BAYNE, DANIEL, marchand, trafiquant sur la côte du Labrador, né vers 1730, possiblement dans le Ross-shire en Écosse, décédé à Londres en 1769.

Daniel Bayne était au nombre des marchands anglais qui s’établirent à Québec après la Conquête. Il s’associa avec un autre marchand écossais du nom de William Brymer et, le 26 avril 1763, le gouverneur James Murray* leur concéda pour quatre ans le poste de pêche du cap Charles sur la côte du Labrador. Un autre Écossais de Québec, William Lead, se vit confier la garde du poste tandis qu’une équipe de Canadiens français fut envoyée pour la saison hivernale de la pêche au loup marin.

Entre-temps, cependant, la proclamation royale de 1763 plaçait la côte du Labrador sous l’autorité du gouverneur de Terre-Neuve et la soumettait aux lois de pêche de Terre-Neuve. En vue de maintenir « la pêche ouverte et libre », les places de pêche n’étaient concédées que d’année en année, la préférence étant accordée aux pêcheurs qui venaient chaque année d’Angleterre.

Daniel Bayne et son partenaire ne ressentirent les effets du nouveau régime qu’à l’été de 1765. En août, le gouverneur de Terre-Neuve, Hugh Palliser*, se rendit visiter la baie des Châteaux, à quelques lieues au sud-ouest du cap Charles. Il était désireux de se concilier les Esquimaux et d’empêcher le commerce illicite des Français dans leurs anciennes réserves. Quand il entendit parler du poste du cap Charles, le gouverneur fit saisir Lead et son aide canadien-français ainsi que leurs effets et leurs armes à feu provenant de France. Il leur donna ordre de quitter le Labrador, et publia une proclamation interdisant la côte aux coloniaux, sous la menace de sévères représailles. William Lead partit pour Québec et, à Mingan, il rencontra le sloop Esquimaux que Bayne et Brymer venaient d’équiper « à grands frais » pour la prochaine saison hivernale de pêche au loup marin. Le capitaine du sloop rebroussa chemin vers Québec, où le navire et la cargaison furent vendus en octobre à lourde perte. Les partenaires, furieux, partirent pour l’Angleterre, décidés de se faire dédommager « par les cœurs généreux et honnêtes de [leurs] pairs ».

Bayne et Brymer demandèrent au Board of Trade de les réinstaller dans leur pêcherie et de les rembourser pour leurs dommages évalués à £5 000. Avec d’autres marchands de Québec qui avaient essuyé les mêmes déboires, ils proclamèrent la validité de leurs concessions et taxèrent les actes de Palliser « d’illégaux, d’oppressifs et de dommageables aux droits et privilèges dont jouiss[aient], en qualité de sujets britanniques, les habitants de Québec ». La pêche au loup marin exigeait, selon eux, des concessions exclusives, puisque l’équipement devait être bâti spécialement pour chaque localité. Exaspéré, Palliser soutenait qu’il avait répété plusieurs fois aux marchands que toute perte résultant de la dépossession de terrains serait dédommagée. Il justifia sa conduite en 1765 par la proclamation de 1763 et par les ordres qu’il avait reçus de faire respecter les lois qui garantissaient une pêche ouverte et libre. Les concessions « illégales » de Murray ne favorisaient que quelques « colons contrebandiers », tandis que ses propres réglementations avaient créé un large champ d’action qui favorisait grandement la pêche, le commerce et les marins de Grande-Bretagne.

Durant les quatre années qui suivirent, de longues pétitions et mémoires circulèrent entre le Board of Trade, le Conseil privé et la Cour du banc du roi. Tout en appuyant Palliser, le gouvernement reconnut éventuellement qu’il était impossible de contester efficacement la légalité des concessions accordées aux marchands. En février 1770, les deux parties réglèrent la question en privé : Palliser accorda £600 aux marchands et fut remboursé par mandat royal.

Pour Daniel Bayne, le règlement de l’affaire arrivait trop tard : il était décédé à Londres à l’été de 1769. Célibataire, il laissait sa propriété aux fils de son oncle John Bayne. William Brymer, alors dans les affaires sur la rue Lombard, fut l’un des exécuteurs testamentaires.

L’obstination avec laquelle Bayne et son partenaire revendiquèrent leurs droits fit sentir au gouvernement anglais à quel point les marchands de Québec étaient intéressés à s’assurer des droits de propriété et de résidence permanents sur la côte du Labrador. En 1774, la côte fut réunie à Québec, ce qui établissait que les intérêts des Canadiens ne devaient pas être subordonnés aux intérêts « impériaux ». Bayne et Brymer ont démontré qu’une protestation résolue pouvait éventuellement avoir raison d’un gouverneur colonial hautain et amener une compensation pour violation des droits de propriété.

William H. Whiteley

BM, Add. mss, 35 915 (Hardwick papers).— PANL, Nfld., Dept. of Colonial Secretary, Letter books, III, 1759–1765.— PRO, CO 194/16, 194/18, 194/26, 194/27, 195/15 ; KB 122, roll 347, m.672 : « Judgement roll », Easter, 8 Geo. III ; PC 2/112–114 ; Prob. 11/951, p. 301.— In the matter of the boundary between the Dominion of Canada and the colony of Newfoundland in the Labrador peninsula (12 vol., Londres, 1926–1927), III.— Neatby, Quebec.— G, O. Rothney, The case of Bayne and Brymer, an incident in the early history of Labrador, CHR, XV (1934) : 264–275.— W. H. Whiteley, The establishment of the Moravian mission in Labrador and British policy, 1763–83, CHR, XLV (1964) : 29–50.

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William H. Whiteley, « BAYNE, DANIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bayne_daniel_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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