Bonneau, Rose-de-Lima, sœur de la charité de l’Hôpital Général de Montréal et directrice d’œuvres charitables, née le 14 décembre 1859 à Iberville (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec), fille de Jules Bonneau, forgeron, et d’Émélie Granger ; décédée le 3 août 1934 à la maison mère de la communauté, à Montréal.

Rose-de-Lima Bonneau étudie à l’orphelinat Saint-Alexis, installé dans l’école Saint-Jacques, à Montréal, et tenu par les Sœurs de la charité de la Providence [V. Émilie Tavernier*]. Le 20 novembre 1871, elle reçoit le sacrement de confirmation. Elle entre au postulat des Sœurs de la charité de l’Hôpital Général de Montréal, dites sœurs grises, le 28 août 1878. Elle commence son noviciat le 6 février 1879 et prononce ses vœux perpétuels deux ans plus tard, le 8 février.

En cette année 1881, sœur Bonneau est couturière à l’hospice Saint-Joseph, rue de la Cathédrale, et vend les produits de son labeur afin de contribuer au financement de l’établissement. Artisane vaillante et assidue, elle a également le souci du travail bien fait. Après 15 années de service, elle est nommée supérieure locale de l’asile Saint-Antoine, à Longueuil, dont la vocation est de prendre soin des pauvres, des orphelins et des personnes âgées. De 1896 à 1905, la dirigeante inspirée en favorise l’essor en veillant, par exemple, à son agrandissement. Meneuse naturelle, elle planifie les rencontres avec les supérieures, administre le budget, organise les collectes de fonds et supervise les chantiers. Ses efforts aboutissent à l’ajout d’un étage à l’un des bâtiments de l’hospice en 1901 et à l’inauguration d’un nouvel immeuble le 29 janvier 1902. La tradition orale avance même qu’elle aurait fait des miracles pour assurer le ravitaillement de l’œuvre, notamment en provoquant une livraison inexplicable de sacs de farine avec une statue de saint Joseph placée au-dessus des barils vides.

De retour à la maison mère des religieuses en 1905, sœur Bonneau est éducatrice pour des jeunes filles, probablement à l’école ménagère. En 1905–1906, au manoir d’Youville à Saint-Joachim-de-Châteauguay (Châteauguay), de même qu’en 1906–1907, à l’asile Nazareth, rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal, elle est responsable de la sacristie. Elle occupe ensuite, durant près de trois ans, le poste de supérieure locale à l’asile Bethléem, place Richmond (parc Jessie-Maxwell-Smith), une œuvre qui aide les pauvres à leur domicile et qui comprend un orphelinat.

Sœur Bonneau est directrice de l’Œuvre des sans foyer, le Vestiaire des pauvres à partir de 1910. Cette œuvre charitable trouve son origine dans l’hospice Saint-Charles, fondé le 7 mai 1877, près du port de Montréal, par Joseph Vincent, batelier et philanthrope, les sœurs grises et René-Marie Rousseau, sulpicien et aumônier de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal. L’hospice, qui fournissait abri et nourriture aux pauvres et aux personnes vivant avec un handicap, a été exproprié et fermé en 1894, afin de laisser place à la gare-hôtel Viger (édifice Jacques-Viger). Les besoins étant toujours aussi pressants, l’esprit de l’œuvre ne s’éteint pas pour autant. Certains indigents se retrouvent au Fourneau économique Saint-Antoine, rue du Champ-de-Mars, ouvert en 1895 et dont le but est de fournir des vêtements et de la nourriture aux personnes dans le besoin. Cette organisation est soutenue par le sulpicien Joseph-Charles-Onésime Hébert, la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal et les sœurs grises. En octobre 1903, Hébert, appuyé par les mêmes partenaires, fonde l’hospice Saint-Antoine de Bonsecours, rue Saint-Paul Est, qui a pour mission d’accueillir les personnes âgées et d’offrir une éducation aux enfants pauvres. Le Fourneau économique Saint-Antoine emménage dans les locaux de l’hospice Saint-Antoine de Bonsecours au cours du mois de mai 1904. Le Fourneau économique Saint-Antoine, qui prend le nom de l’Œuvre des sans foyer, le Vestiaire des pauvres en 1910, distribue quotidiennement de la nourriture aux personnes pauvres et donne, au besoin, des chaussures et des vêtements.

Sœur Bonneau se consacre entièrement à cette œuvre. Femme éloquente et confiante, elle sollicite avec succès l’aide financière des commerçants du quartier et demande de la nourriture aux agriculteurs approvisionnant le marché Bonsecours. Elle n’hésite pas à aller à la rencontre des personnes vivant dans le besoin. Consciente de la gêne de certaines d’entre elles, sœur Bonneau leur apporte parfois elle-même un repas et des vêtements. Décidée à aider tous les indigents, elle écrira en 1930, dans un questionnaire spécial sur les activités de l’œuvre, qu’elle distribue des repas à « tous ceux qui se présentent sans en excepter un seul ». Ce document révèle aussi qu’au cours du mois d’octobre de cette année-là, marquée par une crise économique mondiale, elle assure le service de 18 218 repas, soit deux fois plus qu’au mois d’octobre de l’année précédente. Dans ses tâches, elle bénéficie de l’aide de bénévoles, de la contribution de donateurs, du soutien financier et administratif de la Compagnie de Saint-Sulpice et de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal. Elle utilise aussi les travaux de couture réalisés par les Dames ouvrières, regroupement de volontaires qu’elle a fondé le 1er février 1910.

Très pieuse, sœur Bonneau se préoccupe non seulement des besoins matériels des personnes défavorisées, mais aussi de leur spiritualité. Appuyée par la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, elle organise à cette fin des retraites annuelles de trois jours à partir de 1920. Ces moments de recueillement et de prières, durant le carême, sont aussi connus sous le nom de « retraite des chômeurs ». Selon Robert Rumilly*, la retraite de 1925 accueille 675 personnes, preuve de sa popularité. Au fil des ans, sœur Bonneau réussit à convaincre Olivier Maurault*, curé de la paroisse de Notre-Dame, et la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal de la nécessité d’une messe dominicale. La chapelle Saint-Christophe est ainsi inaugurée le 1er mai 1927, dans l’hospice Saint-Antoine de Bonsecours.

Sœur Rose-de-Lima Bonneau meurt des suites d’un cancer à l’âge de 74 ans, toujours directrice de l’Œuvre des sans foyer, le Vestiaire des pauvres. Son engagement profond au service des démunis et des indigents lui vaut l’admiration de la population montréalaise catholique. Le quotidien le Devoir en rend compte dans un article publié le 7 août 1934 : « La mémoire de sœur Bonneau sera gardée précieusement dans tant de cœurs ulcérés qu’elle a pansés. Mais tous ses frères dans le Christ lui doivent être reconnaissants d’avoir fait briller d’un si pur éclat la première et la plus belle des vertus […], la divine charité. » Compréhensive, à l’écoute des petites gens et entièrement dévouée à la cause des indigents, cette charismatique directrice a fait preuve, jusqu’à la fin de sa vie, d’une générosité chrétienne et d’un don de soi hors du commun. Le 23 mai 1922, une rue a été nommée en son honneur. Le 1er janvier 1968, pour perpétuer sa mémoire, l’œuvre à laquelle elle s’est dévouée, toujours vivante, sera officiellement rebaptisée sous le nom d’accueil Bonneau.

En collaboration avec François Bisson

Nous remercions François M. Nadeau, archiviste des sœurs grises, pour sa précieuse collaboration. L’acte de baptême de sœur Rose-de-Lima Bonneau est erroné. On devrait y lire le prénom de Rose-de-Lima et non celui de Léon : BAnQ-CAM, CE604-S3, 14 déc. 1859.

Arch. des Sœurs grises (Montréal), Dossier de sœur Rose-de-Lima Bonneau, notice biogr.— Le Devoir, 3, 7 août 1934.— Nicole Fournier et Pierre Filion, l’Accueil Bonneau : 115 ans de partage (Montréal, 1992).— Huguette Lapointe-Roy, Charité bien ordonnée : le premier réseau de lutte contre la pauvreté à Montréal au 19e siècle (Montréal, [1987]).— Estelle Mitchell, Cent ans d’histoire : de l’hospice St-Charles à l’accueil Bonneau ([Montréal], 1977).— Shirley Roy, Seuls dans la rue : portraits d’hommes clochards (Montréal, 1988).— Robert Rumilly, la Plus Riche Aumône : histoire de la Société de Saint-Vincent-de-Paul au Canada (Montréal, 1946).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

En collaboration avec François Bisson, « BONNEAU, ROSE-DE-LIMA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bonneau_rose_de_lima_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2014
Année de la révision:    2014
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