BÂTARD, ÉTIENNE (Anthony), Micmac de Miramichi (N.-B.), vraisemblablement décédé en Nouvelle-Écosse entre 1754 et 1760.

Étienne Bâtard était un guerrier micmac qui fut impliqué dans de nombreuses péripéties de la guerre anglo-micmaque de 1749 à 1753. La « Lettre sur les missions micmaques » de l’abbé Pierre Maillard permet de supposer que Bâtard avait participé à Port-Toulouse (St Peter’s, N.-É.), vers 1740, à une discussion « théologique » entre le marchand Edward How et un groupe de Micmacs. Les Micmacs auraient alors été scandalisés par les propos de How et celui-ci n’aurait évité un mauvais parti que grâce à la présence d’esprit de l’interprète Barthélemy Petitpas.

En septembre 1750, au moment où les Français tentent d’empêcher l’érection du fort Lawrence (près d’Amherst, N.-É.) et entreprennent la construction du fort Beauséjour (près de Sackville, N.-B.), les Micmacs des diverses parties de l’Acadie se réunissent autour de Beauséjour et effectuent des coups de main contre les Anglais. Le 15 octobre (nouveau style), un groupe de Micmacs déguisés en officiers français convoquent Edward How à une conférence. Ce guet-apens organisé par Étienne Bâtard permet à ce dernier de blesser grièvement How qui meurt cinq ou six jours plus tard, d’après le capitaine La Vallière (probablement Louis Leneuf de La Vallière), le seul témoin oculaire.

Le 15 juillet 1751, après une série d’escarmouches, l’officier Saint-Ours (peut-être François-Xavier), qui dirigeait les mouvements des Indiens, les renvoya de Beauséjour. Mais Bâtard et quelques comparses demeurèrent près du fort où ils furent surpris à discuter avec des officiers anglais, qui « les reçurent fort bien, leur firent des présents et cherchèrent par tous les moyens de faire la paix avec eux ». La Vallière suggéra alors en vain à ses supérieurs de faire arrêter les traîtres ; Bâtard quitta Beauséjour en toute liberté le 27 juillet suivant.

On le retrouve en 1753, alors qu’il participe à l’expédition punitive menée par Jean-Baptiste Cope, un autre Micmac, contre un groupe de soldats de Halifax. Bâtard réussit à sauver Anthony Casteel, le seul survivant du groupe, des autres Micmacs qui, s’étant enivrés, se préparaient à lui faire un mauvais parti. On perd ensuite la trace de Bâtard et son nom ne figure sur aucun des traités de paix qui sont conclus, après 1760, entre les diverses tribus micmaques et les Anglais de Halifax. On peut dès lors présumer que Bâtard mourut entre les années 1754 et 1760.

Les récits de l’assassinat de How sont loin de concorder : Albert David n’en relève pas moins de neuf, qui contiennent de notables contradictions. De nombreux historiens de langue anglaise, notamment Beamish Murdoch* et Francis Parkman*, ont retenu comme possible la culpabilité de l’abbé Jean-Louis Le Loutre* dans cet incident, mais cette interprétation est vivement critiquée par Henri-Raymond Casgrain* et Édouard Richard. L’historien David a deux objectifs évidents dans sa tentative de reconstituer le meurtre d’Edward How : prouver l’innocence de Le Loutre et minimiser l’importance de How. Bien que fortement orientée, l’analyse qu’il fait des neuf récits permet pourtant d’établir que Bâtard est bel et bien l’assassin de How. Quant aux motifs qui auraient poussé Bâtard à commettre cette action, l’absence de tout document émanant directement des Micmacs ne nous permet pas d’en proposer qui soient valables. Il n’est pas possible non plus d’affirmer ou de nier la participation, directe ou indirecte, de l’abbé Le Loutre à cette affaire.

Micheline D. Johnson

AN, Col., C11A, 97, ff. 16–34 ; Col., C11B, 29, ff.130–131.— ASQ, Lettres, R, 190.— Anthony Casteel’s journal, Coll. doc. inédits Canada et Amérique, II (1889) : II 1–126.— Journal de ce qui s’est passé à Chicnitou et autres parties des frontières de L’Acadie depuis le 15 septembre 1750 jusqu’au 28 juillet 1751, RAC, 1905–11, III, partie, 388–394.— Lettre de M. l’abbé Maillard sur les missions de l’Acadie et particulièrement sur les missions micmaques, Les soirées canadiennes ; recueil de littérature nationale (Québec), III (1863) : 289–426 (V. : p. 405).— Mémoire du Canada, RAPQ, 1924–1925, 103.— N.SArchives, I : 194–196, 210, 394.— Pichon, Lettres et mémoires, 239–245.— Casgrain, Un pèlerinage au pays d’Évangéline, 43, 505–507 ; Une seconde Acadie, 230–232.— E. A. Hutton, The Micmac Indians of Nova Scotia to 1834 (thèse de m.a., Dalhousie University, Halifax, 1961).— Johnson, Apôtres ou agitateurs, 105–128.— Murdoch, History of Nova-Scotia, II : 191–194.— Parkman, Montcalm and Wolfe (1884), I :123s.— Richard, Acadie (D’Arles) II : 85–121.— J. C. Webster, The forts of Chignecto ; a study of the eighteenth century conflict between France and Great Britain in Acadia (s.l., 1930), 32s.— H.-R. Casgrain, Coup d’œil sur l’Acadie avant la dispersion de la colonie française, Canada-Français, 1re sér., I (1888) : 114–134.— Albert David, L’affaire How d’après les documents contemporains, Revue de lUniversité d’Ottawa, VI (1936) : 440–468.— R. O. MacFarlane, British Indian policy in Nova Scotia to 1760, CHR, XIX (1938) : 154–157.

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Micheline D. Johnson, « BÂTARD, ÉTIENNE (Anthony) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/batard_etienne_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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