiés ainsi que dans ses papiers personnels. Ces archives sont conservées aux AN (y compris les papiers de Boyle sous la cote MG 30, E428), aux PRO, au Public Record Office of Northern Ireland, Belfast, au ministère des Affaires étrangères français, Paris, et à la Directa Generala a Arhivelor Statuli, Bucarest. Des références détaillées sont présentées dans notre biographie exhaustive du sujet intitulée Joe Boyle, king of the Klondike (Toronto, 1974). On trouve peu d’articles qui retracent en tout ou en partie la carrière de Boyle, et ceux qui existent sont largement inexacts ou empreints de sensationnalisme. Les principales études biographiques sur la vie et l’époque de Boyle, dont des ouvrages qui traitent de divers aspects de sa carrière, sont énumérés ci-dessous. [w. r.]
Circuit Court of Cook County Arch. (Chicago), divorce file no S-263982.— Kim Beattie, Brother, here’s a man! The saga of Klondike Boyle (New York, 1940).— Lewis Green, The gold hustlers (Anchorage, Alaska, 1977).— G. A. Hill, Go spy the land, being the adventures of I.K.8 of the British secret service (Londres, 1932).— Marie, épouse de Ferdinand I, roi de Roumanie, Ordeal ; the story of my life (New York, 1935).— Hannah Pakula, The last romantic : a biography of Queen Marie of Roumania (New York, 1984).— E. G. Pantazzi, Roumania in light and shadow (Londres, 1921).— L. W. Taylor, The sourdough and the queen : the many lives of Klondike Joe Boyle (Toronto, 1983).
William Rodney, « BOYLE, JOSEPH WHITESIDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/boyle_joseph_whiteside_15F.html.
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Auteur de l'article: | William Rodney |
Titre de l'article: | BOYLE, JOSEPH WHITESIDE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |