BINNS, CHARLES, homme d’affaires, avocat, fonctionnaire, homme politique et officier de milice, né vers 1786, peut-être dans la division ouest du Yorkshire, Angleterre ; le 13 mai 1809, il épousa à Charlottetown Elizabeth Clarke, et ils eurent 12 enfants ; décédé le 28 avril 1847 dans la même ville.

Charles Binns reçut sa formation d’avocat en Angleterre et s’associa par la suite à un marchand nommé Peter Hope. En août 1808, grâce à l’aide de James Bardin Palmer*, de Charlottetown, Binns s’embarqua pour l’Île-du-Prince-Édouard dans le but d’y fonder une agence qui fournirait Hope en bois d’œuvre et autres produits locaux. Ce projet n’eut guère de succès. Pour des raisons difficiles à établir, Palmer et Binns ne tardèrent pas à se brouiller. Privé du soutien de Palmer, Binns se retrouva en 1813 devant un échec financier, son association avec Hope semble avoir pris fin peu après.

Binns qui était alors marié décida de ne pas retourner en Angleterre et s’inscrivit comme barrister à la Cour suprême de l’île le 16 février 1813. Il acheta quelques terrains dans le lot 25 et dans Charlottetown and Royalty. Il devint aussi agent foncier de plusieurs propriétaires. En 1819, à « la demande de certains grands propriétaires fonciers », il ouvrit un bureau d’immigration à Charlottetown, mais il connut dans cette entreprise, comme dans tant d’autres, un échec rapide. Heureusement pour Binns, il n’y eut guère d’avocats compétents dans l’île avant les années 1830. En misant sur son modeste talent d’homme de loi plutôt que sur sa témérité en affaires, il fut en mesure de se créer à Charlottetown une position sociale et financière respectable. Le manque d’avocats compte également pour beaucoup dans la fréquence avec laquelle le lieutenant-gouverneur Charles Douglass Smith* fit appel à lui pour remplir des postes officiels. Il fut sous-secrétaire de la colonie d’avril 1816 à janvier 1818, solliciteur général de janvier 1818 à décembre 1820 et procureur général intérimaire de novembre 1819 à décembre 1820.

Même s’il fut éclipsé comme avocat par Palmer, Robert Hodgson* et d’autres personnages semblables, Binns prit part à un grand nombre des procès importants de son époque. Le plus notoire eut lieu en octobre 1823 à la Cour de la chancellerie. Binns y tenta vainement de défendre le comité d’opposants et l’imprimeur qui avaient publié des résolutions qui critiquaient le gouvernement de Smith. Présumés coupables d’outrage au tribunal pour avoir accusé Smith et sa famille d’utiliser la cour pour leur bénéfice personnel, les prévenus furent en fait déclarés coupables d’opposition politique. Ces procès étaient très pénibles pour Binns, qui était plutôt d’un naturel à éviter la controverse. Pendant son mandat comme député de Georgetown (de 1818 à 1820), il avait d’ailleurs essayé de demeurer neutre dans les différends qui opposaient Smith à l’Assemblée. Quand il défendait les adversaires de Smith en cour, il niait être lié politiquement à leur cause. Trouvant plus sûr de suivre le courant, il n’attaqua ouvertement le gouvernement de Smith qu’après le départ de ce dernier en 1824.

La timidité politique foncière de Binns transparaît dans sa réaction devant la question de l’escheat. À titre de député de Charlottetown de 1830 à 1838, il avait partagé l’enthousiasme de ses électeurs quand on proposa cette mesure comme panacée à l’épineux problème des terres dans l’île. Cependant, son conservatisme finit par reprendre le dessus. Dans une série d’interventions légalistes et fastidieuses, il s’opposa à la tenue d’élections tous les quatre ans, à l’imposition d’une lourde taxe foncière destinée aux propriétaires et finalement à l’escheat même. Il craignait que l’agitation provoquée par William Cooper* et d’autres partisans de l’escheat à l’occasion de nombreuses réunions de fermiers ne vienne bouleverser le processus législatif. Binns était d’ailleurs à la tête du mouvement qui fit mettre Cooper et deux de ses alliés sous la garde du sergent d’armes de l’Assemblée durant les sessions de 1837 et de 1838. Trop malade, il manqua cependant presque toute la session de 1838 ; sa santé chancelante, de nouvelles difficultés financières et la perspective d’une victoire écrasante du parti de l’escheat sont probablement autant de facteurs qui l’incitèrent à ne pas se présenter aux élections cette année-là. Au cours des dernières années de sa vie, il ne parut en public qu’à titre de capitaine de milice et de greffier en loi de l’Assemblée durant les sessions de 1844 et de 1845.

Semblable au Polonius de Shakespeare, Charles Binns s’exprimait avec une prétention et un pathos comiques. Ses discours interminables devant le tribunal et l’Assemblée étaient remplis de rationalisations qui exaspéraient ses adversaires et stupéfiaient même ceux qui étaient de son avis. Sa mort passa presque inaperçue.

M. Brook Taylor

PAPEI, Acc. 2810/25 ; 2849/23–24 ; 2849/38 ; RG 1, commission books, 5, 10 avril 1816, 22 janv. 1818 ; RG 6, Supreme Court, barristers’ roll ; RG 16, land registry records, 1809–1847 ; conveyance reg., liber 59 : fo 601.— P.E.I. Museum, « Charlottetown manuscript » (s.d.) ; File information concerning Charles Binns.— PRO, CO 226/36 : 131 ; 226/37 : 3.— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, marriages, and burials (mfm aux PAPEI).— Î.-P.-É., House of Assembly, Journal, 1818, 1820, 3 févr. 1831, 26 janv. 1835, 22 janv. 1839.— Prince Edward Island Gazette, 14 oct., 5 nov. 1818, 3 sept. 1819.— Prince Edward Island Register, 25 oct., 1er, 8 nov. 1823, 3 nov. 1829.— Royal Gazette (Charlottetown), 7 févr. 1832, 5, 19, 26 févr., 26 nov. 1833, 18 févr., 2, 16 déc. 1834, 31 mars 1835, 26, 30 avril 1836, 14, 21 févr. 1837, 27 mars 1838, 20 févr., 27 août 1844, 11 mars 1845, 29 avril 1847.— A. B. Warburton, A history of Prince Edward Island from its discovery in 1534 until the departure of Lieutenant-Governor Ready in A.D1831 (Saint-Jean, N.-B., 1923), 336–343.

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M. Brook Taylor, « BINNS, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/binns_charles_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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