BERNIER, THOMAS-ALFRED (baptisé Thomas-Wolfred), journaliste, avocat, fonctionnaire, homme politique et auteur, né le 15 août 1844 à Henryville, Bas-Canada, fils de Thomas Bernier, menuisier, et de Julie Létourneau ; le 15 août 1871, il épousa au même endroit Marie-Julie-Malvina Demers, et ils eurent dix enfants dont trois moururent en bas âge ; décédé le 30 décembre 1908 à Saint-Boniface, Manitoba.

Thomas-Alfred Bernier étudie au séminaire de Saint-Hyacinthe de 1857 à 1865. Il opte ensuite pour le droit et, tout en faisant son stage de clerc à Saint-Hyacinthe, il est rédacteur au Messager de Joliette en 1865 et collabore au Bourdon, journal satirique de Saint-Hyacinthe, en 1866. Il se joint aussi à l’Union catholique de Saint-Hyacinthe, cercle de discussions et de lectures, présidé par Honoré Mercier*. Il s’y lie d’une amitié durable avec l’abbé François Tétreau, directeur de l’association, et Pierre Boucher* de La Bruère, qui en est secrétaire. Admis au barreau en 1869, il installe son cabinet à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) où il ne tarde pas à se bâtir une bonne clientèle. Toujours attiré par le journalisme, il est rédacteur du Courrier de Saint-Hyacinthe, qui défend les intérêts du Parti conservateur, du 11 avril 1871 au 3 décembre 1872. Nommé substitut du procureur général dans le district d’Iberville en 1874, Bernier perd toutefois sa charge quatre ans plus tard avec l’arrivée au pouvoir des libéraux de Henri-Gustave Joly. À la suite d’une rencontre avec le père Albert Lacombe*, de passage dans la province de Québec pour recruter des familles pour l’Ouest, il se laisse convaincre par ce dernier d’aller s’installer au Manitoba.

Bernier arrive à Saint-Boniface en avril 1880 et se livre d’abord à l’agriculture à Sainte-Agathe, sur les bords de la rivière Rouge. L’année suivante, à la demande de Mgr Alexandre-Antonin Taché*, il accepte, mais non sans hésitation, d’être nommé surintendant des écoles catholiques de la province. La tâche n’est pas facile, car, comme le constate Bernier, une partie grandissante de la population anglophone, pour la plupart des nouveaux arrivés, favorise l’abolition du double système d’enseignement public confessionnel. Il prend son travail à cœur, s’assurant que les écoles catholiques se développent et offrent un enseignement de qualité. Il s’intéresse également à l’enseignement supérieur et, de 1883 à 1893, il est registraire du conseil de l’université de Manitoba. En 1886, à l’occasion de la Colonial and Indian Exhibition, tenue à Londres, il envoie une collection de devoirs journaliers de classe qui seront remarqués et mériteront à plusieurs élèves du réseau catholique des diplômes et des médailles. Gédéon Ouimet, surintendant de l’Instruction publique de la province de Québec, lui écrit : « Tout bien considéré, je suis d’avis que notre système à Québec et chez vous, est aussi complet que celui que l’on a adopté ailleurs. »

En dépit des efforts de Mgr Taché et de Bernier pour préserver le système d’enseignement catholique au Manitoba, l’agitation ne cesse de croître contre la dualité linguistique et, en mars 1890, le gouvernement de Thomas Greenway abolit le double système d’enseignement public confessionnel et l’usage de la langue française au Parlement, dans les tribunaux et dans les documents officiels. Bernier se retrouve sans emploi et songe un instant à se lancer en politique mais, comme il le confie à son ami Boucher de La Bruère le 20 novembre : « Mgr [Taché] a toujours été adverse à l’idée de me voir entrer dans la politique. C’est lui qui m’a décidé à m’enfouir dans l’administration. » Toutefois, la mort de Marc-Amable Girard* en 1892 crée une vacance au Sénat et, le 27 octobre, Bernier y est nommé par le gouvernement conservateur de sir John Joseph Caldwell Abbott*. C’est à ce titre qu’il dénonce en 1896 l’accord Laurier-Greenway, accord qui selon plusieurs mettait fin à la question des écoles du Manitoba. Dans un discours au Sénat le 5 avril 1897, il déclare : « c’est faire luire à nos yeux un vain espoir que de chercher à nous persuader qu’avec le temps notre position pourrait redevenir meilleure. Non, il n’est pas vrai, comme on ose nous le dire pour mieux nous endormir, que ce règlement ne soit qu’une première concession devant être bientôt suivie par d’autres. » La position de Bernier restera ferme jusqu’à sa mort et il la fera valoir dans de nombreux articles publiés dans l’hebdomadaire le Manitoba de Saint-Boniface.

En dépit des événements, Bernier demeurait convaincu que l’avenir de la race canadienne-française se trouvait au Manitoba ; il déplorait l’exode vers les États-Unis et dénonçait l’idée d’une mission providentielle des Canadiens français dans ce pays. Maire de Saint-Boniface en 1883, 1884, 1886, 1891 et 1897, ainsi que président d’une société de colonisation, il avait travaillé inlassablement au progrès et au développement de sa province d’adoption. En 1887, il avait fait paraître à Ottawa une brochure, le Manitoba, champ d’immigration, dans le but d’encourager ses compatriotes du Québec ainsi que de la Nouvelle-Angleterre à venir s’installer dans l’Ouest.

Victime d’une attaque de paralysie, Thomas-Alfred Bernier meurt à Saint-Boniface le 30 décembre 1908. Le Manitoba souligne l’importance de sa contribution dans les différents secteurs dont il s’est occupé et conclut : « Jamais peut-être dans l’histoire de Saint-Boniface, n’a-t-on encore constaté un plus grand mouvement spontané des citoyens pour venir témoigner leur profond respect à la mémoire de l’un d’entre eux. »

Jean-Marie Taillefer

Nous avons consulté les dossiers de Thomas-Alfred Bernier aux PAM (RG 19, A3) et aux Arch. de la Soc. hist. de Saint-Boniface, Manitoba, pour la rédaction de cette biographie ; les Arch. de la Compagnie de Jésus (Saint-Jérôme, Québec) et les Arch. du séminaire de Saint-Hyacinthe (Québec) contiennent aussi une partie de sa correspondance.

Outre sa brochure sur le Manitoba, Bernier est l’auteur de : Prêtre, Laïque et Politique ; incidents de la campagne scolaire au Manitoba (Saint-Boniface, 1894) ; Question scolaire ; discours [...] prononcé devant le Sénat canadien le 5 avril 1897 (s.l., [1897]).

ANQ-M, CE4-7, 15 août 1844, 15 août 1871.— Le Manitoba (Saint-Boniface), 1881–1908.— Le Métis (Saint-Boniface), 22, 29 avril, 27 mai 1880.— Noël Bernier, Fannystelle ; une fleur de France éclose en terre manitobaine (Saint-Boniface, 1939).— Paul Crunican, Priests and politicians : Manitoba schools and the election of 1896 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1974).— Lionel Dorge, Introduction à l’étude des Franco-Manitobains ; essai historique et bibliographique (Saint-Boniface, 1973).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise.— Manitoba, Assemblée législative, Journaux, « Doc. de la session », 1881–1887 (rapport du surintendant des écoles catholiques).— Newspaper reference book.— Rumilly, Mercier et son temps.

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Jean-Marie Taillefer, « BERNIER, THOMAS-ALFRED (baptisé Thomas-Wolfred) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bernier_thomas_alfred_13F.html.

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Auteur de l'article:    Jean-Marie Taillefer
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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