BOURQUE, EDMOND-JOSEPH, médecin et professeur, né le 22 janvier 1843 à L’Assomption, Bas-Canada, fils d’Édouard Bourque, cultivateur, et d’Olive Jeannot, dit Lachapelle ; le 27 mai 1867, il épousa à Sainte-Scholastique (Mirabel, Québec) Iphigénie Desjardins, sœur d’Alphonse Desjardins*, avocat et futur député, et de Louis-Édouard* et Henri Desjardins, qui se feraient connaître comme médecins oculistes, et ils eurent huit enfants, dont Henri, recteur du collège de Saint-Boniface, Manitoba, et Edmond, médecin à Ottawa, puis le 31 juillet 1911, à Montréal, Georgine Gagnon, et de ce mariage ne naquit aucun enfant ; décédé le 12 décembre 1921 au couvent des Sœurs de la charité de la Providence à L’Assomption.

En 1854, Edmond-Joseph Bourque entra au collège de L’Assomption, où il fut l’un des confrères de classe de Wilfrid Laurier*. Il se dirigea ensuite vers la médecine, s’inscrivant en 1862 à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal. Après l’obtention de son diplôme en 1865, il pratiqua pendant 20 ans la médecine générale, d’abord à Saint-Valentin, sur les bords du Richelieu, durant sept ans, puis à Montréal.

En 1885, dans le but d’exercer un plus grand contrôle sur les asiles qu’il finançait dans la province, le gouvernement de John Jones Ross* créait pour chacun des asiles de Beauport et de Longue-Pointe (connu aussi sous le nom d’hôpital Saint-Jean-de-Dieu) un bureau médical, formé de trois médecins nommés par lui, qui avait la charge de l’admission, du traitement et des sorties des malades mentaux. Cette loi, connue sous le nom de loi Ross, répondait aux demandes de la Montreal Medico-Chirurgical Society, qui avait fait siennes les critiques de l’aliéniste anglais Daniel Hack Tuke sur l’état déplorable des asiles de la province. Jugeant que cette loi violait le contrat qu’elles avaient signé avec le gouvernement, les Sœurs de la charité de la Providence, administratrices de l’asile de Longue-Pointe, décidèrent de ne pas obéir aux directives du bureau médical, dont le surintendant était Henry Howard*, et elles engagèrent trois médecins soignants. Le corps médical de l’asile comprenait donc deux catégories de médecins : les médecins nommés par le gouvernement et les médecins engagés par les sœurs. Bourque fut l’un de ces derniers. Il fut immédiatement envoyé en Europe pour se spécialiser en médecine aliéniste aux frais des sœurs de la Providence. Après un stage de six mois, où il visita de nombreux asiles d’Angleterre, de Belgique et de France, et au cours duquel il assista à des leçons cliniques sur les maladies mentales à Londres et surtout à Paris, il fut nommé, à son retour en 1886, médecin en chef de l’asile de Longue-Pointe, poste qu’il occuperait jusqu’en 1909.

À son entrée en fonction, Bourque se trouvait responsable du traitement quotidien des 950 patients de l’asile. Il ne tarda pas à apporter d’importantes innovations. Ainsi, une quarantaine de cellules furent détruites et remplacées par des salles publiques. De plus, Bourque fit disparaître les instruments de contrainte en métal, dont l’utilisation avait été vivement critiquée par Tuke, et leur substitua la « robe de force », méthode plus souple qu’il avait observée en Europe. Malheureusement, ces réformes connurent un arrêt brusque quand un violent incendie détruisit l’asile en mai 1890. Bourque faillit d’ailleurs perdre la vie au cours de ce sinistre qui fit environ 80 victimes. Des pavillons temporaires furent érigés pour recevoir les patients et il fallut attendre l’année 1901 pour qu’un nouvel hôpital, d’une capacité de 2 000 lits, ouvre ses portes.

Les relations entre Bourque et les sœurs de la Providence semblent avoir toujours été très cordiales. Dans son témoignage en 1888 devant la commission royale sur les asiles d’aliénés, formée l’année précédente par le gouvernement d’Honoré Mercier* dans le but de résoudre la crise des établissements asilaires, Bourque indiquait que les sœurs de la Providence n’avaient jamais causé d’entraves au traitement qu’il proposait. En 1889, Bourque et son assistant le docteur Adélard Barolet accompagnèrent la directrice de l’asile, Cléophée Têtu*, dite Thérèse de Jésus, et sœur Madeleine du Sacré-Cœur en Europe, où ils visitèrent une quarantaine d’asiles. Par contre, les relations de Bourque avec le bureau médical de l’asile furent assez tendues durant les premières années. Ainsi, il notait en 1888 que ce dernier ne le consultait pas avant de décider de la sortie de certains patients. L’année suivante, au Congrès international de médecine mentale, qui eut lieu à Paris, il se fit le défenseur du système des asiles privés tels qu’ils existaient au Québec, à l’opposé du surintendant médical de l’asile de Longue-Pointe, le docteur Emmanuel-Évariste Duquet (Duquette), qui était partisan de l’asile public. La participation de Bourque à ce congrès international lui valut d’être admis comme membre de la Société médico-psychologique de Paris.

La crise des années 1880 se solda finalement par un compromis. S’il continua d’y avoir deux catégories de médecins à l’asile de Longue-Pointe, une certaine entente commença à régner surtout après la nomination, en 1894, de Georges Villeneuve au poste de surintendant médical. Cette entente reposait en fait sur un consensus entre les deux groupes en matière d’étiologie et de classification des maladies mentales. Un même consensus, cette fois à l’échelle provinciale, permit la formation en 1898 de la Société médico-psychologique de Québec, dont le premier président fut Arthur Vallée*, surintendant médical de l’asile de Beauport, et à laquelle Bourque et les autres médecins engagés par les religieuses collaborèrent.

C’est sur le plan théorique que Bourque devait toutefois faire sa contribution la plus importante. Dès son retour d’Europe, il avait fait connaître dans l’Union médicale du Canada l’enseignement de Valentin Magnan, aliéniste français dont la doctrine de la dégénérescence allait constituer le paradigme dominant des aliénistes de la province de Québec jusqu’au début des années 1920 ; cette théorie mettait l’accent sur la prédisposition, acquise ou héréditaire, aux maladies mentales. De plus, Bourque avait commencé dès son retour un enseignement clinique des maladies mentales, enseignement qui avait été reconnu en 1888 par l’école de médecine et de chirurgie de Montréal.

Par sa pratique et son enseignement, Edmond-Joseph Bourque contribua à la diffusion au Québec de la neuropsychiatrie française.

Guy Grenier

Edmond-Joseph Bourque est l’auteur des articles suivants : « le Délire chronique », l’Union médicale du Canada (Montréal), 15 (1886) : 193–198 ; « De la céphalée des adolescents », la Gazette médicale de Montréal, 1 (1887) : 59–63 ; « Clinique des maladies mentales », la Gazette médicale de Montréal, 2 (1888) : 388–390 ; « Paralysie générale des aliénés », la Gazette médicale de Montréal, 3 (1889), no 4 : 149–155.

ANQ-M, CE605-S14, 22 janv. 1843 ; CE606-S22, 27 mai 1867.— ANQ-Q, E104.— Le Devoir, 13 déc. 1921.— La Presse, 13 déc. 1921.— Adélard Barolet, « Rapport du Congrès international de médecine mentale », la Gazette médicale de Montréal, 3 : 433–437.— École de médecine et de chirurgie de Montréal, Annuaire, 1862–1865.— Denis Goulet, Histoire de la faculté de médecine de l’université de Montréal, 1843–1993 (Montréal, 1993).— Guy Grenier, « l’Implantation et les Applications de la doctrine de la dégénérescence dans le champ de la médecine et de l’hygiène mentales au Québec entre 1885 et 1930 » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1990).— Peter Keating, la Science du mal : l’institution de la psychiatrie au Québec, 1800–1914 ([Montréal, 1993]).— Sœur Thérèse de Jésus [Cléophée Têtu] et sœur Madeleine du Sacré-Cœur [Madeleine Desjardins], Récit de voyage d’Europe [...] 1889 (s.l., n.d.).— D. H. Tuke, The insane in the United States and Canada (Londres, 1885).

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Guy Grenier, « BOURQUE, EDMOND-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bourque_edmond_joseph_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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