BERTHELOT, AMABLE, avocat, officier de milice, homme politique, auteur et bibliophile, né le 10 février 1777 à Québec, fils de Michel-Amable Berthelot* Dartigny et de Marie-Angélique Bazin ; décédé célibataire le 24 novembre 1847 dans la même ville.
Fils d’un marchand épicier de Paris, l’ancêtre des Berthelot, Charles Berthelot, débarqua en Nouvelle-France en 1726. Il se maria à Québec avec Thérèse Roussel, fille de Timothée Roussel*, chirurgien de cette ville. Très doué pour le commerce, il s’enrichit en quelques années et s’assura une solide fortune. En 1748, il acheta le fief de Villeray, situé en dehors de la porte Saint-Louis, sur l’emplacement actuel de la Grande Allée. Son fils, Michel-Amable Berthelot Dartigny, héritier de son domaine et de sa fortune, se tourna vers les professions d’avocat et de notaire. En 1793, il fut élu sans opposition député de la circonscription de Québec à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada.
Amable Berthelot était le troisième de sept enfants, dont quatre moururent en bas âge. Il fit ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1785 à 1793. Puis, marchant sur les traces de son père, il entra comme clerc dans le cabinet de Jean-Antoine Panet*, avocat en vue de Québec, qui l’initia au droit. Il fut admis au barreau le 17 janvier 1799, à l’âge de 21 ans. Toute sa formation fut celle que recevait habituellement un fils de famille bourgeoise à la fin du xviiie siècle. Il garda de ses années de formation un goût marqué pour les études et la recherche et commença dès cette époque à se constituer une excellente bibliothèque personnelle.
Jeune avocat, Berthelot alla s’établir à Trois-Rivières et y ouvrit un cabinet. Il parvint à se faire bientôt une clientèle considérable et devint l’un des notables de sa ville d’adoption. Pendant la guerre de 1812, il servit en qualité de capitaine dans le 1er bataillon de milice de Trois-Rivières, placé sous les ordres de Louis-Charles Foucher. Il fut d’ailleurs gratifié de concessions de terre pour services rendus à la couronne. En 1814, vers la fin de la guerre, il se laissa tenter à son tour par la politique et se porta candidat dans la circonscription de la ville de Trois-Rivières ; il fut élu député avec Charles Richard Ogden*. À la chambre d’Assemblée, Berthelot, comme son père, rallia le parti canadien. Cependant, il n’appuya pas immédiatement le jeune Louis-Joseph Papineau* qui siégeait à l’Assemblée depuis 1808. À la session de 1815, il soutint la candidature de Jean-Thomas Taschereau* au poste de président de préférence à celle de Papineau. Berthelot conserva son siège de député jusqu’en 1816.
En 1820, Berthelot avait amassé une fortune personnelle qui lui permit de s’éloigner de la pratique du droit pour se consacrer aux voyages et aux études. Il ferma alors son cabinet de Trois-Rivières et quitta le Bas-Canada pour aller séjourner en France. L’Europe devait très certainement fasciner depuis longtemps un intellectuel comme Berthelot. Il vécut quatre ans en France, de 1820 à 1824, époque où il découvrit le Paris de Louis XVIII et où sa fortune lui ouvrit les salons de la capitale. Il put satisfaire ses goûts de bibliophile et c’est sans doute pendant ce séjour qu’il constitua en bonne partie la riche bibliothèque historique qui fit plus tard sa renommée.
Peu après son retour au Bas-Canada en 1824, Berthelot fut de nouveau élu député de la circonscription de la ville de Trois-Rivières qu’il représenta jusqu’en 1827. Défait cette année-là dans la Haute-Ville de Québec, il se retira pendant quelque temps de la vie publique. En 1831, il entreprit un nouveau voyage en France. Juste avant de s’embarquer, il décida de mettre sa bibliothèque en vente. La transaction s’effectua sous la forme habituelle d’une vente aux enchères, le 23 août 1831, à l’hôtel Malhiot de Québec. La publicité relative à cet événement, parue dans la Minerve, mentionnait qu’il s’agissait d’une « collection de près de Quinze Cens Volumes de Livres rares et précieux en Religion, Loi, Gouvernement, Littérature et Histoire ». On sait qu’un catalogue de cette imposante collection fut imprimé à cette occasion, mais malheureusement aucun exemplaire n’en subsiste. Néanmoins, une partie du contenu de cette bibliothèque est connue grâce à un article que Michel Bibaud* publia dans le Magasin du Bas-Canada de Montréal en 1832 et grâce au rapport du bibliothécaire de la chambre d’Assemblée qui acheta plusieurs des livres d’histoire de la collection Berthelot. Ne sachant pas combien de temps il allait séjourner en Europe, peut-être Berthelot préféra-t-il vendre sa collection plutôt que de devoir l’apporter en voyage ou l’entreposer pendant plusieurs années à Québec ?
Quoi qu’il en soit, revenu au Bas-Canada en 1834, Berthelot décida de se réinstaller définitivement dans sa ville natale. La même année, il revint à la politique et fut élu député de la circonscription de la Haute-Ville de Québec. Il conserva son siège jusqu’à la suspension de la constitution en 1838. Pendant ces années cruciales, Berthelot, de nature timide et peu enclin à la polémique, s’éloigna du parti patriote pour rejoindre les rangs du « parti de Québec » où figuraient notamment Elzéar Bédard, Étienne Parent*, John Neilson et d’autres nationalistes modérés de la région de Québec. En février 1835, au cours d’un débat à la chambre d’Assemblée, il résuma lui-même sa position par la maxime suivante : Suaviter in modo, fortiter in re (Il faut être constant dans ses principes, mais conciliant dans ses actes.) Cet aphorisme traduit bien, en effet, la conduite politique de Berthelot. À titre de député, il s’intéressa particulièrement aux questions relatives à l’éducation. Sous le régime de l’Union, il termina sa carrière politique en représentant la circonscription de Kamouraska de 1841 à 1847.
C’est au cœur de ses activités intellectuelles que Berthelot semble avoir cependant été le plus à l’aise. Il s’intéressa à l’histoire pendant de nombreuses années et publia quelques dissertations sur divers sujets d’archéologie historique. Il partageait ce goût pour la recherche avec plusieurs notables canadiens du début du xixe siècle intéressés par les origines de la Nouvelle-France, tels Michel Bibaud, Joseph-François Perrault et Georges-Barthélemi Faribault*, avec lesquels Berthelot eut souvent l’occasion d’échanger des idées. Dans certains domaines comme l’histoire militaire, il découvrit, en mettant de l’ordre dans les papiers de son père, des témoignages relatifs à l’invasion américaine de 1775. Ces documents, dont une relation du siège du fort Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) par les Bostonnais, ont été conservés grâce à lui. À l’époque de son second séjour en France, Berthelot se lia d’amitié avec François-Xavier Garneau* qu’il rencontra à Paris. Celui-ci profita de l’expérience européenne de Berthelot et conserva une grande estime pour lui. Déjà vieillissant, Berthelot accorda son affection à Garneau et l’encouragea plus tard en apportant son soutien financier à la publication du premier volume de l’Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours. Berthelot se fit également connaître par ses recherches en grammaire française et, en 1843, il publia un essai d’analyse grammaticale qui fut remarqué.
Si la vie publique de Berthelot est bien connue, sa vie privée par contre l’est beaucoup moins. On sait qu’il ne se maria jamais. À Paris, il confiait parfois à Garneau sa grande solitude de célibataire. Cependant, il adopta deux enfants : Adèle, née en 1813, qui épousa en 1831 Louis-Hippolyte La Fontaine*, et Amable, né en 1815, qui devint médecin à Saint-Eustache. La naissance de ces deux enfants demeure obscure et le nom de leur mère n’apparaît pas sur les registres d’état civil.
On ne possède pas de précisions sur les relations qu’Amable Berthelot entretint avec sa famille vers la fin de sa vie. Il mourut à Québec le 24 novembre 1847, à l’âge de 70 ans, au moment où il siégeait toujours comme député de Kamouraska. Les journaux soulignèrent l’événement et le barreau de Québec décréta un deuil parmi ses membres en l’honneur du disparu. Dans l’article qu’il rédigea à l’occasion de sa mort, Garneau le disait « plus homme de cabinet qu’homme d’activité et de mouvement ». Ce bref témoignage décrit bien Berthelot et résume tant sa carrière que ses aptitudes et ses goûts.
Outre quelques allocutions sur la publicité de l’hypothèque et l’éducation, Amable Berthelot a écrit plusieurs dissertations sur divers sujets d’archéologie historique dont : Dissertation sur le canon de bronze que l’on voit dans le musée de M. Chasseur, à Québec (Québec, 1830) ; Discours fait devant la Société de discussion de Québec, le 15 juillet 1844, sur le vaisseau trouvé à l’embouchure du ruisseau St-Michel, et que l’on prétend être la « Petite-Hermine » de Jacques Cartier (Québec, 1844). Il a aussi consigné le fruit de ses recherches en grammaire française dans deux ouvrages intitulés : Essai de grammaire française suivant les principes de l’abbé Girard (Québec, 1840) ; Essai d’analyses grammaticales suivant les principes de l’abbé Girard (Québec, 1843 ; nouv. éd., 1847).
La Division de la reconstitution des débats de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec conserve des dossiers de presse sur les débats de la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. On peut y retrouver les discours et les interventions de Berthelot en chambre pour la période 1835–1837. On trouvera également les discours que Berthelot prononça à l’Assemblée législative de la province du Canada à partir de 1841 en consultant l’index des participants dans Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Abbott Gibbs et al.).
ANQ-Q, CE1-1, 10 févr. 1777, 27 nov. 1847 ; P1000-11-184.— APC, MG 23, B35 ; MG 30, D1, 4 : 498–518 ; RG 4, B8 : 6384–6387 ; RG 68, General index, 1651–1841.— ASQ, Fichier des anciens.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1815 ; 1831–1832, app. B ; 1835.— F.-X. Garneau, Voyage en Angleterre et en France dans les années 1831, 1832 et 1833, Paul Wyczynski, édit. (Ottawa, 1968), 282–283.— Le Canadien, 2 mars 1835, 24, 29 nov. 1847.— La Minerve, 4 août 1831, 30 déc. 1847.— F.-J. Audet, les Députés des Trois-Rivières (1808–1838) (Trois-Rivières, Québec, 1934) ; « les Législateurs du B.-C. ».— F.-J. Audet et Fabre Surveyer, les Députés au premier Parl. du B.-C.— F.-M. Bibaud, le Panthéon canadien (A. et V. Bibaud ; 1891).— Desjardins, Guide parl.— Réginald Hamel et al., Dictionnaire pratique des auteurs québécois (Montréal, 1976).— Le Jeune, Dictionnaire, 1 : 165.— H. J. Morgan, Bibliotheca Canadensis.— Officers of British forces in Canada (Irving).— P.-G. Roy, les Avocats de la région de Québec ; Fils de Québec, 2 : 186–187.— Wallace, Macmillan dict.— Serge Gagnon, le Québec et ses historiens de 1840 à 1920 : la Nouvelle-France de Garneau à Groulx (Québec, 1978).— Labarrère-Paulé, les Instituteurs laïques.— Edmond Lareau, Histoire de la littérature canadienne (Montréal, 1874).— Mason Wade, les Canadiens français, de 1760 à nos jours, Adrien Venne et Francis Dufau-Labeyrie, trad. (2e éd., 2 vol., Ottawa, 1966).— « Bibliophilie », Magasin du Bas-Canada (Montréal), 1 (1832) : 63–65.— [Hervé Biron], « Ceux qui firent notre pays : Amable Berthelot », le Nouvelliste (Trois-Rivières), 10 déc. 1946 : 2.— « La Famille Berthelot d’Artigny », BRH, 41 (1935) : 3–38.— Antoine Roy, « Sur quelques ventes aux enchères et bibliothèques privées », Cahiers des Dix, 26 (1961) : 219–233.
Gilles Gallichan, « BERTHELOT, AMABLE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/berthelot_amable_7F.html.
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Auteur de l'article: | Gilles Gallichan |
Titre de l'article: | BERTHELOT, AMABLE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 2017 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |