BOYER, LOUIS (il signait parfois Boyer, dit Quintal), maçon, marchand et grand propriétaire foncier, né à Montréal le 30 novembre 1795, fils de François Boyer et de Josette Boutonne, décédé dans cette ville le 21 décembre 1870.

Louis Boyer présente un cas intéressant de mobilité sociale ascendante. Lors de son premier mariage, le 2 octobre 1820, à Élisabeth Mathieu, dit Laramée, il est dit maçon et son beau-père, Joseph Mathieu, dit Laramée, de Montréal, charretier. Les témoins n’ont d’autre qualité que celle d’oncle des époux et déclarent au curé « ne savoir signer ainsi que les époux ». À son second mariage, le 14 juillet 1836, à Saint-Joseph-de-Chambly, il se présente comme le « Sieur Louis Boyer, marchand ». Son épouse Marie-Aurélie Mignault est la fille du maître de poste de Saint-Denis-sur-Richelieu et la nièce du curé de Chambly, Pierre-Marie Mignault. Assistent à la cérémonie, le neveu du marié, Louis Boyer, un John Elliott esquire, deux prêtres, James Moore et Charles La Rocque*. Contrairement au premier mariage, tous les participants signent le registre. Lors de son enterrement, le 24 décembre 1870, la qualité des témoins est impressionnante. On y retrouve le maire de la ville, William Workman*, le juge Joseph-Amable Berthelot, le sénateur Jacques-Olivier Bureau, et Romuald Trudeau*. De plus, deux journaux montréalais la Minerve et The Gazette lui consacrent chacun une notice nécrologique. Dans la vie de Boyer, il semble bien que la date de la mort de sa première femme, le 24 mars 1836, marque le point de rupture, un peu comme si cet événement lui avait permis de recommencer sa vie. Comment expliquer, en effet, son absence à l’enterrement de sa femme, le fait que dans son testament, rédigé le 23 août 1832, il n’y ait rigoureusement rien de prévu pour elle, ou encore la rapidité de son remariage ? Peut-on y voir une volonté d’oublier ou de faire oublier le passé ?

Les débuts de la carrière de Louis Boyer sont plutôt obscurs. D’après John Douglas Borthwick, il fut parmi les maçons qui construisirent le canal de Rideau et la prison de Kingston. Les premiers contrats de maçonnerie du canal de Rideau sont attribués au printemps de 1827 et ne durent jamais plus de trois ans. Quoi qu’il en soit, en 1829 Boyer vit à Montréal et donne « marchand de lard » comme profession.

C’est à partir du secteur de l’alimentation que Louis Boyer édifiera sa fortune qui sera systématiquement investie dans la propriété foncière. Graduellement, au fil des actes notariés, l’appellation de « marchand de lard » fera place à celle de marchand, voire de négociant. Dans le bottin montréalais de 1842–1843, on le donne comme « Provision merchant », puis en 1852–1853 comme « Provision and fur merchant ». Plus tard, vers la fin de sa vie, le bottin le signale comme « Provision and produce merchant ». Il s’agit du commerce du porc, du bœuf, des viandes préparées (cut meats), du beurre et du fromage. Ce secteur de l’alimentation (Provision trade) était appelé à connaître une expansion phénoménale durant la seconde moitié du xixe siècle.

Louis Boyer ne travaille pas longtemps seul. Le 13 avril 1832, il s’associe à Joseph Vallée, Fleury-Théodore Serre, dit Saint-Jean, et Philippe Turcot, père, « tous marchands de lard, pelleteries et autres objets ». La mise de fonds de la société est de £6 500 dont Boyer a versé £2 000. Le nom de la société sera à Montréal, Vallée, Boyer et Compagnie et, à Québec, Vallée, Saint-Jean et Compagnie. Il est intéressant de constater que, dès le début, la société possède une succursale à Québec. Cette entreprise dura une bonne dizaine d’années ; prévue à l’origine pour trois ans, la société fut reconduite pour trois autres années par un avenant du 18 juillet 1835 à l’acte original, et, dans le bottin de 1842–1843, on voit encore, à la rubrique « Provision merchants », la maison Vallée et Boyer. Durant la décennie suivante, il semble bien que Louis Boyer ait fait cavalier seul. Toutefois, en 1856–1857, on le retrouve dans une autre société, celle de Boyer & Hawley Provision and Fur Merchants, à la même adresse et dans le même secteur. Puis vers la fin de sa vie, il s’associe à ses fils sous la raison sociale de Louis Boyer et fils. En 1868, il abandonne toute activité commerciale, laissant à ses deux fils aînés ses locaux et investissant dans leur société (Boyer, Hudon et Cie) la somme de $80 000. On y fera évidemment commerce de provisions, de liqueurs et d’autres objets.

L’intérêt de Louis Boyer pour la propriété foncière remonte au tout début de sa carrière. Déjà en 1819, alors qu’il était maçon, il échange un emplacement sis dans le faubourg Saint-Laurent, propriété qu’il tenait de sa sœur. Mais c’est surtout après 1829 que son activité dans ce domaine prend de l’ampleur. Elle s’exerce parallèlement à sa carrière de marchand et à ce point que le biographe de Boyer le définit d’abord comme propriétaire foncier. Il entreprend une série d’opérations immobilières qui en feront, au terme de sa vie, l’un des grands propriétaires montréalais. L’exemple de Boyer confirme l’hypothèse avancée au sujet du rôle de la propriété foncière pour la bourgeoisie francophone : ce secteur en constitue la base économique de prédilection. Outre ses propriétés à l’extérieur de la ville, Louis Boyer possède, vers 1870, 21 lots urbains qui totalisent plus de 1 000 000 de pieds carrés. On donnera même le nom de faubourg Boyer au lotissement d’un de ses immenses terrains.

Les banques intéresseront également Louis Boyer. Il figure au rang des administrateurs honoraires de la Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal dès sa fondation en 1846 et, en 1870, il possède 104 actions de la Banque Jacques Cartier dont il est également administrateur. Enfin, il est élu marguillier de la paroisse Notre-Dame de Montréal le 12 décembre 1847 et il est membre du Bureau de commerce à Montréal. Au moment de son décès, sa succession est évaluée à plus d’un million de dollars. De son second mariage, naquirent cinq enfants dont Louis-Alphonse, homme politique et marchand.

Jean-Claude Robert

AJM, Registre. des sépultures, cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, 21 déc. 1870.— ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame (Montréal), 30 déc. 1795, 2 oct. 1820 ; Saint-Joseph-de-Chambly, 28 mars 1836 ; Greffe de Joseph Belle, 11 juill. 1854 ; Greffe de J.-O. Bureau, 7 janv., 17 oct. 1871 ; Greffe de J.-M. Cadieux, 9 déc. 1819 ; Greffe de Peter Lukin, fils, 2 mars 1819, 13 avril, 23 août 1832.— Canada, Doc. de la session, 1870, 3, no 6.— W. J. Patterson, Report of the trade and commerce of the city of Montreal, for 1863 [...] (Montréal, 1864).— L.-W. Sicotte, Extraits des livres de renvoi des subdivisions de la cité de Montréal (Montréal, 1874).— Gazette (Montréal), 23 déc. 1870.— La Minerve, 22 déc. 1870.— Borthwick, History and biographical gazetteer, 442 ; Montreal, 47.— H. W. Hopkins, Atlas of the city and island of Montreal, including the counties of Jacques Cartier and Hochelaga [...] (s.l., 1879).— Montreal directory, 18421868.— J. P. Heisler, The canals of Canada (Ottawa, 1973), 81–86.— T. T. Smyth, The first hundred years ; history of the Montreal City and District Savings Bank, 1846–1946 (s.l., s.d.), 15, 165.— H. P. Hill, The construction of the Rideau Canal, 1826–1832, OH, XXII (1925) : 117–124.— P.-A. Linteau et J.-C. Robert, Propriété foncière et société à Montréal : une hypothèse, RHAF, XXVIII (19741975) : 45–65.

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Jean-Claude Robert, « BOYER (Boyer, dit Quintal), LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/boyer_louis_9F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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