BENJAMIN, GEORGE, journaliste, homme politique et orangiste, né le 15 avril 1799 dans le comté de Sussex, Angleterre, marié et père de 12 enfants, décédé le 7 septembre 1864 à Belleville, Haut-Canada.

On sait peu de chose sur les antécédents familiaux et les premières années de George Benjamin. Jeune homme, il émigra en Amérique du Nord et s’installa pendant quelque temps en Caroline du Nord ; il vint au Canada vers 1830 et s’établit à York (Toronto), où il fit la connaissance de James Hunter Samson, député de Hastings à l’Assemblée et le plus éminent avocat de Belleville. Sous son influence, Benjamin se procura et exploita une presse d’imprimerie : il entreprit en 1834 la publication de l’Intelligencer, un journal de Belleville qui devait défendre de façon systématique le point de vue conservateur.

C’est probablement à cette époque que Benjamin se joignit à l’ordre d’Orange, en même temps que les chefs de file conservateurs du district de Newcastle (y compris George Strange Boulton, John Brown, député de Durham à la chambre d’Assemblée, et le colonel John Covert*), qui s’efforçaient de transformer les loges orangistes en cercles conservateurs de type conventionnel. Il faut croire que Benjamin a été accepté par les conservateurs de Belleville et par les milieux dirigeants de Toronto puisqu’il fut bientôt nommé capitaine dans la milice de Belleville. En dépit de son statut, il servit dans les rangs d’une compagnie de volontaires qui repoussa en 1838 les rebelles canadiens et les Américains qui s’étaient infiltrés dans la région de Gananoque. Cette action contribua sans doute à rehausser son prestige dans les milieux politiques du comté de Hastings. Benjamin se fit le promoteur de la construction d’une route à revêtement de bois entre Belleville et Camden et, avec l’appui d’un entrepreneur américain, l’ouvrage s’avéra en fin de compte un succès financier. Il prit aussi l’initiative du pavage en macadam des routes de son district.

Parmi ses premiers postes, on peut citer ceux de notaire en 1836 et de greffier de la municipalité de Belleville de 1836 à 1847 ; il fut aussi registraire du comté de Hastings, greffier municipal de Thurlow et greffier du Bureau de police de Belleville en 1847. Lorsqu’en 1849, le comté de Hastings fut séparé du district de Midland, Benjamin fut l’un des commissaires chargés de régler les problèmes financiers résultant de la séparation. Il remplit pendant quelque temps les fonctions de conseiller et de président du conseil municipal du canton de Hungerford et fut préfet de Hastings de 1847 à 1862.

Benjamin obtint ces postes lucratifs et relativement prestigieux grâce à son influence politique et à celle de ses amis, Ogle Robert Gowan*, Edmund Murney et James Hunter Samson. Les fonctions qu’il remplissait l’aidèrent à consolider son autorité dans le comté, mais ses liens avec les loges orangistes lui assurèrent davantage de prestige. En 1846, il devint grand maître de l’ordre d’Orange en Amérique du Nord britannique, en remplacement de son fondateur, Ogle Robert Gowan, préoccupé de sa carrière politique. À cette époque, le Haut-Canada comptait près de 50 000 orangistes qui, depuis 1836, constituaient un élément important de la puissance électorale du parti tory. Toutefois, en tant que leader des orangistes, Gowan avait à plusieurs reprises dénoncé le « Family Compact » et préconisé, dans une brochure parue en 1839, un gouvernement responsable. En dépit de son alliance avec John Alexander Macdonald* dans les années 40, Gowan « manquait de respectabilité » aux yeux des ultra-conservateurs et des dirigeants du « Compact » tels que sir Allan MacNab, qui le considéraient comme un outsider. Aussi, les orangistes conservateurs ressentaient-ils le besoin d’avoir un grand maître moins provocant et plus conciliant, et il semble que Benjamin ait répondu à leur attente. En 1851, il aida à obtenir l’abrogation de la loi interdisant les défilés orangistes, moins de deux ans après la participation des orangistes aux attaques dont lord Elgin [Bruce] fut l’objet, à la suite de l’adoption du projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion.

Benjamin et Gowan avaient participé ensemble à l’organisation en 1849 de la British American League qui cherchait à combattre les sentiments annexionnistes et républicains. Mais, après avoir déménagé de Brockville à Toronto en 1852, Gowan décida de s’attaquer à la position de Benjamin au sommet du mouvement orangiste. À cette époque, on identifiait déjà Gowan avec la politique de John A. Macdonald désireux de maintenir l’alliance des conservateurs du Haut-Canada avec le parti « bleu » de George-Étienne Cartier* du Bas-Canada. Il n’est pas clair qui des partisans de Gowan ou de Benjamin étaient en majorité lors de l’importante réunion de la grande loge, tenue à Kingston en 1853, mais il reste que Gowan, le plus agressif et le moins scrupuleux des deux, réussit à réaffirmer son autorité de chef. L’attaque de Gowan contre le leadership de Benjamin reflétait plus qu’un conflit de personnalité : les partisans de Benjamin se retirèrent pour former une grande loge dissidente qui rejetait l’alliance des conservateurs avec les « bleus ». Ainsi, bien que modéré par tempérament et dans ses relations antérieures, Benjamin fut propulsé à la tête de l’aile anticléricale de l’orangisme, aile qui appuyait George Brown*, défenseur du principe de la séparation de l’Église et de l’État et du soutien de l’Église par contributions volontaires (voluntaryism). La majorité des orangistes partageait probablement la méfiance de Benjamin à l’égard d’une alliance avec les « bleus ». Cependant, Benjamin n’avait pas été actif comme grand maître – il n’avait fondé en moyenne que huit nouvelles loges par an – et n’avait pas de chauds partisans.

Après la scission, Gowan fit le tour des comtés de l’est de la province, fonda 124 loges en 1854 et signala en juin 1855 que, des 589 loges existantes, seulement 150 versaient des cotisations à la grande loge dissidente. Il constata avec satisfaction que l’Orange Lily and Protestant Vindicator de Bytown et le British Canadian de Toronto, partisans de Benjamin, avaient tous les deux cessé de paraître. Travailleur acharné et homme politique plein de ressources lorsqu’il s’agissait d’affaires locales, Benjamin sympathisait peu avec les grands desseins politiques conçus par Gowan. Étant donné que son ascendant personnel dépassait à peine les frontières de son district, il ne pouvait guère espérer l’emporter sur Gowan, qui était bien connu dans la province. En dépit de ce fait, Benjamin réussit à maintenir la loge dissidente et força Gowan à accepter un accord en vertu duquel les deux grands maîtres donnèrent leur démission en 1856, ouvrant ainsi la voie à la réunification du mouvement sous la direction neutre de George Lyttleton Allen. Les blessures de la scission une fois cicatrisées, ce fut John Hillyard Cameron* et non Benjamin qui dirigea l’opposition orangiste à l’alliance avec les bleus.

Après la démission d’Edmund Murney, Benjamin fut élu en 1856 député de Hastings-Nord à l’Assemblée législative avec une majorité solide. Défait dans la même circonscription en 1848, son élection de 1856 marqua le début d’une modeste mais utile carrière parlementaire qui dura jusqu’en 1863. Il était gagné à la représentation basée sur la population mais vota en faveur d’écoles séparées et appuya en général l’alliance de Macdonald avec les bleus. En fait, c’était un conservateur modéré dont l’intérêt pour l’orangisme était de nature politique. C’est seulement après la décision de Gowan de l’évincer de son poste, qu’il prit la tête de l’aile « ultra-protestante ». Benjamin dut compter avec les sentiments anticléricaux du corps électoral, mais le fait qu’il ait voté en faveur de la constitution juridique des Catholic Ladies of Loretto, ce qui lui valut un blâme du Globe et lui fit perdre sans aucun doute des votes aux élections très serrées de 1857, montre qu’il suivait une politique fondamentalement modérée. À vrai dire, ce sont les aspects administratifs de la vie parlementaire qui le préoccupaient surtout. On lui attribua le mérite d’avoir épargné au gouvernement une somme de $500 000 pendant qu’il siégeait au comité parlementaire d’imprimerie, et il obtint pour cela une gratification de $2 000.

En 1862, Benjamin essaya de se faire élire de nouveau conseiller de Hungerford et préfet de Hastings-Nord mais son élection fut invalidée pour des vices de procédure. Il ne se présenta pas aux élections provinciales de 1863 et décéda, après une longue maladie, l’année suivante.

Hereward Senior

George Benjamin est l’auteur de Short lessons for members of parliament [...] (Québec, 1862), un guide des règlements et des procédures parlementaires.

APC, MG 24, C34.— Coll. Elgin-Grey (Doughty), I : 408.— Loyal Orange Assoc. of British North America, Grand Lodge, Annual report (Toronto), 1853, 1856, 1865.— Loyal Orange Assoc. of British North America, Grand Lodge, Annual report (Bytown [Ottawa]), 1854.— Brockville Recorder, 9, 23 oct. 1856.— Daily News (Kingston, Ont.), 9 sept. 1864.— Globe, 9 sept. 1864.— Intelligencer (Belleville, Ont.), janv.–mars 1862.— Montreal Gazette, 8 juill. 1854.— Orange Lily and Protestant Vindicator (Bytown [Ottawa]), 4 févr., 4 mars 1854.— Toronto Patriot, 14 sept. 1864.— Weekly Post (Montréal), 14 août 1846.— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology, 130, 145, 198.— CPC, 1862, 1863.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 27.— Political appointments, 18411865 (J.-O. Côté), 98, 101, 112.— Wallace, Macmillan dictionary, 49.— Careless, Brown, II : 22.— Creighton, Macdonald, young politician, 195, 308, 328.

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Hereward Senior, « BENJAMIN, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/benjamin_george_9F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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