BESSETTE, ARSÈNE (baptisé Moïse-Arsène), journaliste et écrivain, né le 20 décembre 1873 à Saint-Hilaire (Mont-Saint-Hilaire, Québec), fils de Moïse Bessette, agriculteur et homme politique, et de Valérie Lapalme ; le 16 novembre 1907, il épousa à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec) Albina Lareau, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 21 juin 1921 à Montréal.

Aîné d’une famille de huit enfants, Arsène Bessette fréquente l’école primaire de son village natal, puis fait ses études classiques (1888–1895) au collège Sainte-Marie-de-Monnoir, notamment grâce à la générosité de Louis-Philippe Brodeur, député fédéral de la circonscription de Rouville à compter de 1891. Dans l’incapacité de s’inscrire à l’université, sans doute faute d’argent, il entreprend en 1898 une carrière dans le journalisme à la Patrie, où il fait un bref apprentissage. Le 3 novembre de l’année suivante, il publie un texte dans le Canada français/le Franco-Canadien – hebdomadaire de Saint-Jean que dirige alors son ami Gabriel Marchand (fils d’un des fondateurs du périodique, Félix-Gabriel*) –, intitulé « Michel Carabin » et signé du pseudonyme de Jean Rémuna. L’histoire raconte comment le héros éponyme, chaud partisan libéral, empêche l’avaricieux père Crétin – dont le suffrage a été acheté par les conservateurs – de se rendre au bureau de vote. Le 28 juin 1901, dans le Canada français, Bessette renonce publiquement au pseudonyme de Jean Rémuna qu’il a utilisé jusque-là : « [Il] n’était ni grand ni petit, ni spirituel ni idiot, ni bon ni méchant ; ce n’était pas un homme, encore bien moins une femme, c’était mon pseudonyme. » Il signe désormais de son propre nom des chroniques qui portent sur divers sujets (le bonheur, la grippe, le patriotisme, l’actualité et autres), mais aussi quelques récits, histoires et nouvelles. Il publiera régulièrement des textes dans ce périodique jusqu’à la fin de 1917, avec une interruption entre 1903 et 1905, que ne saurait expliquer sa seule collaboration aux éphémères périodiques montréalais l’Étincelle et la Vie artistique.

En 1903, grâce à son amie Idola Saint-Jean*, Bessette entreprend une correspondance avec l’institutrice bretonne Marie Le Franc, future écrivaine, qu’il invite au pays en 1906 avec des intentions bien arrêtées. L’idylle prend fin dès l’arrivée à Montréal de la jeune femme. Bessette épouse le 16 novembre 1907 une de ses collègues du Canada français, Albina Lareau, dite Pimprenette.

Bessette, qui a fait jouer en 1904 une comédie en un acte intitulée les Pantins – qui ne sera jamais publiée –, fait paraître en 1907 dans le Canada français un article contre la censure au théâtre. Ce texte force le chancelier de l’archevêché de Montréal, Émile Roy, à adresser, le 7 novembre de cette année-là, une lettre à Gabriel Marchand : « Monseigneur, qui connaît les belles traditions de votre famille, est convaincu que de telles idées ne sont pas les vôtres et qu’elles ne trouveront plus place dans votre journal. » Alors réprimandé par son patron, le journaliste récidive cependant en 1909, lorsqu’il se dit favorable à la création d’une troupe de théâtre français à Montréal. Il s’attire alors les foudres de l’hebdomadaire ultramontain la Vérité, de Québec.

En 1914, Bessette fait paraître le Débutant, son unique roman, par la Compagnie de publication Le Canada français, à Saint-Jean. L’a-t-il fait circuler parmi ses amis ? L’éditeur du Canada français a-t-il lu le manuscrit ? Bessette a-t-il lui-même envoyé un communiqué à la Presse, où il décrit son œuvre comme un roman du terroir et une intéressante peinture de mœurs dont une bonne partie se déroule à la campagne ? Autant de questions qui demeureront sans réponse. Chose sûre, le volume est dédié aux « confrères en journalisme, aux hommes publics sincères et droits, à tous ceux qui ont perdu leurs illusions, avant ou en même temps que leurs cheveux ». Dédicace prémonitoire, car l’auteur perd rapidement ses propres illusions : la critique reste muette. Bessette, dont le nom a figuré sur la liste des membres de la loge maçonnique L’Émancipation [V. Adelstan de Martigny*], publiée dans le Devoir en 1910, n’a pas que des amis. Sans doute pour cette raison, une conspiration du silence semble entourer la parution de son roman, « seule œuvre romanesque d’inspiration maçonnique de la littérature québécoise », selon Roger Le Moine. Le fait que l’auteur ait publié son livre à l’extérieur des grands centres urbains ne peut expliquer à lui seul ce mutisme de la critique, qui, en revanche, peut avoir découragé Bessette de publier les deux autres volumes annoncés dès la publication du Débutant.

De quoi était-il donc question dans ce roman ? En Paul Mirot, héros qui débute dans le monde du journalisme, des lettres et des amours, Bessette se projetait sans doute, puisque le jeune homme a des affinités avec l’auteur : sa détermination, son courage, sa vivacité d’esprit, son intelligence. Ces qualités incitent le propriétaire du Populiste à l’engager comme journaliste. Bientôt apprécié par la direction et les lecteurs, il gagne aussi l’amour de Simone Laperle, belle et riche cousine de son meilleur ami, Jacques Vaillant. Après être devenue sa maîtresse, la jeune femme l’introduit à la vie mondaine. Mirot fonde avec Vaillant un journal, où il dénonce la sclérose de la société. Il travaille aussi à la rédaction d’un roman qui traite des dangers de l’idéologie nationaliste en littérature. Le journal est dénoncé pour ses idées jugées révolutionnaires et cesse de paraître. Le roman est quant à lui condamné. Mirot perd le poste de journaliste qu’il occupait à ce moment-là. La mort de Simone vient de plus anéantir sa vie amoureuse. C’est l’échec complet, mais Mirot est confiant en l’avenir et n’attache aucune importance au passé.

Contrairement à ce que les critiques allaient écrire pendant de nombreuses années, Bessette ne perd pas son emploi au Canada français après la parution du Débutant et le roman n’est pas condamné par l’archevêque. L’auteur reste en poste au Canada français jusqu’à la fin de 1917, puis s’installe à Montréal, où il travaille au Pays et à la Presse. En 1920, il devient inspecteur à la Commission des tramways de Montréal.

Arsène Bessette meurt subitement le 21 juin 1921, chez un ami à qui il rendait visite. Divers journaux annoncent son décès, mais celui où il a passé plus de 15 ans en fait l’objet d’un simple entrefilet. Bessette, qui rêvait de devenir quelqu’un de célèbre, est disparu sans attirer l’attention. Son unique volume, bien écrit et solidement documenté sur la situation politique dans la province, était toutefois d’une qualité nettement supérieure aux autres romans québécois de sa génération et annonçait déjà, par le thème de l’amour libre, les Demi-Civilisés de Jean-Charles Harvey*, qui ferait scandale au moment de sa parution en 1934.

Aurélien Boivin

Le roman d’Arsène Bessette, le Débutant, a été réimprimé à Montréal en 1977 grâce à Madeleine Ducrocq-Poirier ; il a connu une autre réimpression à Saint-Laurent, Québec, en 2002. Nous aimerions remercier Marie-Frédérique Desbiens, étudiante de troisième cycle en littérature à l’université Laval, pour son aide dans les recherches pour la rédaction de la biographie. [a. b.]

ANQ-M, CE602-S16, 21 déc. 1873.— BAC, MG 30, D135.— Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises, univ. Laval, Arch. du projet DOLQ ; Arch. du projet Histoire de la vie littéraire au Québec.— Réjean Beaudoin, « la Quasi-dissidence d’un débutant de 1914 », le Jour (Saint-Laurent), 1er juill. 1977.— « Il publiera un roman du terroir », la Presse, 28 févr. 1914.— La Presse, 23 juin 1921.— René Dionne, « Un maillon de la chaîne : le Débutant d’Arsène Bessette », les Lettres québécoises (Montréal), no 6 (avril–mai 1977) : 24s., 31.— DOLQ, 2.— Madeleine Ducrocq-Poirier, le Roman canadien de langue française de 1860 à 1958 : recherche d’un esprit romanesque (Paris, 1978).— Hamel et al., DALFAN, 133s.— Pierre Hébert et Patrick Nicol, Censure et Littérature au Québec (Saint-Laurent, 1997).— Histoire de l’édition littéraire au Québec au xxe siècle, sous la dir. de Jacques Michon (1 vol. paru, Saint-Laurent, 1999– ), vol. 1 (Jacques Michon, la Naissance de l’édition, 1900–1939, 1999).— Albert Laberge, Journalistes, Écrivains et Artistes (Montréal, 1945).— Roger Le Moine, Deux loges montréalaises du Grand Orient de France (Ottawa, 1991).— Mariages du comté de Saint-Jean (1828–1950), Irénée Jetté et al., compil. (Sillery, Québec, 1974).— Les Relations entre la France et le Canada au xixe siècle (Paris, 1974).— Normand St-Pierre, « la Censure du roman le Débutant (1914) de Arsène Bessette : le texte et l’institution » (mémoire de m.a., univ. du Québec à Montréal, 1984).

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Aurélien Boivin, « BESSETTE, ARSÈNE (baptisé Moïse-Arsène) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bessette_arsene_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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