BAIN, JAMES, libraire, éditeur et bibliothécaire, né le 2 août 1842 à Londres, fils aîné de James Bain, libraire, et de Joanna Watson ; le 1er janvier 1875, il épousa à Édimbourg sa petite-cousine Jessie Mary Paterson, et ils eurent quatre enfants parmi lesquels seul un fils atteignit l’âge adulte ; décédé le 22 mai 1908 à Toronto.

En 1844, les parents de James Bain retournèrent dans leur ville natale, Édimbourg. Deux ans plus tard, James Bain père fut nommé directeur de la librairie-papeterie de Hugh Scobie* à Toronto sur la recommandation d’un marchand montréalais originaire d’Édimbourg, William Darling*. En mai 1846, la famille Bain arriva à Toronto. James fréquenta la Toronto Grammar School, mais en 1856, à l’âge de 14 ans, il abandonna ses études pour aider son père, qui venait d’ouvrir sa propre librairie.

En 1866, Bain devint voyageur de commerce pour le compte d’une maison d’édition et librairie en gros de Toronto, la James Campbell and Son. Il était appelé à se déplacer dans le Haut-Canada, et à se rendre dans les Maritimes et aux États-Unis. En 1870, il fit son premier voyage d’affaires annuel en Grande-Bretagne. En 1875, il prit la tête de la nouvelle agence de l’entreprise à Londres. Ayant démissionné de la James Campbell and Son en 1878, il forma la J. C. Nimmo and Bain avec un éditeur londonien. Cette maison publia un certain nombre de livres, mais comme les bénéfices ne suffisaient pas à faire vivre deux familles, Bain accepta en 1881 de retourner à Toronto pour gérer la nouvelle entreprise du fils de Campbell, William Cooper Campbell. Son poste à la Canada Publishing Company lui assurerait un salaire de 1 500 $.

Bain arriva à Toronto avec sa famille le 31 décembre 1881. L’échevin John Hallam dirigeait alors une campagne en faveur de l’ouverture d’une bibliothèque publique. En 1882, l’Assemblée législative de l’Ontario adopta une loi d’habilitation ; le 1er janvier 1883, les citoyens de Toronto approuvèrent par référendum un règlement établissant une bibliothèque publique. Hallam, président du conseil de la bibliothèque, exposa à l’assemblée inaugurale sa vision de la bibliothèque et du bibliothécaire en chef. La bibliothèque, déclara-t-il, devrait avoir des ouvrages de référence dans toutes les matières, offrir un choix judicieux de lectures d’agrément et bannir « les ordures de la presse moderne ». Cependant, sa principale mission devrait être de constituer un fonds complet d’imprimés sur le Canada. Le bibliothécaire en chef devrait être « très versé » en histoire du Canada et en littérature canadienne. Son salaire serait de 2 000 $.

Le conseil étudia quatre candidatures au poste de bibliothécaire en chef : celles de John Charles Dent*, de Graeme Mercer Adam*, de John Thomas Bulmer et de Bain. Dent était le favori, mais finalement, Bain l’emporta par cinq voix contre quatre. Ce choix exaspéra les partisans de Dent, et un membre du conseil d’administration démissionna. Bain fut la cible d’une campagne de presse hargneuse ; par exemple, on le traita de « voyageur de commerce de quatrième ordre ». Entre-temps, il s’installa dans sa nouvelle fonction. Le Toronto Mechanics’ Institute avait été dissous et ses biens transférés à la bibliothèque. Bain choisit dans la collection de l’institut quelque 8 500 livres. Avec l’aide d’experts, il sélectionna et acheta environ 23 000 autres volumes. Le 6 mars 1884, la Toronto Public Library ouvrit ses portes ; elle se trouvait dans l’édifice du Toronto Mechanics’ Institute, qui avait été rénové.

Tout au long de sa carrière de bibliothécaire, Bain eut à se plaindre de cet édifice et du manque d’argent. Une fois les premiers crédits dépensés, le budget annuel des livres fut de 6 000 $ en moyenne. Les livres ne coûtaient pas cher, mais durant 25 ans, Bain pratiqua l’épargne la plus stricte, car il fallait garnir suffisamment la bibliothèque centrale et les deux succursales pour desservir une population en pleine expansion et, en plus, constituer un fonds d’imprimés sur le Canada. En 1900, le conseil de la bibliothèque dut avoir recours aux tribunaux pour obtenir des crédits de fonctionnement du conseil municipal. La bibliothèque centrale était trop petite, mais on savait bien qu’il n’y aurait pas d’argent pour construire un nouvel édifice. En 1903, Bain obtint d’Andrew Carnegie la somme de 350 000 $ pour bâtir une nouvelle bibliothèque centrale et trois succursales. Les organisations ouvrières s’opposèrent à ce don parce que Carnegie avait mauvaise réputation en tant qu’employeur, mais le conseil municipal l’accepta. Bain eut beaucoup de fil à retordre sur plusieurs fronts : planifier la construction des nouveaux bâtiments, faire face aux controverses au sujet du choix de l’emplacement et des architectes de la bibliothèque centrale, et apaiser l’irascible Carnegie. Deux succursales seulement furent achevées avant sa mort. Quand on inaugura la bibliothèque centrale en 1909, on la considéra comme un monument à la mémoire de Bain.

Bain consacra aussi beaucoup d’efforts à la constitution de la collection. La section des humanités fut toujours meilleure que la section scientifique ; les ouvrages britanniques prédominaient nettement dans l’ensemble, ce qui reflétait la mentalité des résidents de Toronto. Quant aux ouvrages de fiction, ils avaient suscité la controverse dès le début. Goldwin Smith et d’autres s’étaient opposés à la création de la bibliothèque parce qu’ils refusaient que l’on se serve des taxes pour faire circuler des romans. De toute évidence, Bain avait du doigté, car on le félicita pour son « choix avisé et courageux » de livres de fiction. Toutefois, il préféra toujours faire l’acquisition d’ouvrages de référence ; la collection de livres canadiens rares était sa plus grande passion.

Ce n’est qu’en 1887 que le conseil accepta officiellement, comme le proposait Hallam, que la bibliothèque fasse l’acquisition de « tout ouvrage de quelque importance » ayant un rapport avec l’histoire du Canada et la littérature canadienne. Comme de petits éditeurs publiaient des livres dans tout le pays, découvrir les nouveaux titres parus exigeait beaucoup de recherche. Trouver les ouvrages épuisés ou les livres anciens rares était encore plus difficile. Bain cherchait l’ancien et le nouveau avec une égale ardeur et constitua rapidement une belle collection. Lorsque la bibliothèque publia son catalogue d’ouvrages de référence en 1889, la section canadienne, celle des livres rares surtout, suscita beaucoup d’éloges. Pierre-Joseph-Olivier Chauveau* trouva « merveilleux » que le catalogue contienne autant de titres canadiens-français courants et offrit à Bain de l’aider à trouver des publications québécoises. En 1907, Bain nota que la collection des livres canadiens rares était si imposante qu’il avait du mal à y ajouter des éléments. Cette collection se trouve maintenant à la Metropolitan Toronto Reference Library avec la collection personnelle de livres et opuscules canadiens rares de Bain.

Non seulement Bain choisissait-il tous les livres, mais il s’occupait seul la plupart du temps de l’assistance aux lecteurs, soit en personne ou par correspondance. Il lisait avec voracité et avait une excellente mémoire ; ses connaissances en matière d’histoire, de littérature et de bibliographie étaient à la fois vastes et précises. En outre, il était d’une « patience inépuisable devant l’ignorance », de sorte qu’il pouvait répondre à tous avec amabilité et les éclairer. Les auteurs, en particulier, pouvaient compter sur lui. Il leur recommandait des sources, lisait leurs manuscrits, les présentait à des éditeurs, veillait à ce qu’ils aient des recensions et des critiques favorables dans les journaux. Surtout, il les encourageait avec chaleur.

Bain appartenait à un grand nombre d’organisations ; souvent, il y exerça des fonctions ou fit partie de comités importants. Il participa à la fondation de la Canadian Society of Authors en 1899, de l’Ontario Library Association en 1900 (dont il fut président en 1901–1902) et de la Champlain Society en 1905. Il occupa la présidence du Canadian Institute de 1900 à 1902 et de la St Andrew’s Society de Toronto de 1905 à 1907. À la demande de Douglas Brymner, il lui succéda de 1897 à 1900 à la commission des manuscrits historiques de l’American Historical Association en tant que représentant du Canada. Fervent presbytérien, il fut de 1903 à 1908 convocateur du comité de l’assemblée générale sur les publications destinées aux écoles du dimanche ainsi que membre du conseil du Knox College de Toronto. Ce fut probablement avec le petit cercle de vacanciers de la région de Muskoka qu’il eut le plus de plaisir. Bain avait commencé à se rendre dans cette région dès 1860, soit à une époque où elle était encore très peu fréquentée en été.

En 1902, James Bain reçut un doctorat honorifique en droit civil de la Trinity University de Toronto pour sa « contribution remarquable à la cause de l’éducation ». En 1908, William Glenholme Falconbridge* déclara que sa mort, causée par le cancer, était un « malheur irréparable pour la population ». Bain avait donné de solides fondations à la Toronto Public Library et constitué une collection canadienne qui, depuis, a servi à des générations de chercheurs et d’étudiants. Il fut l’un des premiers directeurs de bibliothèque municipale au Canada, et l’un des meilleurs.

Edith G. Firth

James Bain a préparé une nouvelle édition de Travels & adventures in Canada and the Indian territories between the years 1760 and 1776, d’Alexander Henry* père (Toronto, 1901 ; réimpr., Edmonton, 1969) ; on peut consulter aussi une autre version éditée à Boston en 1901 et plusieurs réimpressions relativement récentes provenant des États-Unis. Les publications de Bain comprennent aussi plusieurs critiques d’articles et de livres sur les bibliothèques et l’histoire canadienne ; on trouve une liste de ces ouvrages dans le Répertoire de l’ICMH, dans Canadiana, 1867–1900, et dans Stephanie Hutcheson, « Towards a bio-bibliography of James Bain, first chief librarian of the Toronto Public Library » (mémoire préparé pour le programme mls de la Univ. of Toronto, 1973).

Les documents qui ont trait au rôle de Bain pendant les débuts de la Toronto Public Library sont conservés à la MTRL ; on y trouve notamment les papiers de la Toronto Public Library, l’opuscule intitulé Testimonials to accompany the application of Mr. James Bain, Jr., for the position of chief librarian to the Toronto Free Library (Toronto, 1883), ainsi que les publications de la Toronto Public Library de 1883 à 1909, dont son Annual report, 1883–1909, et les catalogues de ses collections. Les papiers de Bain conservés par ses descendants sont aussi importants.

En plus des coupures de journaux dans les papiers de Bain et des albums de la MTRL sur la Toronto Public Library (conservés sur microfilm), nous avons consulté les journaux suivants de Toronto relativement à des périodes précises entre 1883 et 1908 : l’Evening News (le News à compter de 1903) ; l’Evening Star (1892–1900, publié par la suite sous le titre Toronto Daily Star) ; l’Evening Telegram ; le Globe ; le Toronto Daily Mail (jusqu’en 1895) et le journal qui lui a succédé, le Daily Mail and Empire ; et le World.

MTRL, E. S. Caswell, « The Toronto Public Library : a historical sketch of its first quarter-century » (texte dactylographié, [dans les années 1930 ?]).— Univ. of Toronto Library, Thomas Fisher Rare Book Library, ms Coll. 106 (papiers William Kingsford).— Margaret Beckman et al., The best gift : a record of the Carnegie libraries in Ontario (Toronto, 1984), 96–101.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— T. E. Champion, « A great librarian : the late James Bain, d.c.l. », Canadian Magazine, 31 (mai–oct. 1908) : 223–226.— A. H. U. Colquhoun, « Canadian celebrities, no xiii – Mr. James Bain, Jr. » Canadian Magazine, 15 (mai–oct. 1900) : 31–33.— Dict. of Toronto printers (Hulse).— W. J. Loudon, Studies of student life (8 vol., [Toronto], 1923–[dans les années 1940 ?]), 8 : 13–24.— Susan McGrath, « The origins of the Canadiana collection at the Metropolitan Toronto Central Library the first twenty-five years », SBC Cahiers, 13 (1974) 85–100.— D. H. C. Mason, Muskoka : the first islanders (Bracebridge, Ontario, 1957).— Muskoka and Haliburton, 1615–1875 ; a collection of documents, F. B. Murray, édit. (Toronto, 1963).— Ontario Library Assoc., The Ontario Library Association, an historical sketch, 1900–1925 (Toronto, 1926).— Margaret Penman, A century of service : Toronto Public Library, 1883–1983 (Toronto, 1983).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.

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Edith G. Firth, « BAIN, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bain_james_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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