BELL, JOHN HOWATT, avocat, homme politique et rédacteur en chef d’un journal, né probablement le 13 décembre 1845 à Cape Traverse, Île-du-Prince-Édouard, fils de Walter Bell et d’Elizabeth Howatt ; le 7 juillet 1882, il épousa à Sarnia, Ontario, Helen Howatt, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 29 janvier 1929 à Los Angeles, Californie.
John Howatt Bell était le fils d’un immigrant d’Écosse qui, arrivé en 1820, se fit cultivateur dans la région de Cape Traverse, à l’Île-du-Prince-Édouard. Il fréquenta des écoles de rang, le Prince of Wales College de Charlottetown et l’Albert College de Belleville, en Ontario, où il obtint une licence ès arts en 1868 et une maîtrise ès arts l’année suivante. Il étudia le droit à Toronto et à Ingersoll et fut reçu au Barreau de l’Ontario en 1874. Il exerça à Ottawa jusqu’au début de 1882 puis s’installa au Manitoba. Après son admission au barreau de cette province, il ouvrit un cabinet à Emerson. Son séjour au Manitoba serait de courte durée. En juillet 1882, il épousa sa cousine germaine Helen Howatt ; résidente de St Eleanors, à l’Île-du-Prince-Édouard, elle était la fille de l’ex-député anticonfédérateur Cornelius Howatt*. Deux ans plus tard, Bell retourna dans sa province natale et fut admis au barreau de celle-ci. Il exerça le droit à Summerside, d’abord seul puis en association avec Alexander Bannerman Tanton. Le titre de conseiller du roi lui serait conféré en 1910.
Bell entama sa carrière politique en 1886 en se faisant élire, sous la bannière libérale, député du 4e district du comté de Prince à la Chambre d’assemblée. Il remporta de nouveau la victoire en 1890 et, à la suite de la réorganisation du Parlement, accomplie en 1893 pour abolir la Chambre haute, il devint l’un des deux représentants du district à l’Assemblée législative. En 1896, lorsqu’une élection partielle fut convoquée après le décès d’Alexander Laird*, son colistier dans le 4e district de Prince, Bell, en froid avec son premier ministre, Frederick Peters, soutint le candidat des Patrons of Industry, organisation issue du mouvement populiste de réforme agraire de l’Ontario [V. George Weston Wrigley*] et implantée à l’Île-du-Prince-Édouard par Duncan McLean Marshall*. Bell était alors rédacteur en chef du Pioneer de Summerside et, même avant la convocation de l’élection, il avait présenté le programme des Patrons sous un jour favorable. Menacés de perdre la publicité gouvernementale, les propriétaires du journal le démirent de sa fonction en août 1896. L’appui recueilli par les Patrons au scrutin de septembre divisa le vote et permit aux conservateurs de l’emporter. De toute évidence, Bell se raccommoda avec les libéraux. Vainqueur aux élections générales de la province en 1897, il démissionna à la fin de la session de 1898 et, au cours d’un scrutin partiel tenu à la suite de la nomination de John Yeo au Sénat, se fit élire à la Chambre des communes en tant que représentant du district de Prince East. Après sa défaite aux élections fédérales de 1900, il retourna à la pratique du droit.
Bell revint dans l’arène provinciale en septembre 1915 en reprenant son siège du 4e district du comté de Prince. Le Parti libéral traversait alors une crise de leadership. Le nombre de ses députés était passé de 2 à 13, mais le chef, Benjamin Rogers, âgé de 78 ans et choisi à l’échéance de son mandat de lieutenant-gouverneur, ne figurait pas parmi les élus. Bientôt obligé de faire face à une élection partielle sans avoir de chef, le parti préféra Bell à plusieurs de ses jeunes et dynamiques députés d’arrière-ban (y compris les futurs premiers ministres provinciaux Walter Maxfield Lea* et Albert Charles Saunders*). C’est ainsi que Bell prit la tête de l’opposition en décembre 1915, à l’âge de 70 ans. Âpre dans les débats, il fut réprimandé en 1916 pour avoir déclaré que le gouvernement de John Alexander Mathieson* avait falsifié plusieurs comptes. Aux élections générales de 1919, il mena ses troupes à la victoire : les libéraux obtinrent 24 sièges sur 30. Wayne E. MacKinnon, l’historien du Parti libéral à l’Île-du-Prince-Édouard, soutient que, en tant que premier ministre, Bell était un chef médiocre, sans beaucoup d’autorité sur son cabinet. En 1922, sur le parquet de la Chambre, il croiserait le fer avec son procureur général, James John Johnston, à propos d’une mesure que Johnston présenterait comme un projet de loi gouvernemental mais que Bell qualifierait de « loi extrêmement dangereuse ». Cette dispute ferait les délices de l’opposition.
Le différend au sujet du libre accès aux routes de l’île s’étant réglé sous le gouvernement conservateur d’Aubin-Edmond Arsenault*, les libéraux, une fois au pouvoir, s’attaquèrent à l’amélioration de la voirie. Avant 1917, il y avait eu des restrictions sur la circulation automobile, bon nombre de routes étant dans un état lamentable. En 1920, à la faveur d’un programme en vertu duquel le gouvernement fédéral paierait 40 % des coûts, la province mit en œuvre un ambitieux projet d’amélioration du réseau routier. Dès 1923, les libéraux annonçaient avec fierté que, avec plus de 5 000 milles, l’île avait plus de routes par habitant que toute autre province canadienne. En vue d’acquitter sa part, le gouvernement avait lancé une grosse émission d’obligations, ce qui avait beaucoup alourdi sa dette. Les intérêts devaient être payés au moyen des recettes de l’immatriculation des automobiles, mais comme elles ne suffisaient pas, la province puisait dans ses revenus généraux. Les difficultés financières du gouvernement Bell, qui avait déjà instauré plusieurs nouvelles taxes, dont une taxe de vote controversée de 3 $, s’en trouvaient aggravées.
Bien que l’Île-du-Prince-Édouard n’ait jamais été à la tête du mouvement de défense des droits des Maritimes, Bell avait, en 1920, présenté une motion sur la nécessité de faire front commun contre le gouvernement fédéral et longuement défendu ce point de vue en Chambre. La même année, son gouvernement eut à régler un autre dossier avec Ottawa : le sort du Charles Dalton Sanatorium. Cet hôpital destiné aux tuberculeux avait été construit et donné à la province en 1913 par l’éleveur de renards et philanthrope Charles Dalton*. Le gouvernement fédéral en avait assumé la charge de 1917 à 1919 et l’avait utilisé comme hôpital militaire. Étant donné que les « importants travaux d’agrandissement » réalisés par Ottawa avaient fait grimper les frais d’administration, Bell refusait que la province reprenne l’établissement. Celui-ci ferma donc ses portes et fut laissé à l’abandon. Certains virent dans ce geste de Bell une vengeance inspirée par le fait que Dalton était conservateur ; d’autres déplorèrent ce gaspillage, qui privait la province d’un cadeau dont elle avait bien besoin.
En 1923, Bell affronta un électorat très différent de celui de 1919. Au cours de sa campagne en 1919, il avait promis le vote aux femmes ; elles l’avaient obtenu en 1922, avec l’appui des deux côtés de la Chambre. Cependant, le grand thème de la campagne de 1923 ne fut pas ce changement, mais l’imposition de tout un éventail de nouvelles taxes pour absorber les dépenses croissantes du gouvernement. Les conservateurs de James David Stewart* s’adressèrent au contribuable présent en chaque électeur et le gouvernement Bell se trouva bientôt en difficulté. Après avoir perdu dans sa propre circonscription et vu les libéraux passer dans l’opposition avec seulement cinq sièges, Bell, âgé de 77 ans, démissionna de la direction du parti et se retira de la vie publique. C’était la première fois qu’un premier ministre menait son parti de l’opposition au gouvernement et en restait chef jusqu’à la défaite.
Dans ses dernières années, John Howatt Bell voyagea beaucoup et prononça des causeries sur ses séjours au Moyen-Orient. Le Charlottetown Guardian déclara par la suite : « c’était bien en tant que conférencier et imitateur aux talents divers, plutôt qu’en politique, que M. Bell excellait ». En 1929, installé en Californie pour l’hiver, il mourut à Los Angeles trois jours après avoir été heurté par une automobile. Il fut inhumé à Summerside. Le ton des nécrologies fut conforme aux allégeances partisanes. Le Guardian, conservateur, nota que, vu son grand âge, Bell avait été « naturellement peu enclin à adopter des idées neuves ou à accepter des obligations financières, aussi pressantes qu’elles fussent ». L’Evening Patriot de Charlottetown, journal libéral, parla de lui comme du « Gladstone de l’Île-du-Prince-Édouard » en faisant allusion à son âge et à ses qualités d’homme d’État. Toutefois, les journaux s’entendaient pour reconnaître ses dons de débatteur. Durant de nombreuses années, le Prince of Wales College décerna les prix John H. Bell aux élèves qui se distinguaient dans les débats.
Il n’existe pas de collection de papiers personnels de John Howatt Bell. Les PARO gardent des dossiers constitués surtout de correspondance envoyée par Bell du temps où il était premier ministre (RG 25, ser. 25).
AO, RG 80-5-0-171, nº 5537.— PARO, Acc. 2323 : 2109–2171 (Bell family) ; P.E.I. Geneal. Soc. coll., reference files, Bell and Howatt family files ; RG 6.1, ser. 19, subser. 2, file 90.— People’s Cemetery (Summerside, Î.-P-É.), inscription de pierre tombale.— Charlottetown Herald, 16, 23 sept. 1896.— Morning Guardian (Charlottetown), 31 août 1896 ; publié par la suite sous le nom de Charlottetown Guardian, 21 déc. 1915, 30–31 janv. 1929.— Patriot (Charlottetown), 20 déc. 1915, 17 avril 1920, 26 avril 1922, 30 janv. 1929.— Pioneer (Summerside), 9, 16, 23 mars 1896, 2 févr. 1929.— Summerside Journal, 3 août 1882.— Canadian annual rev., 1915–1923.— Canadian directory of parl. (Johnson).— CPG, 1886–1900, 1915–1923.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 3.— Katherine Dewar, « John A. Dewar : the principled maverick », Island Magazine (Charlottetown), nº 43 (printemps/été 1998) : 3–7. — Î.-P.-É., Legislative Assembly, Journal, 2 mai 1916 ; 1920 : 41s.— Frank MacKinnon, The government of Prince Edward Island (Toronto, 1951).— W. E. MacKinnon, The life of the party : a history of the Liberal party in Prince Edward Island ([Charlottetown], 1973).— Maple Leaf (Oakland, Calif.), 22 (févr. 1929) : 51.
Harry Tinson Holman, « BELL, JOHN HOWATT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bell_john_howatt_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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