BEMAN, ELISHA, homme d’affaires, fonctionnaire et juge de paix, né en 1760 à New York ; il se maria une première fois et eut quatre enfants, puis le 5 septembre 1802 il épousa Esther Sayre, veuve de Christopher Robinson*, et de ce mariage naquit une fille ; décédé le 14 octobre 1821 à Newmarket, Haut-Canada.
Elisha Beman s’établit à York (Toronto) en 1795. Il ouvrit une taverne et exploita un commerce où il vendait des produits d’épicerie et de boulangerie. Beman prospéra et devint un des plus riches habitants de la ville. Vers la fin des années 1790, il s’intéressa à plusieurs projets qui, s’ils s’étaient concrétisés, auraient causé son départ d’York. D’abord, par suite de la volonté du gouvernement d’améliorer les moyens de communication le long de la rue Yonge, puis jusqu’au lac Simcoe et même plus loin, Beman adressa une demande à l’administrateur Peter Russell*, le 6 octobre 1798, afin d’obtenir 1 000 acres de terre. Il comptait s’installer à l’extrémité nord du portage de Toronto ou encore sur les bords de la rivière Severn, où il ouvrirait une auberge, ferait du défrichement et garderait des chevaux et du bétail. Il se proposait aussi d’exploiter un service de traversier sur le lac Simcoe et, lorsque la région se peuplerait, de construire des scieries et des moulins à farine. À son avis, les capitaux nécessaires à la réalisation de ce projet pourraient provenir des « fruits de son propre travail et de la vente des propriétés qu’il possédait ailleurs ». En réponse à ses offres, le Conseil exécutif lui concéda un lot de ville à York, ainsi que 1 000 acres de terre en reconnaissance des « efforts considérables qu’il avait déployés pour ravitailler la ville, alors que personne d’autre n’avait tenté de le faire ». Le printemps suivant, le conseil lui permit d’acheter 1 000 autres acres à 6d chacune. Ensuite, Beman s’associa pendant quelque temps avec Abel Stevens pour construire une fonderie de fer dans la région de Gananoque. Le 11 février 1799, les deux hommes tracèrent les grandes lignes de leur projet dans une pétition où il était dit que, pour convaincre le gouvernement du sérieux de leur intention, les promoteurs s’étaient assurés la collaboration de Beman parce que celui-ci jouissait « d’un solide crédit à Montréal et qu’il [était] doublement préparé pour les aider à lancer la future fabrique, ayant été élevé dans le milieu de la fonderie et ayant exercé longtemps cette industrie dans les États voisins ».
Beman occupa plusieurs postes dans la région. Il fut élu cotiseur municipal et inspecteur des chemins en 1799, puis nommé commissaire des mesures de capacité pour les matières sèches, le 17 octobre 1801. Afin qu’ils « puissent faire régner l’ordre et la discipline dans leur établissement respectif », certains taverniers, tel Beman, furent nommés constables. Beman exerça cette fonction à York en 1801, dans le district de Home en 1802 et dans le canton de Whitchurch en 1805. Mais il se distingua davantage en obtenant sa première commission de juge de paix pour le district de Home, le 5 avril 1803. Il fut reconduit dans ses fonctions à plusieurs reprises et reçut sa dernière commission le 13 mars 1820.
Peu après son deuxième mariage en 1802, Beman s’installa plus au nord avec sa famille, dans une maison que Peter Robinson* avait bâtie près de la rivière Holland. Il continua toutefois pendant quelques années à exploiter son commerce à York. En 1803, il acheta un terrain et un moulin (il se peut aussi que Beman ait lui-même construit le moulin durant l’été), sur l’emplacement de l’actuelle ville de Newmarket. L’année suivante, il vendit ce terrain à Joseph Hill et lui acheta la moitié du lot adjacent, sur laquelle se trouvaient une maison, un moulin et un magasin. Il s’y installa et ouvrit un commerce. En 1805, il agrandit sa propriété en faisant l’acquisition du lot agricole qui lui était contigu. Le 28 décembre de la même année, il demanda l’autorisation d’ouvrir une taverne, mais sa requête fut rejetée. Cependant, il construisit une distillerie quelque temps plus tard.
Il semble que le commerce de Beman ait été prospère. On sait que celui-ci expédia des fourrures et de la potasse pour le compte de certains marchands, tel Laurent Quetton St George, qu’il distilla et moulut des grains à Newmarket pour les marchés de la région et qu’il vendit au détail des marchandises qu’il avait achetées de grossistes d’York et de Kingston. Son fils Eli construisit un moulin et un hôtel à Holland Landing et exploita un service de traversier et un bateau sur le lac Simcoe. Un autre de ses fils, Joel, travailla apparemment à ses exploitations agricoles et il semble même en avoir assumé la direction. Elisha et Eli furent, à n’en pas douter, étroitement associés à Peter Robinson, qui tentait alors de mettre sur pied un commerce de gros et de détail à Newmarket et à Holland Landing, semblable à celui de Beman. L’ouvrage History of the town of Newmarket accuse Beman et Robinson d’avoir utilisé des procédés déloyaux dans leurs relations d’affaires avec Joseph Hill. Les archives du tribunal civil jettent un éclairage nouveau sur les activités commerciales de Beman et montrent que ses entreprises ne furent pas toujours couronnées de succès. Entre 1804 et 1808, la cour rendit sept jugements en faveur des créanciers de Beman et leur accorda au total plus de £7 000.
Les activités politiques de Beman sont peu connues. Avec Samuel Heron* et d’autres, il fut l’un de ceux qui protestèrent contre l’inconvenance de l’élection du juge Henry Allcock* à la chambre d’Assemblée en 1801. Il fit aussi partie de l’Upper Canada Agricultural and Commercial Society qui contribua peut-être à organiser l’opposition autour de Joseph Willcocks*. Une lettre datée du 18 mai 1814 et écrite par son beau-fils, John Beverley Robinson*, procureur général par intérim, laisse entendre que, du point de vue du gouvernement, les opinions politiques de Beman étaient suspectes. Robinson répondait alors à l’arpenteur général Thomas Ridout, qui avait affirmé que Beman, en sa qualité de juge de paix, « ne se préoccupait pas suffisamment de faire échec aux manœuvres séditieuses de son milieu ». Tout en reconnaissant que « cette observation [était] juste », Robinson poursuivait en ces termes : « malgré son manque de zèle, [Beman] n’est ni un séditieux ni un perturbateur et, abstraction faite de ses opinions politiques, c’est un membre exemplaire de la société qui rend de grands services comme juge de paix ».
Elisha Beman se retira peu à peu des affaires et céda la direction de son commerce à ses fils pour se consacrer tout entier à ses exploitations agricoles. À l’automne de 1821, sa santé se détériora et il fut probablement victime d’une attaque. Le 7 octobre, « étant faible de corps mais jouissant de toutes ses facultés », il fit son testament et partagea ses terres entre ses enfants. Il mourut une semaine plus tard.
AO, MS 4 ; MS 87 ; RG 22, sér. 131, 1 : fos 19–21.— APC, RG 1, L3, 446 : S misc., 1783–1818/71 ; RG 5, A1 : 8339–8342 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 412, 416, 422, 430, 438.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1909 : 183.— « Political state of U.C. », APC Report, 1892 : 41–43.— Town of York, 1793–1815 (Firth).— Upper Canada Gazette, 1793–1821.— History of the town of Newmarket (s.l., [1968]).
Robert E. Saunders, « BEMAN, ELISHA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/beman_elisha_6F.html.
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Auteur de l'article: | Robert E. Saunders |
Titre de l'article: | BEMAN, ELISHA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
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